Dans ce contexte de crise, il est nécessaire d’accorder un délai
de remboursement du PGE aux entreprises pour que cette opération soit une
réussite.
Monsieur le Ministre, vous avez
préféré l’endettement à la faillite. Très bien ! Endettement : avec des délais
et de l’activité, une entreprise peut rembourser. Faillite : tout disparaît
(activité, emploi, dettes).
Il faut bien
réaliser qu’un « accident »
particulier comme la Covid-19 doit nécessiter une longue convalescence, et ce n’est pas en quatre ans (beaucoup d’entreprises font le choix des
deux ans de différé) qu’une entreprise pourra
rembourser un prêt égal, parfois à 25 % de son chiffre d’affaires. Les contraintes
(irréalistes) de la Commission européenne qui imposent une durée totale de six ans, différé compris, doivent être déverrouillées.
Rembourser
sur une longue période sera de plus un gage de stabilité pour les entreprises
et notre économie. Si la période Covid-19 a instauré le droit de ne pas payer ses dettes, il faudra dans tous les
cas les rembourser !
à ce jour, près de 655 000 entreprises ont bénéficié d’un PGE (prêt garanti par l’État) pour un
total de 133 milliards d’euros.
Sans oublier
les reports de charges dont ont bénéficié
environ 375 000 entreprises. À la fin janvier 2021, 10 milliards d’euros
resteraient encore à rembourser à l’URSSAF.
D’après la
Banque de France, l’endettement financier des entreprises françaises atteignait
1 888 milliards d’euros au 31 décembre 2020.
L’encours
des crédits bancaires atteint, à la fin décembre 2020, un montant de 1 198 milliards d’euros, un niveau jamais atteint.
La trésorerie est le
carburant de l’entreprise
Rappelons que la trésorerie est
le carburant de l’entreprise. À ce niveau, les PGE ont parfaitement rempli leur
rôle en ne laissant aucun réservoir vide ni aucune entreprise sur le bas côté
de la route.
98 % des entreprises qui
ont sollicité un PGE, essentiellement des TPE et des PME, ont obtenu
satisfaction. Le médiateur du crédit a également parfaitement rempli son rôle,
en remettant sur la route les quelques entreprises qui étaient au fossé.
De solution de crise et de
secours, le PGE a été pour certains un prêt de confort de trésorerie (à moindre
coût) qu’ils n’auraient pas obtenu normalement, et qu’ils ont obtenu grâce à la
garantie de l’État.
Effet de levier du PGE
Le PGE peut avoir un effet
de levier bénéfique dans les bilans. Contrairement à certaines idées répandues,
il aura pour effet de conforter les capitaux permanents de l’entreprise pendant la
durée du prêt ; restructurer le fond de roulement et le
besoin en fond de roulement (BFR) pour prendre, dans certains cas, la forme
d’un prêt de restructuration ; consolider et parfois remplacer le
financement précaire d’un découvert (à un taux intéressant).
Les pouvoirs publics doivent
absolument accompagner le remboursement de ces prêts, ainsi que la
régularisation des délais fiscaux et sociaux accordés, afin que l’opération de
PGE soit une réussite.
Comment accompagner les
entreprises ?
Afin de ne
pas gêner le développement des entreprises, la durée de remboursement de la
dette globalisée (PGE + dettes fiscales et sociales) devrait être fixée à sept
à huit ans dans certains cas, voire 10 ans dans d’autres situations.
Comment ?
En permettant aux banques de négocier librement avec leurs clients les
modalités de remboursement (remboursements saisonniers, progressifs, in fine,
etc.), et en décidant d’attribuer le statut de prêt participatif à tous les PGE
durant toute la durée de remboursement, afin de conforter les fonds propres et
quasi-fonds propres des entreprises.
Rappelons
que non définie par les textes, la surface propre élargie est très utilisée
lors de l’analyse financière et pour améliorer le ratio : fonds propres élargis
= une dette à moyen long terme.
L’ensemble
de ces mesures d’accompagnement ne pourra que réduire les défaillances.
Rappelons
que dès lors qu’elle est garantie et rémunérée, une banque ne pose aucune difficulté pour prêter sur
une longue période.
Durée des prêts
La durée de
4 ou 5 ans sera difficile, voire impossible à respecter pour certains. La capacité de
remboursement sera insufisante durant les
années après Covid-19.
La
période Covid-19 est un « accident » très particulier qui nécessitera, pour certains (notamment les secteurs de la
restauration, du tourisme, etc.), une longue convalescence.
