La juridiction a considéré, dans un jugement rendu ce mercredi, qu’une victime d’un produit
défectueux pouvait agir sur le fondement de la responsabilité civile de droit
commun, lui offrant un délai de prescription allongé.
Nouvel épisode dans l’affaire
du Mediator. Dans un jugement rendu ce 15 novembre, la Cour de
cassation a annoncé faciliter l’action en justice des victimes du célèbre médicament,
commercialisé par les laboratoires Servier jusqu’en 2009 – et destiné à des
personnes souffrant de diabète, mais également prescrit en cas de surpoids – et
plus largement de tout médicament défectueux.
Cette affaire, rappelons-le, avait commencé il y a un peu plus de 12 ans, lorsqu'une femme présentant des lésions cardiaques imputées
au Mediator, qui lui avait été prescrit entre 2006 et 2008, avait saisi, le 14 octobre 2011, le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des
accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales
(l'ONIAM), lequel, par un avis du 21 juillet 2015, avait retenu que son dommage était
imputable à ce médicament.
Si le 16 octobre 2015, les
laboratoires Servier avaient proposé une indemnisation à la victime, celle-ci l'avait déclinée avant de saisir la justice cinq ans plus
tard, en juillet 2020, en assignant l’entreprise pharmaceutique, sur le
fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, et la CPAM du
Val-de-Marne, qui avait sollicité le remboursement de la prise en charge des
victimes. Par cette action, la plaignante espérait obtenir une indemnisation à
la hauteur de ses attentes.
Le tribunal judiciaire de
Nanterre avait considéré par un jugement du 30 septembre 2021 que cette requête
était irrecevable car déclenchée plus de trois ans après la connaissance de
l’avis de l’ONIAM, conformément à l’article 1245-16 du Code civil qui indique
que « l'action en réparation […] se prescrit dans un délai de trois ans
à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir
connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur [en
l’occurrence ici, Servier, ndlr] ».
Le 7 juillet 2022, la cour
d’appel de Versailles était allée dans le même sens, arguant que « l'identité
du producteur, figurant sur l'emballage, était connue dès les débuts de la
commercialisation du Mediator, que le défaut du produit avait été révélé par
son retrait du marché en novembre 2009 et que la connaissance du dommage [par
les plaignants] avait été acquise le 21 juillet 2015, date de l'avis de l'ONIAM ».
Un nouveau délai si la
victime prouve une faute du producteur
Mais la Cour de cassation a
cassé cette décision. Dans un communiqué, la plus haute juridiction de l’ordre
judiciaire assure que « la victime d'un dommage causé par un produit
défectueux a le droit de demander au producteur des dommages et intérêts si
elle prouve que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur ».
Elle s’appuie sur l’article 1245-17
du Code civil, indiquant que « les dispositions [du chapitre du Code
concernant la responsabilité du fait des produits défectueux] ne portent pas
atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du
droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un
régime spécial de responsabilité ».
La Cour cite pour exemple un
producteur maintenant un produit en circulation tout en sachant que ce produit
avait un défaut, ou en n’étant pas assez vigilant quant aux risques qu’il fait
courir. « Si la victime n’a pu agir en invoquant le défaut du produit
dans les délais prévus pour la loi, elle pourra néanmoins rechercher la
responsabilité du producteur en prouvant qu’il a commis une faute, bénéficiant
ainsi des délais plus longs du droit commun de la responsabilité civile »,
poursuit-elle. Dans ce cadre, le délai de prescription est de dix ans.
La Cour de cassation a donc renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Paris, et condamné les
laboratoires Servier à payer 4 000 euros à la plaignante.
Alexis
Duvauchelle