DROIT

INTERVIEW. Un partenariat autour de l’IA pour que les avocats puissent « augmenter significativement leur productivité »

INTERVIEW. Un partenariat autour de l’IA pour que les avocats puissent « augmenter significativement leur productivité »
Publié le 02/09/2024 à 14:42

L’IA générative juridique GenIA-L, conçue pour les professionnels du droit et du chiffre et arrivée sur le marché en début d’année et développée par Lefebvre Dalloz, va bientôt s’intégrer à l’outil métier de l’éditeur de logiciels Xelya. Objectif : « optimiser l’efficacité de l’IA en l’incorporant directement dans les dossiers clients », explique Valentin Tonti-Bernard, instigateur du partenariat.

JSS : En juin dernier, Xelya a noué un partenariat avec Lefebvre Dalloz pour intégrer à l’outil métier Diapaz son IA générative juridique « GenIA-L ». Comment cela s’est-il fait ? Quel est l’objectif ?

Valentin Tonti-Bernard : Après mon départ de l’éditeur Xelya – qui, fin 2022, avait racheté Anomia, le cabinet de conseil en stratégie dédié aux cabinets d’avocats que j’avais co-fondé en 2020 –, j’ai été contacté par Ketty De Falco, la directrice générale de Lefebvre-Dalloz. Elle souhaitait travailler avec moi afin de connaître ma vision du marché du droit.

Au fil de notre collaboration, je l’ai convaincue de pouvoir intégrer l’intelligence artificielle GenIA-L, développée chez Lefebvre Dalloz, dans l’outil métier Diapaz, développé par Xelya en 2009. L’idée était d’allier la puissance des fonds documentaires de Lefebvre-Dalloz, utilisant ses bases de données juridiques exhaustives et actualisées, à la puissance des logiciels métiers sur les cabinets d’avocats de Xelya, et c’est donc de cette manière que je suis devenu l’instigateur de ce partenariat. Dans ce cadre, je continue d’intervenir en tant qu’externe, n’étant ni salarié chez Lefebvre-Dalloz, ni chez Xelya. Je m’occupe de créer des synergies entre les équipes de Lefebvre-Dalloz et Xelya pour assurer le succès commercial du partenariat.

JSS : En quoi consiste précisément GenIA-L ? Quelle est sa plus-value par rapport à d’autres outils d’IA générative pour les cabinets d’avocats et professionnels du droit ? Quelles sont ses limites ?

V.T.-B. : C’est une IA qui permet à l’utilisateur de faire des recherches et de tirer le meilleur de la documentation juridique, notamment en générant une réponse à une question juridique posée en langage naturel, en se référant seulement aux bases de données juridiques du groupe Lefebvre Dalloz.

GenIA-L est développée depuis maintenant plus d’un an et demi par des équipes dédiées au sien de Lefebvre Dalloz, soit plus d’une quarantaine de personnes qui travaillent au niveau de la R&D et de la gestion de projet IA.

La puissance d’une IA tient dans le fait qu’elle doit être nourrie de documents extrêmement qualitatifs. Pour qu’une IA puisse tourner, il faut que la donnée primaire (informations spécifiquement collectées, ndlr) et la donnée secondaire (informations déjà collectées dans un autre but, ndlr) qui lui sont données à « manger » soient structurées, propres et actualisées de façon permanente. Ici, 400 personnes au quotidien travaillent sur la donnée, structurent la documentation produite par les plus grands professionnels juridiques français et internationaux. Autrement dit la base de connaissance sur laquelle repose est l’IA est 100 % fiable et actualisée, ce qui donne des réponses ultra exhaustives sur la globalité des sujets en droit français.

