JUSTICE

Mediator : la Cour de cassation facilite une action en justice plus tardive pour les victimes

Mediator : la Cour de cassation facilite une action en justice plus tardive pour les victimes
Publié le 16/11/2023 à 14:17

La juridiction a considéré, dans un jugement rendu ce mercredi, qu’une victime d’un produit défectueux pouvait agir sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun, lui offrant un délai de prescription allongé.

Nouvel épisode dans l’affaire du Mediator. Dans un jugement rendu ce 15 novembre, la Cour de cassation a annoncé faciliter l’action en justice des victimes du célèbre médicament, commercialisé par les laboratoires Servier jusqu’en 2009 – et destiné à des personnes souffrant de diabète, mais également prescrit en cas de surpoids – et plus largement de tout médicament défectueux.

Cette affaire, rappelons-le, avait commencé il y a un peu plus de 12 ans, lorsqu'une femme présentant des lésions cardiaques imputées au Mediator, qui lui avait été prescrit entre 2006 et 2008, avait saisi, le 14 octobre 2011, le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), lequel, par un avis du 21 juillet 2015, avait retenu que son dommage était imputable à ce médicament.

Si le 16 octobre 2015, les laboratoires Servier avaient proposé une indemnisation à la victime, celle-ci l'avait déclinée avant de saisir la justice cinq ans plus tard, en juillet 2020, en assignant l’entreprise pharmaceutique, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, et la CPAM du Val-de-Marne, qui avait sollicité le remboursement de la prise en charge des victimes. Par cette action, la plaignante espérait obtenir une indemnisation à la hauteur de ses attentes.

Le tribunal judiciaire de Nanterre avait considéré par un jugement du 30 septembre 2021 que cette requête était irrecevable car déclenchée plus de trois ans après la connaissance de l’avis de l’ONIAM, conformément à l’article 1245-16 du Code civil qui indique que « l'action en réparation […] se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur [en l’occurrence ici, Servier, ndlr] ».

Le 7 juillet 2022, la cour d’appel de Versailles était allée dans le même sens, arguant que « l'identité du producteur, figurant sur l'emballage, était connue dès les débuts de la commercialisation du Mediator, que le défaut du produit avait été révélé par son retrait du marché en novembre 2009 et que la connaissance du dommage [par les plaignants] avait été acquise le 21 juillet 2015, date de l'avis de l'ONIAM ».

Un nouveau délai si la victime prouve une faute du producteur

Mais la Cour de cassation a cassé cette décision. Dans un communiqué, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire assure que « la victime d'un dommage causé par un produit défectueux a le droit de demander au producteur des dommages et intérêts si elle prouve que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur ».

Elle s’appuie sur l’article 1245-17 du Code civil, indiquant que « les dispositions [du chapitre du Code concernant la responsabilité du fait des produits défectueux] ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité ». 

La Cour cite pour exemple un producteur maintenant un produit en circulation tout en sachant que ce produit avait un défaut, ou en n’étant pas assez vigilant quant aux risques qu’il fait courir. « Si la victime n’a pu agir en invoquant le défaut du produit dans les délais prévus pour la loi, elle pourra néanmoins rechercher la responsabilité du producteur en prouvant qu’il a commis une faute, bénéficiant ainsi des délais plus longs du droit commun de la responsabilité civile », poursuit-elle. Dans ce cadre, le délai de prescription est de dix ans.

La Cour de cassation a donc renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Paris, et condamné les laboratoires Servier à payer 4 000 euros à la plaignante.

Alexis Duvauchelle

1 commentaire
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Frachon Irène
- il y a 2 semaines
La Firme Servier pousse le curseur du cynisme tellement loin (Son pdg O.Laureau a réitéré devant la Cour d'Appel de Paris que des victimes du Mediator insatisfaites des propositions indemnitaires obtenues par voie amiable pouvaient saisir les chambres civiles... où nous voyons dans quelle impasse il les piège) qu'il contribue involontairement à construire une jurisprudence favorable à toutes les victimes potentielles de "Big Pharma"...C'est pas merveilleux ça ?

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