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Le dilemme du remboursement des PGE

Le dilemme du remboursement des PGE
Publié le 25/03/2021 à 11:54
Dans ce contexte de crise, il est nécessaire d’accorder un délai de remboursement du PGE aux entreprises pour que cette opération soit une réussite.

 


Monsieur le Ministre, vous avez préféré l’endettement à la faillite. Très bien ! Endettement : avec des délais et de l’activité, une entreprise peut rembourser. Faillite : tout disparaît (activité, emploi, dettes).

Il faut bien réaliser qu’un « accident » particulier comme la Covid-19 doit nécessiter une longue convalescence, et ce n’est pas en quatre ans (beaucoup d’entreprises font le choix des deux ans de différé) qu’une entreprise pourra rembourser un prêt égal, parfois à 25 % de son chiffre d’affaires. Les contraintes (irréalistes) de la Commission européenne qui imposent une durée totale de six ans, différé compris, doivent être déverrouillées.

Rembourser sur une longue période sera de plus un gage de stabilité pour les entreprises et notre économie. Si la période Covid-19 a instauré le droit de ne pas payer ses dettes, il faudra dans tous les cas les rembourser !

à ce jour, près de 655 000 entreprises ont bénéficié d’un PGE (prêt garanti par l’État) pour un total de 133 milliards d’euros.

Sans oublier les reports de charges dont ont bénéficié environ 375 000 entreprises. À la fin janvier 2021, 10 milliards d’euros resteraient encore à rembourser à l’URSSAF.

D’après la Banque de France, l’endettement financier des entreprises françaises atteignait 1 888 milliards d’euros au 31 décembre 2020.

L’encours des crédits bancaires atteint, à la fin décembre 2020, un montant de 1 198 milliards d’euros, un niveau jamais atteint.

 

La trésorerie est le carburant de lentreprise

Rappelons que la trésorerie est le carburant de l’entreprise. À ce niveau, les PGE ont parfaitement rempli leur rôle en ne laissant aucun réservoir vide ni aucune entreprise sur le bas côté de la route.

98 % des entreprises qui ont sollicité un PGE, essentiellement des TPE et des PME, ont obtenu satisfaction. Le médiateur du crédit a également parfaitement rempli son rôle, en remettant sur la route les quelques entreprises qui étaient au fossé.

De solution de crise et de secours, le PGE a été pour certains un prêt de confort de trésorerie (à moindre coût) qu’ils n’auraient pas obtenu normalement, et qu’ils ont obtenu grâce à la garantie de l’État.

 

Effet de levier du PGE

Le PGE peut avoir un effet de levier bénéfique dans les bilans. Contrairement à certaines idées répandues, il aura pour effet de conforter les capitaux permanents de l’entreprise pendant la durée du prêt ; restructurer le fond de roulement et le besoin en fond de roulement (BFR) pour prendre, dans certains cas, la forme d’un prêt de restructuration ; consolider et parfois remplacer le financement précaire d’un découvert (à un taux intéressant).

Les pouvoirs publics doivent absolument accompagner le remboursement de ces prêts, ainsi que la régularisation des délais fiscaux et sociaux accordés, afin que l’opération de PGE soit une réussite.

 

Comment accompagner les entreprises ?

Afin de ne pas gêner le développement des entreprises, la durée de remboursement de la dette globalisée (PGE + dettes fiscales et sociales) devrait être fixée à sept à huit ans dans certains cas, voire 10 ans dans d’autres situations.

Comment ? En permettant aux banques de négocier librement avec leurs clients les modalités de remboursement (remboursements saisonniers, progressifs, in fine, etc.), et en décidant d’attribuer le statut de prêt participatif à tous les PGE durant toute la durée de remboursement, afin de conforter les fonds propres et quasi-fonds propres des entreprises.

Rappelons que non définie par les textes, la surface propre élargie est très utilisée lors de l’analyse financière et pour améliorer le ratio : fonds propres élargis = une dette à moyen long terme.

L’ensemble de ces mesures d’accompagnement ne pourra que réduire les défaillances.

Rappelons que dès lors qu’elle est garantie et rémunérée, une banque ne pose aucune difficulté pour prêter sur une longue période.

 

Durée des prêts

La durée de 4 ou 5 ans sera difficile, voire impossible à respecter pour certains. La capacité de remboursement sera insufisante durant les années après Covid-19.

La période Covid-19 est un « accident » très particulier qui nécessitera, pour certains (notamment les secteurs de la restauration, du tourisme, etc.), une longue convalescence.

