Députés et sénateurs se sont
entendus le 28 mai dernier sur un texte visant à faciliter le financement des
entreprises sur les marchés financiers français. Portée par le député de la
majorité Alexandre Holroyd, la proposition de loi doit désormais repasser
devant le Parlement la semaine prochaine.
La place financière de Paris
est-elle suffisamment attractive face à ses concurrentes internationales ?
Pour le député Renaissance Alexandre Holroyd, certaines mesures devaient en
tous cas être prises pour améliorer l’attractivité de la France sur le marché
de la finance internationale, dans le but de faciliter le financement des
entreprises de l’Hexagone sur le marché. C’est le sens de sa proposition de
loi, sur laquelle députés et sénateurs ont trouvé un accord en commission mixte
paritaire, le 28 mai.
L’exposé des motifs souligne
bien que Paris est redevenue une place plus attractive que Londres, devenant le
premier marché boursier européen en termes de capitalisation, et que la
compétitivité financière du pays avait permis de créer 7000 emplois entre 2017
et 2022. Mais c’est désormais avec Amsterdam et New York que la concurrence se
joue car ces marchés offrent beaucoup de facilités aux investisseurs.
Alexandre Holroyd présente
son texte comme une continuité de la loi Pacte, dans le but de « permettre
aux entreprises de poursuivre leur développement grâce à la mobilisation des
capitaux des investisseurs, français, européens et internationaux ». L’enjeu
est en effet que les entreprises françaises aient des conditions suffisamment
favorables pour se financer sur le marché domestique et non aller chercher des
capitaux sur des places financières étrangères. Le texte vise aussi à rendre
les échanges commerciaux « plus fiables, plus simples et plus fluides ».
Mieux financer les entreprises, dématérialiser
les titres, numériser les assemblées générales
Le premier titre, centré sur
les capacités de financement des entreprises, vise notamment à faciliter les
introductions en bourse (article 1) en autorisant les actions à droits de votes
multiples (et donc de dépasser la règle générale d’une action égale une voix).
Cela permet aux fondateurs d’entreprises d’augmenter leurs capacités de
financement en bourse tout en gardant le contrôle sur leur société.
Il autorise aussi les fonds
communs de placement à risque (FCPR) composés de titres d’entreprises non cotées
en bourse, à accompagner les entreprises cotées jusqu’à une capitalisation
boursière de 500 millions d’euros contre une limite actuelle de 150 millions
(article 2). Les modalités d’augmentations de capital sans droit préférentiel
de souscription sont également assouplies (article 3). La proposition de loi
donne également aux entreprises françaises le droit de transmettre certaines
informations à des autorités étrangères, notamment de supervision (article 4).
Ceci est actuellement interdit et empêche parfois, selon l’exposé des motifs,
d’obtenir des agréments demandés par des sociétés de gestion françaises.
L’ensemble du titre 2 est
centré sur la dématérialisation des titres transférables, c’est-à-dire des
documents incorporant des droits qui ne peuvent être transférés indépendamment
du transfert du document, afin de faciliter la croissance à l’international des
entreprises françaises. Les titres transférables sont très utilisés dans le
commerce international car ce sont ces documents qui permettent d’avoir accès
aux marchandises. Pour l’instant, ces titres doivent suivre des procédures
physiques avec de la documentation papier. Les titres électroniques auront la
même valeur que les autres, et il sera possible de convertir les titres d’un
format à l’autre.
Enfin, le dernier titre de la
proposition de loi vise à « moderniser, simplifier et renforcer
l’attractivité du droit en faveur de l’économie française ». Il
favorise la tenue à distance sous forme numérique des assemblées générales
d’actionnaires (article 10). Il prévoit également que la cour d’appel de Paris
se spécialise dans les recours en matière d’arbitrage international (article
11).
Un accord trouvé sur les mesures phares
La proposition de loi,
déposée le 12 mars 2024, a été voté en première lecture à l’Assemblée nationale
le 10 avril et au Sénat le 14 mai. Mais les deux chambres divergeaient sur un
certain nombre de points.
Au Sénat, le rapporteur Les
Républicains Albéric De Montgolfier a notamment estimé que « « de
simples ajustements techniques ne suffiront pas face à la concurrence fiscale
et juridique d'Amsterdam et New York » », et regretté que le
gouvernement n’ait pas déposé de projet de loi sur le sujet, qui aurait eu plus
de poids qu’une proposition d’un député et permis la réalisation d’une étude
d’impact. La gauche s’est quant à elle opposée au texte, regrettant en
substance une financiarisation de l’économie.
La chambre haute a souhaité
encadrer la possibilité de vote à droits multiples, en limitant à 25 le nombre
de droits de vote associés à une action. Elle a aussi voulu faciliter le
financement des petites entreprises, en assouplissant leurs critères
d’éligibilité au PEA-PME (plan d’épargne en actions permettant aux particuliers
de placer de l’argent dans les titres d’entreprises intermédiaires), ainsi que
les critères pour les sociétés cotées sur un marché de croissance aux fonds
communs de placement d'entreprise (épargne salariale).
Le Sénat a aussi validé un
amendement introduit par le ministère de l’Économie, prévoyant la possibilité
pour le gouvernement de légiférer par ordonnance sur l’autorisation
d’achat d'actions fractionnées, ce qui permettrait aux particuliers d’acheter
seulement une portion d’action, d’obligation ou de part de fonds s’ils le
souhaitent. Ces fractions de titres permettront de bénéficier des mêmes
droits que les détenteurs d’un titre entier, mais les performances, les risques
et les dividendes sont proportionnels à la part achetée.
Le Sénat a également apporté
un amendement pour plafonner les indemnités de licenciement des « preneurs
de risque », c’est-à-dire notamment les traders et leur hiérarchie. Les
sénateurs ont également voulu améliorer les procédures contentieuses pour les
actionnaires dont les résolutions ne sont pas inscrites à l’ordre du jour des
assemblées générales sans que les justifications du conseil d’administration ne
soient légitimes. Le tribunal de commerce serait ainsi autorisé à statuer sur
la forme et le fond.
Le texte issu de la commission
mixte paritaire conserve la mesure phare d’actions à droit de vote multiples.
Ces droits seront finalement limités à 25 par action sur les plateformes
multilatérales de négociation (MTF, marché boursier alternatif créé pour
concurrencer les grands marchés historiques), mais illimités sur les marchés
réglementés. L’accord conserve aussi le plafonnement des indemnités de
licenciement, mais elle le limite aux traders et à leurs managers.
Cette nouvelle mouture de la
proposition de loi sera débattue en séance le 3 juin au Sénat et le 5 juin à
l’Assemblée Nationale.
Aude
David