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Le handicap au travail : entre contraintes et engagements

Le handicap au travail : entre contraintes et engagements
Publié le 17/01/2022 à 12:05

Difficile de connaître les chiffres réels concernant les personnes en situation de handicap en France tant le sujet est complexe et recouvre des réalités très différentes. Néanmoins, une chose est sûre, le handicap concerne beaucoup plus de personnes qu’on ne l’imagine, et notamment dans la catégorie des personnes en âge de travailler.

Pour rappel, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a défini la notion de handicap ainsi :

« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

Aujourd’hui, on distingue cinq grandes familles de handicap : moteur, psychique, mental, sensoriel, maladies invalidantes. En outre, 80 à 85 % des personnes handicapées seraient atteintes d’un handicap non visible.

En pratique, les travailleurs handicapés peuvent donc souffrir de maux très divers : de la personne en chaise roulante à celle victime d’une dépression nerveuse en passant par les personnes souffrant d’insuffisance rénale ou d’épilepsie. Ces personnes n’ont d’ailleurs pas toujours conscience qu’elles souffrent d’un handicap qui leur ouvre des droits.

 

 

Une meilleure intégration, enjeu des politiques gouvernementales

En parallèle, on constate que l’insertion sociale et professionnelle des personnes présentant un handicap est depuis longtemps un enjeu des politiques gouvernementales qui s’inscrit dans un contexte plus large, européen et international. En France, la volonté est à mettre en œuvre une meilleure intégration des personnes handicapées au sein de la société. C’est en tous cas ce que laisse penser la réforme du système qui a été engagée.

Ainsi, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2020, a réformé l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés afin de contraindre davantage les entreprises à respecter leurs obligations.

Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap n’a pas changé, il reste fixé à 6 % de l’effectif de l’entreprise ; en revanche, la loi a changé les modalités de calcul de ce dernier et a renforcé la sanction envers les entreprises qui ne jouent pas le jeu de l’embauche et se contentent de verser une contribution à l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées).

Il est donc désormais impératif que les entreprises de plus de 20 salariés mette le sujet sur la table pour déterminer les moyens quelles vont mettre en œuvre afin d’être en règle avec la législation, d’éviter des sanctions financières et plus largement, de faire changer les mentalités sur le sujet.

 


L’embauche n’est pas l’unique levier

Outre l’embauche qui reste la solution à privilégier mais qui n’est pas toujours possible, l’employeur dispose d’autres leviers, à savoir :

verser une contribution à l’Agefiph,

mettre en œuvre un programme d’action en faveur des personnes handicapées ;

mettre en œuvre une politique de maintien dans l’emploi ;

inciter les salariés présentant un handicap à se déclarer.

Naturellement, un panachage de ces différentes solutions est tout à fait possible et même à privilégier.

D’ailleurs, concernant le versement d’une contribution à l’Agefiph, les employeurs n’ont pas intérêt à se contenter de cette solution. En effet, s’ils ne font rien d’autre, la contribution à l’Agefiph pourra atteindre 1 500 fois le Smic horaire par bénéficiaire non employé (article L. 5212-10 du Code du travail).

Pour rappel, la contribution annuelle est égale au produit du nombre de travailleurs handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi manquants multiplié par :

400 fois le smic horaire brut pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés ;

500 fois le smic horaire brut pour les entreprises de 250 à moins de 750 salariés ;

600 fois smic horaire brut pour les entreprises de 750 salariés et plus (article D. 5212-20 du Code du travail).

 

 Exemples  :

une entreprise de 70 salariés doit embaucher 4 salariés handicapés. À défaut, elle paierait (en 2021) : 10,48x4x400 = 16 768 euros (hors modulation en vigueur de 2020 à 2024) ;

une entreprise de 300 salariés doit embaucher 18 salariés handicapés. À défaut, elle paierait (2021) : 10,48x18x500 = 94 320 euros (hors modulation en vigueur de 2020 à 2024).

 

Le montant de la contribution peut notamment être diminué si l’employeur justifie de dépenses supportées directement par l’entreprise et destinées à favoriser l’accueil, l’insertion ou le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (article L. 5212-11 du Code du travail).

Les employeurs peuvent également appliquer un programme d’action pluriannuel en faveur des personnes handicapées prévu par un accord de branche ou d’entreprise ou de groupe agréé par l’administration pour une durée maximale de trois ans qui pourra être renouvelé une fois (article L. 5212-8 du Code du travail).

Le montant du financement par l’employeur du programme pluriannuel est au moins égal, par année, au montant de la contribution annuelle à l’AGEFIPH, à l’exclusion des dépenses déductibles (article R. 5212-12 du Code du travail). Les employeurs nauront donc pas la possibilité de faire des économies en choisissant cette option.

 

L’employeur peut également mettre en place une politique de maintien dans l’emploi.

Les handicaps peuvent en effet intervenir en cours de carrière, et dans ce cas, il faut conduire une véritable réflexion sur l’organisation du travail et la gestion des risques au sein de la société. Il faut également être vigilant à bien mettre en œuvre les « aménagements dits raisonnables » au sens de la directive 2000/78 /CE du Conseil du 27 novembre 2000 qui peuvent même conduire parfois à devoir réaffecter le salarié à un autre poste au sein de lentreprise. La nouvelle loi sur la santé au travail (n° 2021-1018 du 2 août 2021) incite fortement les entreprises à engager des démarches préventives.

Enfin, l’employeur peut également inciter les salariés en situation de handicap à se déclarer voire parfois leur faire prendre conscience de leur handicap.

En pratique, cela peut passer par des mesures assez évidentes comme l’adaptation du poste de travail, l’aménagement des horaires, la mise à disposition de matériel spécifique mais également par des mesures plus recherchées comme la mise en place d’un numéro particulier permettant d’obtenir tout type de conseils sur le handicap, un accompagnement dans les démarches de reconnaissance au statut d’handicapé, l’organisation de défis au profit d’associations soutenant les handicapés pour permettre d’aborder le sujet et montrer son intérêt et sa bienveillance dans le domaine, etc.

Les employeurs ont donc un véritable choix dans les mesures à prendre et doivent trouver la solution qui sera la bonne pour eux. Reste à former les managers sur le sujet pour qu’ils soient en mesure de le gérer.

 

Guillaume Roland

Avocat associé responsable du Pôle Social

Cabinet HERALD,

Membre du réseau ETELIO

 

Ondine Juillet,

Avocate collaboratrice au sein du Pôle Social

Cabinet HERALD,

Membre du réseau ETELIO

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