La création en France de la Grande Profession du Droit est trentenaire. Initiée à l’origine par Robert Badinter, ministre
de la Justice, puis par son successeur, elle était le résultat d’une vision
prospective mondiale de la plus importante profession juridique et judiciaire,
celle d’avocat conseil. La
fusion de la profession de conseil juridique avec celle d’avocat, au 1er
janvier 1992, ne devait pas, ne pouvait pas s’inscrire dans un processus
d’intégration (les conseils juridiques ne représentaient en nombre que la
moitié des avocats mais exerçaient généralement dans des cabinets fortement
structurés et plus importants) mais uniquement dans le cadre d’un apport réciproque. La profession d’Avocat, organisée depuis plus
de 400 ans, était prestigieuse, valorisée, reconnue, incontournable en matière
de défense. La profession de conseil juridique, de création récente qui ne bénéficiait
d’aucun monopole, était pragmatique, très organisée, informatisée, et générait
un volume d’affaires très conséquent. Elle était spécialisée essentiellement en
Droit des affaires auprès des entreprises et ouverte à de nouveaux champs
d’activités.
L’unicité de ces deux professions leur donnait
force, reconnaissance, notoriété et un impact considérable. Face à la
concurrence Internationale et surtout Anglo-saxonne depuis longtemps opérationnelle,
elle dotait le barreau français d’un barreau d’affaires compétent et déjà implanté
en France et à l’étranger, et positionnait la France au niveau de ces pays-là,
sous la bannière mythique du Conseil et
de la Défense. Cela impliquait de nombreuses mesures d’accompagnement,
une déontologie et une formation harmonisées, des cycles de formation
universitaire spécialisés (DESS, DJCE...), des structures d’exercices novatrices
adaptées, la création du Conseil National des Barreaux, les spécialisations...
Ces nouvelles dispositions législatives intégraient
des innovations conséquentes dont la profession d’avocat bénéficie aujourd’hui,
des sociétés de capitaux et plus tard des sociétés de participation financières
qui seront le premier pas vers l’interprofessionnalité, en passant par
l’arbitrage, l’expertise, la médiation, l’ouverture à des activités novatrices,
des avancées significatives pour le statut de l’ensemble des professions
libérales réglementées et une fiscalité adaptée. Cela a contribué plus
précisément à ouvrir la voie aux sociétés d’exercice libéral, aux sociétés
pluridisciplinaires et aux sociétés holding pluriprofessionnelles plus
récentes.
Il s’agissait en fait de la plus grande mutation
qu’a connue la profession d’avocat en 400 ans, et au-delà même, partie de ces
novations ont impacté la plupart des professions libérales et de services, y
compris les professions techniques et médicales.
Dans la perspective des extraordinaires mutations
professionnelles, qui ne peuvent être sous-estimées, et qui s’annoncent dans un
avenir qui se conjugue au présent, à l’image de ce que connaissent déjà notamment
les professions réglementées voisines des experts-Comptables et des commissaires
aux comptes, la profession d'avocat se doit d’engager sans attendre, à l’image
de la fusion précitée, une deuxième mutation tout aussi importante.
La primauté du droit européen, la révolution
numérique, la blockchain, l’émergence de l’intelligence artificielle, les
nouvelles modalités d’accès au droit en ligne, les plateformes du droit à bas
coût, la lenteur et le coût élevé de la justice, son insuffisance de
spécialisation, la robotisation juridique mais aussi judiciaire annoncée, les
modes alternatifs de résolution amiable des conflits, l’adaptation du moderne
plaider-coupable et les perspectives d’une justice prédictive qui se profile à
l’horizon, un marché du droit des plus concurrentiels dans toutes ses
spécificités, l’acte d’avocat, les structures pluriprofessionnelles et
pluridisciplinaires sont autant de données objectives, et ne peuvent qu’inciter
la profession d’avocat à entreprendre une démarche prospective et qualitative
pour relever le défi du nouveau métier d’avocat qui s’annonce, tant dans
le domaine juridique, ce qui était prévisible, que dans le domaine judiciaire,
ce qui l’était peut-être moins.
Alain Couturier,
Avocat Honoraire,
Ancien Président
AGENDA :
Le
CNB organise ce jeudi 2 décembre 2021 à la Cité de l’Espace à Toulouse, les États généraux de la « Prospective et de l’innovation » - L’avocat en
2050 : de la science- fiction à l’action.
Information
et inscriptions : https://www.cnb.avocat.fr/fr/etats-generaux-de-la-prospective-et-de-linnovation-lavocat-en-2050-de-la-science-fiction-laction