POLITIQUE

Le projet de « taxe Zucman » rejeté par le Sénat

Le projet de « taxe Zucman » rejeté par le Sénat
Publié le 13/06/2025 à 13:47

Déjà rejetée la semaine précédente en commission des Finances, la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra riches n’a pas été plus plébiscitée dans l’hémicycle. La droite et le gouvernement lui ont reproché entre autres ses effets confiscatoires, potentiellement inconstitutionnels.

C’était un obstacle difficilement franchissable. Le Sénat a rejeté, jeudi 12 juin, par 188 voix contre et 129 fois pour, la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra riches, une proposition qui s’inspire du projet de « taxe Zucman ». L’examen a eu lieu au cours de la niche parlementaire du groupe Écologiste – Solidarité et territoires.

Cette taxe, inspirée des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, vise à créer un « impôt plancher sur la fortune » de 2 % pour les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, y compris, pour les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France, sur leurs biens situés en France. Selon l’économiste, une telle taxe, qui s’appliquerait à 1 800 contribuables, pourrait rapporter entre 15 et 25 milliards d’euros. Objectif, selon les députés auteurs de la proposition de loi : « établir davantage de justice fiscale », est-il indiqué dans l’exposé des motifs du texte.

La proposition de loi, déjà rejetée la semaine dernière en commission par la chambre haute, n’a donc pas convaincu le reste de l’hémicycle. Les sénateurs Les Républicains, en majorité relative au Sénat, se sont opposés à cette taxe. Dominique de Legge a notamment regretté l’absence d’étude d’impact, et a proposé au gouvernement « d’intégrer ces réflexions fiscales dans le cadre d’une réflexion plus globale sur le budget ». 

Le sénateur a assuré plutôt privilégier un retour de l’impôt de solidarité sur la fortune, « dans le sens des amendements que le groupe LR ne cesse, depuis plusieurs années, de proposer ».

La taxe aurait « des effets catastrophiques » selon le gouvernement

La ministre chargée des Comptes publics Amélie de Montchalin a quant à elle dénoncé « une contribution à la fois confiscatoire et inefficace ». Confiscatoire car « il promet de produire cinq fois plus de rendement que l’ISF, concentré sur 2000 personnes, là où l’ISF frappait 350 000 contribuables ». Inefficace car la taxe prend également en compte les biens professionnels, chose qui selon elle « aurait des effets catastrophiques en termes d’expatriation des contribuables et imposerait aux entreprises, notamment les ETI, de distribuer d’importants dividendes à leurs actionnaires pour leur permettre de ne pas payer d’impôt ».

Selon la ministre, une telle taxe n’aurait pas de sens à l’échelle nationale, « alors que nous évoluons dans une économie ouverte, dans un monde où le capital est mobile », Amélie de Montchalin préférant une approche commune avec l’ensemble des pays de l’OCDE.

Le rapporteur de la commission des finances Emmanuel Capus (LIRT) a rappelé de précédentes décisions du Conseil constitutionnel qui, s’il a jugé en 2011 qu’un taux de 0,5 % était constitutionnel, a en revanche déterminé en 2012 qu’il n’était pas possible de fixer un taux de 1,8 % sans plafond.

« Le Conseil constitutionnel sera donc amené à censurer un taux d’imposition sur le patrimoine situé entre 0,5 et 1,8 % s’il n’était pas assorti d’un dispositif de plafonnement », a conclu Emmanuel Capus. La ministre des Comptes publics a par ailleurs proposé aux sénateurs de gauche, favorables au texte, de saisir le Conseil d’État pour analyse de conformité constitutionnelle de la proposition de loi.

« Ce texte n’est pas parfait, mais il est nécessaire »

Raphaël Daubet (RDSE) a de son côté assuré qu’une telle imposition n’était « ni révolutionnaire, ni excessive, mais juste et républicaine ». Si le sénateur a reconnu « des fragilités » dans ce texte, il a néanmoins annoncé le soutenir en le faisant évoluer : « Ce texte n’est pas parfait, mais il est nécessaire. »

Un avis partagé par Pascal Savoldelli (CRCE-K) : « Ce n’est pas une radicalité, c’est une normalité démocratique qui nécessitera une transposition européenne. C’est le minimum du minimum. Et quand le minimum est perçu comme excessif, ce n’est pas le niveau de prélèvements qu’il faut questionner mais le régime politique et économique qui rend cette discussion inaudible. »

Le texte va donc faire son retour à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture, dans le même état qu’à son départ pour le Sénat.

Alexis Duvauchelle

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