Il n’y a donc pas vraiment de limite à l’optimisation de la documentation juridique par l’IA. GenIA-L permet d’ores et déjà de fournir des réponses complète à des questions simples rédigées en langage naturel. Une fois intégrée à Diapaz d’ici la fin de l’année, GenIA-L optimisera l’efficacité de l’IA en l’incorporant directement dans les dossiers clients. GenIA-L utilisera les informations du dossier pour fournir des réponses plus pertinentes, et grâce à la gestion de document intégrée de Diapaz, les documents pourront être facilement traités et améliorés. Les avocats pourront ainsi intégrer les résultats de GenIA-L dans leurs dossiers, augmentant significativement leur productivité.

JSS : Quels seront les gains de l’intégration à Diapaz pour les cabinets par rapport à ce qui existe déjà ?

V.T.-B. : Aujourd’hui, GenIA-L for search est déjà disponible au sein de grands cabinets de la place. Courant septembre, sortira la V2, baptisée GenIA-L for chart, qui ressemble à l’interface de Chat GPT (du conversationnel).

L’objectif de l’intégration de GenIA-L au sein de Diapaz est d’aller plus loin et de permettre une surproduction pour les utilisateurs de l’outil métier, avec des fonctionnalités propres développées pour eux, une connectivité entre l’IA et le logiciel métier. Concrètement, il est possible de se servir de la donnée cliente à rentrer dans le logiciel métier pour donner du contexte à l’IA et faire en sorte que celle-ci donne des réponses circonstanciées, et permette de produire des actes dans lesquels a déjà été rentrée une grande partie de la donnée.

Il est aussi possible de challenger un document. Par exemple, un avocat qui travaille sur une assignation va commencer à la rédiger, et s’il souhaite la challenger, il lui suffit de l’uploader dans GenIA-L : ensuite, il lui sera possible de discuter avec l’IA pour améliorer des clauses, de voir si des arrêts ou autres données pertinentes ressortent pour modifier l’assignation le cas échéant. On discute avec une machine surpuissante qui permet d’aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin dans le raisonnement.

En pratique, les professionnels qui utilisent Diapaz auront une seule et unique connexion, et les modalités de paiement et de pricing sont actuellement à l’étude !

JSS : Les cabinets ne possédant pas Diapaz pourront-ils malgré tout utiliser GenIA-L ?

V.T.-B. : Pour les professionnels qui souhaitent utiliser GenIA-L sans passer par l’outil métier, il est possible d’accéder à l’IA via une licence payante.

L’IA restera disponible en propre pour les avocats qui ne possèdent pas l’outil métier, car l’objectif est d’avoir une IA « nue » qui est accessible par la globalité des professionnels du droit, aussi bien des avocats, commissaires de justice que des notaires etc. Toutefois, les avocats qui ne sont pas sur Diapaz n’auront pas accès à la fusion entre les données de Lefebvre Dalloz et l’outil métier.

JSS : Est-ce que tous les cabinets sont « armés » et formés pour prendre en main cette solution ?

V.T.-B. : C’est un fait : malgré leur bonne volonté la plupart du temps, les cabinets sont relativement en retard vis-à-vis des sujets technologiques et de transformation. En vue de l’intégration, il y aura de la formation prompt mais aussi une formation à l’usage, à l’efficacité et à la productivité.

JSS : D’après votre analyse, comment la taille d’un cabinet peut-elle influencer le recours à des outils d’IA ?

V.T.-B. : Je dirais que les plus petits cabinets ont plus facilement tendance à toucher aux outils d’IA. Concrètement, un petit cabinet d’avocat qui décide de prendre une licence tout seul de son côté fait ses tests et décide ou non de la garder.

Pour les plus grands cabinets, c’est plus compliqué, puisqu’en réalité, ils sont en test auprès de plusieurs éditeurs, et sont amenés à prendre une décision. Or, il y a des outils qui sont plus appréciés ou usités dans certaines matières plutôt que d’autres. Et lorsque les cabinets sont en phase de test, il y a aussi des conflits internes, des paralysies et discussions longues sur le fait de prendre tel ou tel produit. Donc les grands cabinets commencent à prendre le sujet à bras le corps mais n’avancent pas beaucoup.

Propos recueillis par Allison Vaslin

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