Dans le sillage de la crise du
Covid qui a secoué nos économies, la crise en Ukraine met en évidence les limites de la mondialisation
et vient une fois de plus mettre à l’épreuve les entreprises. Pour le Cercle
Montesquieu (association des directeurs juridiques et sécrétaires généraux), il leur faut désormais
prendre en compte la situation géopolitique et reconsidérer la gestion
prévisionnelle des risques.
Reprendre en compte les différentes
typologies de risques
S’agissant des risques de compliance,
le risque de violation de sanctions françaises ou européennes s’est imposé aux
entreprises. Mais il faut aussi ajouter à cela les risques de violation de
sanctions américaines ou encore anglaises. En raison de cette diversité, il est
de plus en plus difficile pour les entreprises de s’assurer qu’elles ne
travaillent pas avec des tiers sous sanctions ou embargo. Nos entreprises
peuvent se retrouver en difficulté au regard des engagements pris vis-à-vis des
actionnaires, clients ou encore fournisseurs. Autrement dit, elles doivent
souvent respecter les sanctions d’autres pays, et c’est notamment le cas avec
l’embargo américain sur l’Iran.
En sus des risques de compliance
évoqués ci-dessus, le conflit en Ukraine entraîne d’autres complexités
opérationnelles empêchant les entreprises. Celles exposées à cette crise
doivent notamment repenser le circuit d’acheminement des produits en raison des
nombreux partenaires logistiques sous sanctions, et il faut également noter en
ce sens une crispation des autorités douanières qui contribue à rallonger les
délais d’acheminement des produits. De plus, la situation est encore plus
complexe pour les entreprises traitant des produits sensibles, soumises aux
licences.
Cette complexité logistique, combinée
à la
mise sous sanctions de certains produits et services, en import ou en export,
met inexorablement sous pression les entreprises au regard de leurs
responsabilités contractuelles. En effet, les clauses de force majeure
anti-sanctions, et les clauses embargo classiques ne s’appliquent pas de
manière systématique pour éteindre les engagements contractuels. Une autre de ces
complexités opérationnelles concerne les partenaires bancaires et financiers.
En effet, leur liste s’allonge de jour en jour et il devient de plus en plus
difficile pour les entreprises exposées à cette crise de recevoir ou payer
leurs partenaires commerciaux.
Enfin, la crise ukrainienne met aussi
en lumière l’importance croissante des critères ESG et RSE et de leurs
corollaires face au risque réputationnel dans le monde économique contemporain.
Nous pouvons à ce titre constater la mise sous pression médiatique des
entreprises qui ont choisi de rester en Russie, même si, précisons-le, il
n’existe pas d’interdiction formelle (pour l’instant) d’y travailler.
Repenser la gestion prévisionnelle du
risque
L’évocation des risques ci-dessus
doit nécessairement être prise en compte par les chefs d’entreprise exposés aux
risques géopolitiques, sous peine d’être déstabilisés tel qu’illustré par le
conflit actuel. Ainsi, il est nécessaire de réfléchir en amont aux enjeux
contractuels éventuels liés à la décision soudaine de suspension de l’activité
dans un pays, ou encore diversifier les sources d’approvisionnement des
matières premières.
Les pouvoirs publics doivent
pleinement assurer leur rôle dans ce contexte, et il est donc nécessaire de
repenser la règlementation pour favoriser la résilience des entreprises au
service des enjeux de souveraineté industrielle et de relocalisation. À ce titre, il serait utile de souligner
deux réformes abondant en ce sens :
• faire du régime des sanctions
internationales un rempart économique au profit des entreprises européennes ;
• améliorer la prédictibilité et
stabiliser la fiscalité des entreprises au service de la réindustrialisation de
la France et de l’Europe, et contribuer ainsi à consolider la place de Paris en
tant que capitale européenne des affaires.
Edouard
Leeleea,
Directeur
juridique et compliance,
Membre
du Cercle Montesquieu