L’École Nationale de la Magistrature
inaugure un congé spécifique pour encourager la prévention et les dépistages
médicaux. L’initiative a été particulièrement bien accueillie par ses
agents.
L’École nationale de la magistrature
a annoncé le 24 juin dernier la mise en place d’un nouveau droit en matière de
santé, en instituant « une journée d’absence exceptionnelle consacrée à la
prévention et aux dépistages du cancer ».
Avec ce dispositif
d’accompagnement, l’école devient l’une des premières institutions publiques à
s’engager dans cette voie, au bénéfice de ses personnels, quels que soient leur
âge et leur sexe. Ce congé prend la forme d’une
autorisation d’absence exceptionnelle et peut être accordé pour chaque agent
une fois par an. Il est sans incidence sur les droits à congés et n'est soumis
à aucun contrôle.
De l’épreuve personnelle au
projet collectif
Derrière ce dispositif, une
initiative de Raphaëlle Silvy-Leligois, magistrate et sous-directrice du
département des formations professionnelles spécialisées à l’ENM : « Aujourd'hui,
Santé publique France encourage trois types de dépistage : celui du cancer
du sein, du colon et de l'utérus. A l’ENM, nous encourageons plutôt à ne pas se
contenter de ces campagnes,
exprime-t-elle.
Chacun
a son histoire familiale, chacun a ses raisons de consulter un spécialiste... Ne
serait-ce que pour un grain de beauté suspect. Ce jour de congé offert est un
levier pour faire comprendre aux membres du personnel que leur employeur les
encourage à vérifier leur santé au moins une fois par an. Et qu’ils doivent
accorder plus d’importance à ces rendez-vous médicaux, qui sont souvent
repoussés ou oubliés. »
Le
projet est
issu d’une initiative personnelle. Raphaëlle Silvy-Leligois a elle-même été confrontée à un cancer. Elle raconte : « A
partir du moment où vous apprenez cette nouvelle, tout cela vous paraît
injuste, insensé et incompréhensible. Rapidement, j’ai eu besoin de donner du
sens à ce qui m’arrivait. J’ai d’abord envisagé la piste associative, pour m’y
engager ou en créer une. Après réflexion, j’avais surtout envie de lier médical
et environnement professionnel, puisque je continuais à travailler en même
temps que mes soins ».
Le 4 février 2025,
à l’occasion de la journée mondiale du cancer, Raphaëlle
Silvy-Leligois apprend que le groupe Publicis lance le Screening Time Off,
une initiative qui incite les entreprises à accorder du temps libre à leurs
employés pour réaliser des dépistages de cancer. « Je me suis
dit : c’est ce qu’il nous faut », indique la magistrate.
Une
initiative appréciée en interne
Face
à la demande de Raphaëlle Silvy-Leligois, Nathalie Roret, directrice de l’ENM, soutenue par son comité de
direction, lui prête une « oreille attentive et bienveillante ».
« Sur le principe, on m’a dit oui tout de suite. Il s’agissait ensuite
d’étudier les modalités pratiques et opérationnelles. »
Aujourd’hui, le principal
objectif de sensibilisation du public semble atteint. « Ils n’ont plus
à poser un jour de congé ou de RTT. Plus besoin de demander l’autorisation à leur
N+1 ». Au-delà de la sensibilisation au dépistage, pour celles et ceux
qui auraient tendance à les oublier, il s’agit aussi de rappeler ce que doit
être la priorité du quotidien : être en bonne santé.
Le premier bilan semble positif.
« J’ai reçu de très bons retours, toujours reconnaissants, relate
Raphaëlle Silvy-Leligois. Certains m’ont raconté des bribes de leur
vie : un examen à faire chaque année, une famille à risque… Ceux-là se
réjouissent de pouvoir se soigner sans que cela ne leur coûte un jour de
congés. D’autres m’ont avoué qu’ils avaient eu un véritable déclic à la lecture
de nos communications : ils ont immédiatement pris ce rendez-vous médical
que leur vie personnelle ou professionnel empêchait jusqu’alors de planifier ».
L’enjeu d’information étant d’autant plus important que la détection précoce
permet de poser rapidement un diagnostic de cancer, pour une meilleure prise en
charge.
Avec le recul, Raphaëlle
Silvy-Leligois constate également que le lien « humain » au
sein des personnels de l’ENM s’est renforcé. « Certaines personnes que
je ne connaissais pas se sont confiées à moi. Des sujets liés à l’intime ont
été évoqués : c’est rare dans un environnement de travail. »
Au-delà de la prévention et du dépistage, la magistrate rappelle également que
cette initiative sensibilise tout autant à l’épreuve même de la maladie. « On
peut être malade tout en continuant à se sentir bien au travail. On peut
revenir après avoir été malade sans appréhension. L’idée est aussi de donner un
signe positif de l’après-maladie ».
Laurène
Secondé