Déjà rejetée la semaine
précédente en commission des Finances, la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra riches n’a pas été plus
plébiscitée dans l’hémicycle. La droite et le gouvernement lui ont reproché entre
autres ses effets confiscatoires, potentiellement inconstitutionnels.
C’était un obstacle difficilement
franchissable. Le Sénat a rejeté, jeudi 12 juin, par 188 voix contre et 129
fois pour, la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur
le patrimoine des ultra riches, une proposition qui s’inspire du projet de
« taxe Zucman ». L’examen a eu lieu au cours de la niche
parlementaire du groupe Écologiste – Solidarité et territoires.
Cette taxe, inspirée des
travaux de l’économiste Gabriel Zucman, vise à créer un « impôt plancher sur la
fortune » de 2 % pour les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, y
compris, pour les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en
France, sur leurs biens situés en France. Selon l’économiste, une telle taxe,
qui s’appliquerait à 1 800 contribuables, pourrait rapporter entre 15 et 25
milliards d’euros. Objectif, selon les députés auteurs de la proposition de
loi : « établir davantage de justice fiscale », est-il
indiqué dans l’exposé des motifs du texte.
La proposition de loi, déjà
rejetée la semaine dernière en commission par la chambre haute, n’a donc pas
convaincu le reste de l’hémicycle. Les sénateurs Les Républicains, en majorité relative
au Sénat, se sont opposés à cette taxe. Dominique de Legge a notamment regretté
l’absence d’étude d’impact, et a proposé au gouvernement « d’intégrer ces
réflexions fiscales dans le cadre d’une réflexion plus globale sur le
budget ».
Le sénateur a assuré plutôt privilégier un retour de l’impôt
de solidarité sur la fortune, « dans le sens des amendements que le
groupe LR ne cesse, depuis plusieurs années, de proposer ».
La taxe aurait « des
effets catastrophiques » selon le gouvernement
La ministre chargée des
Comptes publics Amélie de Montchalin a quant à elle dénoncé « une contribution
à la fois confiscatoire et inefficace ». Confiscatoire car « il
promet de produire cinq fois plus de rendement que l’ISF, concentré sur 2000
personnes, là où l’ISF frappait 350 000 contribuables ». Inefficace
car la taxe prend également en compte les biens professionnels, chose qui selon
elle « aurait des effets catastrophiques en termes d’expatriation des
contribuables et imposerait aux entreprises, notamment les ETI, de distribuer
d’importants dividendes à leurs actionnaires pour leur permettre de ne pas
payer d’impôt ».
Selon la ministre, une telle
taxe n’aurait pas de sens à l’échelle nationale, « alors que nous
évoluons dans une économie ouverte, dans un monde où le capital est mobile »,
Amélie de Montchalin préférant une approche commune avec l’ensemble des pays de
l’OCDE.
Le rapporteur de la
commission des finances Emmanuel Capus (LIRT) a rappelé de précédentes
décisions du Conseil constitutionnel qui, s’il a jugé en 2011 qu’un taux de
0,5 % était constitutionnel, a en revanche déterminé en 2012 qu’il n’était
pas possible de fixer un taux de 1,8 % sans plafond.
« Le Conseil
constitutionnel sera donc amené à censurer un taux d’imposition sur le
patrimoine situé entre 0,5 et 1,8 % s’il n’était pas assorti d’un
dispositif de plafonnement », a conclu Emmanuel Capus. La ministre des
Comptes publics a par ailleurs proposé aux sénateurs de gauche, favorables au
texte, de saisir le Conseil d’État pour analyse de conformité constitutionnelle
de la proposition de loi.
« Ce texte n’est pas
parfait, mais il est nécessaire »
Raphaël Daubet (RDSE) a de
son côté assuré qu’une telle imposition n’était « ni révolutionnaire,
ni excessive, mais juste et républicaine ». Si le sénateur a reconnu
« des fragilités » dans ce texte, il a néanmoins annoncé le
soutenir en le faisant évoluer : « Ce texte n’est pas parfait,
mais il est nécessaire. »
Un avis partagé par Pascal
Savoldelli (CRCE-K) : « Ce n’est pas une radicalité, c’est une
normalité démocratique qui nécessitera une transposition européenne. C’est le
minimum du minimum. Et quand le minimum est perçu comme excessif, ce n’est pas
le niveau de prélèvements qu’il faut questionner mais le régime politique et
économique qui rend cette discussion inaudible. »
Le texte va donc faire son
retour à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture, dans le même état
qu’à son départ pour le Sénat.
Alexis
Duvauchelle