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Le conflit ukrainien démontre une nouvelle fois la nécessité de repenser la gestion prévisionnelle du risque au sein des entreprises

Le conflit ukrainien démontre une nouvelle fois la nécessité de repenser la gestion prévisionnelle du risque au sein des entreprises
Publié le 31/05/2022 à 09:00

Dans le sillage de la crise du Covid qui a secoué nos économies, la crise en Ukraine met en évidence les limites de la mondialisation et vient une fois de plus mettre à l’épreuve les entreprises. Pour le Cercle Montesquieu (association des directeurs juridiques et sécrétaires généraux), il leur faut désormais prendre en compte la situation géopolitique et reconsidérer la gestion prévisionnelle des risques.

 


 

Reprendre en compte les différentes typologies de risques

S’agissant des risques de compliance, le risque de violation de sanctions françaises ou européennes s’est imposé aux entreprises. Mais il faut aussi ajouter à cela les risques de violation de sanctions américaines ou encore anglaises. En raison de cette diversité, il est de plus en plus difficile pour les entreprises de s’assurer qu’elles ne travaillent pas avec des tiers sous sanctions ou embargo. Nos entreprises peuvent se retrouver en difficulté au regard des engagements pris vis-à-vis des actionnaires, clients ou encore fournisseurs. Autrement dit, elles doivent souvent respecter les sanctions d’autres pays, et c’est notamment le cas avec l’embargo américain sur l’Iran.

En sus des risques de compliance évoqués ci-dessus, le conflit en Ukraine entraîne d’autres complexités opérationnelles empêchant les entreprises. Celles exposées à cette crise doivent notamment repenser le circuit d’acheminement des produits en raison des nombreux partenaires logistiques sous sanctions, et il faut également noter en ce sens une crispation des autorités douanières qui contribue à rallonger les délais d’acheminement des produits. De plus, la situation est encore plus complexe pour les entreprises traitant des produits sensibles, soumises aux licences.

Cette complexité logistique, combinée à la mise sous sanctions de certains produits et services, en import ou en export, met inexorablement sous pression les entreprises au regard de leurs responsabilités contractuelles. En effet, les clauses de force majeure anti-sanctions, et les clauses embargo classiques ne s’appliquent pas de manière systématique pour éteindre les engagements contractuels. Une autre de ces complexités opérationnelles concerne les partenaires bancaires et financiers. En effet, leur liste s’allonge de jour en jour et il devient de plus en plus difficile pour les entreprises exposées à cette crise de recevoir ou payer leurs partenaires commerciaux.

Enfin, la crise ukrainienne met aussi en lumière l’importance croissante des critères ESG et RSE et de leurs corollaires face au risque réputationnel dans le monde économique contemporain. Nous pouvons à ce titre constater la mise sous pression médiatique des entreprises qui ont choisi de rester en Russie, même si, précisons-le, il n’existe pas d’interdiction formelle (pour l’instant) d’y travailler.

 

 


Repenser la gestion prévisionnelle du risque

L’évocation des risques ci-dessus doit nécessairement être prise en compte par les chefs d’entreprise exposés aux risques géopolitiques, sous peine d’être déstabilisés tel qu’illustré par le conflit actuel. Ainsi, il est nécessaire de réfléchir en amont aux enjeux contractuels éventuels liés à la décision soudaine de suspension de l’activité dans un pays, ou encore diversifier les sources d’approvisionnement des matières premières.

Les pouvoirs publics doivent pleinement assurer leur rôle dans ce contexte, et il est donc nécessaire de repenser la règlementation pour favoriser la résilience des entreprises au service des enjeux de souveraineté industrielle et de relocalisation. À ce titre, il serait utile de souligner deux réformes abondant en ce sens :

faire du régime des sanctions internationales un rempart économique au profit des entreprises européennes ;

améliorer la prédictibilité et stabiliser la fiscalité des entreprises au service de la réindustrialisation de la France et de l’Europe, et contribuer ainsi à consolider la place de Paris en tant que capitale européenne des affaires.

 

Edouard Leeleea,

Directeur juridique et compliance,

Membre du Cercle Montesquieu

 

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