JUSTICE

Le pourvoi en Cassation des activistes handicapés condamnés pour des blocages a été rejeté par la Cour

Le pourvoi en Cassation des activistes handicapés condamnés pour des blocages a été rejeté par la Cour
Publié le 09/01/2025 à 10:29

La Haute juridiction a estimé que les peines prononcées n’étaient pas « disproportionnées » au regard de l’entrave à la liberté de circulation des voyageurs affectés par leur réunion « sans autorisation préalable ». Elle reconnaît néanmoins que les actions menées par les militants se sont inscrites dans le cadre de « manifestations pacifiques portant sur un sujet d’intérêt général ».

Les pourvois n’auront pas suffi. En octobre et décembre 2018, 16 activistes de l’association Handi-Social avaient bloqué la gare de Toulouse et l’aéroport de Blagnac afin d’obtenir la mise en accessibilité de la gare, promise de longue date, et de protester contre le recul des droits des personnes handicapées et notamment la loi Elan qui a divisé par cinq la production de logements neufs accessibles.

Pour entrave à la navigation et à la circulation d’un aéronef, la cour d’appel de Toulouse avait prononcé des peines de prison et des amendes en mai 2021, avant de ne finalement infliger que des amendes allant jusqu’à 2 000 euros, dont 1 400 euros avec sursis. Toutefois, estimant ces peines « disproportionnées », les militants se sont pourvus en cassation afin de les faire annuler et obtenir la relaxe.

Ce 8 janvier, la Cour de cassation a rendu le délibéré de l’audience du 23 octobre dernier qui s’est tenue à la suite des pourvois formés ; un délibéré qui donne raison à la cour d’appel de Toulouse et qui maintient les peines prononcées.

Une atteinte aux libertés des voyageurs qualifiée

La Cour de cassation a en effet jugé que, bien que les comportements des prévenus s’inscrivaient dans une démarche de protestation politique et que la réunion « pacifique » n’avait pas engendré de violences, le fait que l’ampleur des perturbations « dépasse celles qu'implique l'exercice normal de la liberté de réunion pacifique », ces dernières « [pouvaient] être considérées comme des “actes répréhensibles” au sens de la jurisprudence de la Cour, et pareil comportement peut justifier l'imposition de sanctions, y compris de nature pénale ».

La juridiction rappelle que les manifestants ont perturbé intentionnellement la vie quotidienne et les activités licites d’autrui. 500 passagers du train retardé ont été affectés par la réunion « sans autorisation préalable », et plus de 1 800 usagers ont subi des annulations, déroutements ou retards de vols qui ont « représent[é] des coûts pour les voyageurs » dont la liberté de circulation a été atteinte.

Les juges reconnaissent malgré tout que le choix d’entraver particulièrement la gare et l’aéroport s’inscrivait bien dans la démarche militante que les contrevenants revendiquaient. Ont toutefois été retenus pour valider les peines prononcées par la cour d’appel de Toulouse : le caractère attentatoire aux activités des usagers et les délits commis, qui présentent un degré de gravité modéré mais qui ne doivent pas être « banalisés », « susceptibles de donner l'idée à d'autres de procéder de même, et de rendre les circulations ferroviaire et aérienne complexes et risquées, voire dangereuses ».

L’« ingérence disproportionnée » à la liberté d’expression rejetée

Par ailleurs, « compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause », les manifestants ont estimé que les peines prononcées constituaient une « ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression », ce que la cour d’appel de Toulouse n’avait pas retenu dans sa décision jugée non « justifiée » au regard des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 6372-4, 4° et L. 6100-1 du Code des transports et ainsi violé les articles 591 à 593 du Code de procédure pénale.

La Haute juridiction rappelle dans sa décision du 8 janvier que la cour d’appel de Toulouse n’a pas sanctionné leur droit de réunion et de surcroît leur liberté d’expression, mais bien les conséquences induites par leur réunion. Il est notamment précisé : « La Cour européenne des droits de l'Homme, s'agissant des manifestations pacifiques, considère que la question de la liberté d'expression est difficilement séparable de celle de la liberté de réunion. »

La Cour de cassation a jugé « les déclarations de culpabilité et les peines prononcées [non] disproportionnées » et l’arrêt critiqué par les manifestants « régulier en la forme », rejetant ainsi les pourvois formés.

Pour la présidente de l’association Handi-social, Odile Maurin, l’arrêt de la cour d’appel illustre pourtant « le validisme judiciaire et le caractère systémique de l’exclusion des personnes handicapées », a-t-elle twitté le jour de la décision. Un communiqué de l’association a pour sa part pointé que les « les droits humains ne s’appliquent toujours pas aux personnes handicapées, comme si nous relevions d’une autre humanité, alors que les obstacles à notre participation à la vie en société ne sont pas le fruit de nos incapacités ou déficiences, mais bien les choix d’une société inaccessible et inadaptée à tous ». Avant de nuancer et de saluer une évolution jurisprudentielle des peines plus proportionnelles en cas de désobéissance civile non-violente.

À défaut donc d’avoir obtenu la relaxe, les militants ont donc contribué à cette évolution. Ils envisagent toutefois de porter l’affaire devant la Cour européenne des Droits de l’homme. Affaire à suivre ?

Allison Vaslin


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