ÉCONOMIE

Pour Benoît Hamon, « les conséquences du budget 2025 sur l’ESS risquent d’être gravissimes »

Pour Benoît Hamon, « les conséquences du budget 2025 sur l’ESS risquent d’être gravissimes »
Publié le 22/11/2024 à 19:55

Le Festival des Alternatives accueillait l’ancien ministre, vendredi 22 novembre à Pantin, pour une conférence autour de l'Economie Sociale et Solidaire en Seine-Saint-Denis. L’occasion pour Benoît Hamon de revenir sur la loi qu’il avait portée en 2014, mais également d’alerter sur la situation actuelle de l’ESS, qu’il craint menacée par le projet de loi de finances 2025.

« Quand on observe la France aujourd’hui, on remarque qu’il y a peu de choses qui sont copiées ailleurs. Pourtant, la loi ESS a été adoptée comme modèle dans de nombreux pays pour sa reconnaissance de l’économie sociale et solidaire et des outils qu’elle a mis en place pour en favoriser le développement ». Benoît Hamon est arrivé essoufflé et légèrement en retard, mais son introduction donnait le ton. 

L'ancien ministre était particulièrement attendu, ce vendredi 22 novembre, par le public du Festival des Alternatives, lors de sa conférence sur le thème « Économie sociale et solidaire (ESS) en Seine-Saint-Denis : 10 ans de soutien, et après ? », dans le cadre du mois de l’ESS.

10 ans après l’adoption de sa loi éponyme, Benoît Hamon, aujourd'hui président d’ESS France, a livré son ressenti sur l’état de l'économie sociale et solidaire. « C’est une vraie satisfaction de voir qu’une loi élaborée avec les acteurs de l’ESS est [toujours] reconnue comme un tournant pour la France. C’est utile, et je dois le dire, ça me rend heureux », s'est-il réjoui devant les commerçants solidaires et les politiciens qui composaient son audience.

Benoît Hamon a toutefois invité à garder un regard critique sur cette loi : « Il ne faut pas faire preuve de fétichisme envers un texte », a-t-il affirmé, admettant  que ce dernier « n’est pas parfait ». Selon l’ancien ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation, le manque de soutien politique a nuancé l’impact de cette réforme : « Quand bien même les modèles de l’ESS apparaissent particulièrement bien adaptés aux enjeux du dérèglement climatique ou de la lutte contre les inégalités sociales, sans volonté politique pour soutenir une loi et sans moyens budgétaires pour accompagner cet effort, il ne se passe pas grand-chose »

Autre sujet de préoccupation, pour l'ancien député : le contexte politique actuel lié à l’adoption du Projet de loi de finances pour 2025. Un budget qui pourrait fragiliser davantage les acteurs de l’ESS.

« 186 000 suppressions d’emplois l’année prochaine »

La première grande répercussion qui inquiète Benoît Hamon serait les suppressions de postes envisagées par le Gouvernement : « Dans de nombreux territoires, vous trouvez des crèches associatives, une maison de retraite mutuelle, une épicerie solidaire, un club de foot amateur, un établissement culturel non lucratif, etc. Ce sont ces acteurs issus de l’initiative citoyenne, qui répondent à des besoins sociaux essentiels – ce que j’appelle le dernier kilomètre de l’intérêt général – qui sont aujourd’hui menacés par le projet de loi de finances préparé par le gouvernement et le président de la République », a-t-il mis en garde.

Pour le conférencier, cette menace est d’autant plus concrète que, « selon l’Union des employeurs de l’Économie Sociale et Solidaire (UDES), cela entraînerait la suppression de 186 000 emplois dès l’année prochaine ». Une perspective alarmante que les pouvoirs publics ignoreraient largement, contrairement aux autres secteurs : « On parle beaucoup des plans sociaux dans l’industrie, des dizaines de milliers de suppressions de postes, c’est spectaculaire et révoltant, mais on passe sous silence les milliers d’autres personnes concernées par ces 186 000 suppressions ».

Avant de rappeler l’importance de ces acteurs pour les territoires les plus fragiles : « Parmi ce dernier kilomètre de l’intérêt général, dans quels territoires nous nous trouvons ? Dans des endroits où le service public n’est plus qu’un souvenir et où l’activité privée conventionnelle est quasi inexistante. Heureusement que l’économie sociale et solidaire est encore là pour soutenir ces zones »

Benoît Hamon a également déploré les conséquences désastreuses qu’aurait une telle fragilisation : « Si l’on détruit ce dernier kilomètre, les populations vivant dans ces territoires – qu’ils soient ruraux ou urbains, peu importe – recevront un message clair : vos conditions de vie et votre accès aux droits fondamentaux ne nous intéressent pas. On proclame des droits fondamentaux, mais on abandonne les moyens de les rendre accessibles. (…) Cela risque d’entraîner de la violence, du désordre et des inégalités supplémentaires chez une population solidaire mais que l’on fragilise ».

Michel Barnier déjà au courant des répercussions du PLF 2025

Des conséquences ignorées par l’exécutif ? Benoît Hamon a souligné avoir déjà alerté le Gouvernement sur les conséquences du projet de loi de finances 2025 : « Tout ça, on l’a dit à Michel Barnier, au ministre de l’ESS ». Mais la réponse obtenue ne le rassure visiblement pas : « Pour tout vous dire, le budget n’est pas fait du tout » lâche l’homme politique, haussant les épaules. Il mentionne également que des élus de divers horizons politiques ont été sensibilisés à ce sujet : « Nous avons été aussi entendus par des parlementaires, de gauche comme de droite, qui ont regardé les conséquences du budget sur notre secteur et on a de véritables inquiétudes sur ce que seront les conséquences de ce budget 2025 ».

« Des répercussions terribles ». De l'avis de l’ancien ministre de l’Éducation Nationale, le PLF 2025 provoquerait un véritable désastre pour l’Économie sociale et solidaire s’il était adopté en l’état. « Vous allez me dire : on pourrait dépendre plus de l’argent public, mais dans les faits, on en profite beaucoup moins que l’économie conventionnelle car on ne bénéficie pas de crédit d’impôt comme eux, ou des innombrables niches fiscales qui leur profitent ». Selon lui, des mesures comme des suppressions de subventions directes de l’État aux acteurs de l’ESS ou des aides des collectivités locales se « répercuteront forcément sur les acteurs de l’ESS » et  risquent de « fragiliser l’ensemble des moyens qui permettent de créer des activités ».

Le 49.3, « une épée de Damoclès » 

« Désolé de plomber une journée déjà froide, mais ça c’est aussi la réalité avec laquelle on compose, et quand les temps sont sombres il ne faut pas faire semblant qu’il y a du soleil », a conclu l’ancien candidat à la présidentielle 2017.

Même si le projet de loi de finances semble encore loin d’être adopté dans sa forme actuelle, Benoît Hamon a exprimé sa méfiance face à l’éventualité d’un recours au 49.3, qu’il perçoit comme une épée de Damoclès. « Si le gouvernement décide de faire passer le texte par la force, cela fera passer ce budget qui a les conséquences que j’ai listées. Est-ce que Michel Barnier changera d’avis ? Je ne le sais pas, mais je n’ai reçu aucun signal positif pour l’instant ».

Romain Tardino

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