La durée de
10 ans (15 ans pour un agriculteur) rallongée à 12 ans durant la période sanitaire (17 ans pour un agriculteur) est la durée
judiciaire de remboursement des dettes lors d’un plan de continuation
(sauvegarde ou redressement judiciaire). Pourquoi ne pas retenir cette même
durée de remboursement sans passer par le tribunal de commerce ?
Transformer
le PGE en capital est une hérésie et une utopie, une idée par ailleurs rejetée
et non souhaitée par les banques et par l’État. Peut-on imaginer les banques,
par effet de conversion du PGE,
devenir actionnaires de dizaines de milliers d’entreprises ?
Informations
pratiques
À partir de l’échantillon d’une
grande banque régionale :
• 5 % des PGE seront remboursés immédiatement ;
• 76 % des PGE seront remboursés (TEG : 1,726 %) ;
• 60 % avec un différé de 12 mois ;
• 40 % avec un différé de deux ans.
Les autres
PGE étant remboursés sur trois ou quatre ans.
Rappelons
qu’une banque ne peut résilier une autorisation de découvert, dès lors qu’un
PGE a été accordé.
Notons
qu’avec le risque d’un autre confinement, les entreprises ont adapté un
comportement de prudence.
L’intervention
du tribunal de commerce et du tribunal judiciaire (agriculteurs, professions
libérales, associations) sera pour certains inéluctable, et même conseillée. La
mise en place de délais de règlement plus longs pourra réduire leur nombre.
N’oublions
pas qu’avec des délais et de l’activité, une entreprise peut rembourser.
Prévisions optimistes de la
Commission européenne
La
Commission européenne prévoit, pour la France, une augmentation du PIB de 5,5 % en 2021, après une chute de
8,3 % en 2020 ; mieux que l’Allemagne,
qui ne progresserait que de 3,2 % (-5 % en 2020).
La
Commission précise également que si la transmission du virus est fortement
limitée, « la force du rebond de la
croissance pourrait nous surprendre favorablement et la réalité être plus rose…
», a déclaré le commissaire chargé de l’Économie Paolo Gentiloni.
Transformation du PGE en
subvention
Un constat : des PGE ont été
attribués à des entreprises vouées à l’échec. Ces mêmes entreprises maintenues
sous perfusions ne pourront naturellement pas rembourser.
Par un communiqué du 28 janvier
2021, la Commission européenne a déclaré permettre aux
États de convertir, jusqu’au 31 décembre 2022, les PGE en subvention, dans
certains cas particuliers.
Dans ce cadre, des plafonds par
prêt à ne pas dépasser ont été indiqués :
• 225 000 euros pour
le secteur agricole ;
• 270 000 euros pour
la pêche ;
• 1 800 000 euros pour tous les autres secteurs (commerce, industrie...).
Le choix et le « tri »
sera délicat pour les pouvoirs publics, qui devront bien distinguer les
entreprises viables de celles vouées à la disparition.
Taux de défaut des PGE
Selon la
Banque de France, le taux de défaut des PGE atteindrait entre 4,5 et 6 % (les banques indiquent 5 à 10 %). En retenant un taux de
défaut de 6 %, un total de 700 000 PGE et un montant de 150 milliards
d’euros de prêt, la perte pourrait atteindre -150 milliards X 6 % X 90 % = 8
milliards d’euros (arrondis), pour 700 000 X 6 % = 42 000 entreprises
défaillantes ; montant duquel il convient de déduire les commissions de
garantie perçues par l’État qui pourraient s’élever de 3,5 à 4 milliards
(calcul approximatif), soit une perte de 4 à 5 milliards d’euros...
« Compte tenu de l’enjeu, un coût plus que raisonnable
pour les finances publiques »,
déclarait un haut fonctionnaire de Bercy.
Rappelons
que l’emprunt Giscard, indexé sur l’or de 1973 qui, pour 1 milliard d’euros emprunté (francs transposés
e n euros), a coûté à la France 13,7 milliards d’euros
(intérêts compris). Soit un coût net de plus de 12 milliards d’euros, pour alimenter les poches
des épargnants français et étrangers...
En conclusion, 4 à 5 milliards
d’euros pour sauver les entreprises et leurs emplois dans cette période très
particulière : rien à dire !
Michel Di Martino,
Expert-comptable – commissaire aux comptes,
Président d’honneur du Tribunal de commerce
de Lons-le-Saunier,
Doctorant en droit privé à l’université
Bourgogne Franche Comté-CRJFC (EA 3225)