JUSTICE

La « justice en guerre » au cœur de la dernière édition du Salon du livre judiciaire

La « justice en guerre » au cœur de la dernière édition du Salon du livre judiciaire
Publié le 14/06/2024 à 11:54

Vladimir Poutine, l’accusation figure parmi les nombreux ouvrages présentés le 8 juin lors de la neuvième édition de l'événement. L'occasion de découvrir le livre, co-écrit par l’ancien garde des Sceaux récemment décédé, qui dénonce les agissements du président russe envers l’Ukraine, mais également un aperçu des coulisses de sa rédaction, grâce aux anecdotes du magistrat (et co-auteur) Bruno Cotte.

Le 8 juin, le Conseil supérieur du notariat a ouvert ses portes à la neuvième édition du Salon du livre judiciaire parisien, durant laquelle une quinzaine d’ouvrages ont été présentés tout au long de la journée.

À l’occasion de cette nouvelle édition, une table ronde sur le thème de la « Justice en guerre », animée par Jean-Paul Jean, président de chambre honoraire à la Cour de cassation, a permis la présentation de plusieurs ouvrages, notamment celui de Fabien Lostec.

Un ouvrage sur les femmes collaboratrices condamnées à mort

Dans Condamnées à mort, l’épuration des femmes collaboratrices, le docteur en histoire contemporaine examine le sort de 651 femmes condamnées à mort pour collaboration et crimes de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale.

Après une étude minutieuse des archives des tribunaux militaires et des dossiers de procédure des cours de justice, l’auteur tente de brosser un portrait détaillé de ces femmes atypiques, révélant leur engagement envers l'ennemi ainsi que les actes violents, les tortures, les déportations et les assassinats qu'elles ont perpétrés.

Fabien Lostec a utilisé sa thèse sur le même sujet comme base pour rédiger son livre @ JSS

Bien que le Général De Gaulle ait affirmé que toutes ces femmes avaient été graciées, en réalité, explique Fabien Lostec le 8 juin, parmi ces condamnées, « 247 ont été jugées par contumace, 46 ont été fusillées, 70 ont été exécutées de manière extralégale, sans compter les nombreux cas restés dans l’ombre » révèle l’auteur.

Aurélia Devos et la lutte contre l’impunité des crimes contre l’humanité

Autre ouvrage présenté lors de cette même table ronde, le percutant Crimes contre l’humanité : le combat d’une procureure. Dans ce livre, la magistrate Aurélia Devos, qui a notamment travaillé pendant dix ans au pôle « crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre », expose comment, après avoir écouté les victimes et rencontré leurs bourreaux, elle a souhaité mettre en lumière les responsabilités individuelles au cœur des crimes de masse commis au Rwanda, en Syrie, au Liberia ou encore en Ukraine.

Aurélia Devos précise que le premier procès pour crime de génocide en France a été celui de Pascal Simbikangwa en 2014, au Rwanda @ JSS

Aurélia Devos y rapporte également que la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves en France a entraîné des changements juridiques majeurs à la fin des années 2000. Cette période a marqué un tournant pour le droit pénal français, autorisant la poursuite des présumés auteurs de ces crimes, même s'ils sont étrangers et ont agi à l'étranger contre des victimes étrangères. « La France n'est pas un refuge pour les criminels cherchant à échapper à la justice de leur pays », martèle la magistrate lors de la présentation de son ouvrage.

Le chant du cygne de Robert Badinter

Dernier livre, et non des moindres, à faire partie de la sélection : Vladimir Poutine, l’accusation, co-écrit par un trio de taille : Bruno Cotte, ancien président de la chambre criminelle de la Cour de cassation et ancien président de la chambre de jugement à la Cour pénale internationale ; Robert Badinter, ancien garde des Sceaux et ancien président du Conseil constitutionnel ; et Alain Pellet, ancien président de la Commission du droit international des Nations unies et ancien président de l’Institut de droit international.

Alors qu’il revenait sur la genèse de cet ouvrage, Bruno Cotte a révélé que la création de cet écrit provenait d’un souhait personnel de Robert Badinter, décédé le 9 février dernier. Celui qui est l’actuel président de l'Académie des Sciences morales et politiques          a ainsi partagé le souvenir de la discussion à l’origine de leur œuvre : « L’image que je souhaite conserver de lui, c’est ce coup de téléphone que j’ai reçu début décembre 2022, où il m’avait demandé qu’il aimerait bien que je vienne - et dans la bouche de Badinter, cela veut dire : venez tout de suite ! »

Et d’ajouter, ému : « J’ai encore cette image d’un homme très angoissé par la possibilité du retour d’une guerre traditionnelle. Il m’a tout de suite accueilli en me disant qu’on ne pouvait pas se taire par rapport à la situation en Ukraine qui est effroyable. Il souhaitait que les Français se rendent comptent de qui est vraiment Vladimir Poutine et qu’ils prennent conscience ce qu’il est en train de faire. Il m’a dit : Il faut écrire un acte d’accusation ».

Un acte d’accusation qui repose principalement sur la caractérisation du crime d’agression contre l’Ukraine, en s'interrogeant sur l'existence de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis par les forces russes, dont Vladimir Poutine est le chef.


Alain Pellet, co-rédacteur du livre était l’avocat de la Russie devant la Cours internationale de Justice avant de démissionner après l’invasion Russe de l’Ukraine @ JSS

« Nous avions le souci de dire : attention, il y a vraiment des infractions qui sont en train d’être commises et on ne peut pas accepter ça », a précisé Bruno Cotte lors de ce Salon du livre judiciaire. Bien que l’ancien directeur des affaires criminelles et des grâces estime avoir rédigé son livre « trop rapidement », et alors même qu’il était hospitalisé en pneumologie, l'achever s’est avéré une véritable course contre la montre, car « Robert Badinter se savait très âgé ». Une sorte de chant du cygne pour l’ancien garde des Sceaux, qui avec cet ouvrage, comme le note Bruno Cotte, souhaitait « avant tout éveiller les consciences ».

Romain Tardino

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