La durée de 10 ans (15 ans pour un agriculteur) rallongée à 12 ans durant la période sanitaire (17 ans pour un agriculteur) est la durée judiciaire de remboursement des dettes lors d’un plan de continuation (sauvegarde ou redressement judiciaire). Pourquoi ne pas retenir cette même durée de remboursement sans passer par le tribunal de commerce ?

Transformer le PGE en capital est une hérésie et une utopie, une idée par ailleurs rejetée et non souhaitée par les banques et par l’État. Peut-on imaginer les banques, par effet de conversion du PGE, devenir actionnaires de dizaines de milliers d’entreprises ?

 

Informations pratiques

À partir de l’échantillon dune grande banque régionale :

5 % des PGE seront remboursés immédiatement ;

76 % des PGE seront remboursés (TEG : 1,726 %) ;

60 % avec un différé de 12 mois ;

40 % avec un différé de deux ans.

Les autres PGE étant remboursés sur trois ou quatre ans.

Rappelons qu’une banque ne peut résilier une autorisation de découvert, dès lors qu’un PGE a été accordé.

Notons qu’avec le risque d’un autre confinement, les entreprises ont adapté un comportement de prudence.

L’intervention du tribunal de commerce et du tribunal judiciaire (agriculteurs, professions libérales, associations) sera pour certains inéluctable, et même conseillée. La mise en place de délais de règlement plus longs pourra réduire leur nombre.

N’oublions pas qu’avec des délais et de l’activité, une entreprise peut rembourser.

 

Prévisions optimistes de la Commission européenne

La Commission européenne prévoit, pour la France, une augmentation du PIB de 5,5 % en 2021, après une chute de 8,3 % en 2020 ; mieux que l’Allemagne, qui ne progresserait que de 3,2 % (-5 % en 2020).

La Commission précise également que si la transmission du virus est fortement limitée, « la force du rebond de la croissance pourrait nous surprendre favorablement et la réalité être plus rose… », a déclaré le commissaire chargé de l’Économie Paolo Gentiloni.

 

Transformation du PGE en subvention

Un constat : des PGE ont été attribués à des entreprises vouées à l’échec. Ces mêmes entreprises maintenues sous perfusions ne pourront naturellement pas rembourser.

Par un communiqué du 28 janvier 2021, la Commission européenne a déclaré permettre aux États de convertir, jusqu’au 31 décembre 2022, les PGE en subvention, dans certains cas particuliers.

Dans ce cadre, des plafonds par prêt à ne pas dépasser ont été indiqués :

225 000 euros pour le secteur agricole ;

270 000 euros pour la pêche ;

1 800 000 euros pour tous les autres secteurs (commerce, industrie...).

Le choix et le « tri » sera délicat pour les pouvoirs publics, qui devront bien distinguer les entreprises viables de celles vouées à la disparition.

 

Taux de défaut des PGE

Selon la Banque de France, le taux de défaut des PGE atteindrait entre 4,5 et 6 % (les banques indiquent 5 à 10 %). En retenant un taux de défaut de 6 %, un total de 700 000 PGE et un montant de 150 milliards d’euros de prêt, la perte pourrait atteindre -150 milliards X 6 % X 90 % = 8 milliards d’euros (arrondis), pour 700 000 X 6 % = 42 000 entreprises défaillantes ; montant duquel il convient de déduire les commissions de garantie perçues par l’État qui pourraient s’élever de 3,5 à 4 milliards (calcul approximatif), soit une perte de 4 à 5 milliards d’euros...

« Compte tenu de l’enjeu, un coût plus que raisonnable pour les finances publiques », déclarait un haut fonctionnaire de Bercy.

Rappelons que l’emprunt Giscard, indexé sur l’or de 1973 qui, pour 1 milliard d’euros emprunté (francs transposés e n euros), a coûté à la France 13,7 milliards d’euros (intérêts compris). Soit un coût net de plus de 12 milliards d’euros, pour alimenter les poches des épargnants français et étrangers...

En conclusion, 4 à 5 milliards d’euros pour sauver les entreprises et leurs emplois dans cette période très particulière : rien à dire !

 

 

Michel Di Martino,

Expert-comptable – commissaire aux comptes,

Président d’honneur du Tribunal de commerce de Lons-le-Saunier,

Doctorant en droit privé à l’université Bourgogne Franche Comté-CRJFC (EA 3225)

                                                                           

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