JUSTICE

Pourquoi le Tribunal de l'Union européenne a jugé la marque « Pablo Escobar » contraire à l'ordre public

Pourquoi le Tribunal de l'Union européenne a jugé la marque « Pablo Escobar » contraire à l'ordre public
Publié le 18/04/2024 à 17:57

Le 17 avril dernier, l’institution est allé dans le sens de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) qui refusait l'enregistrement d’une marque « contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs » portant le nom du célèbre narcotrafiquant colombien, « symbole d’une criminalité organisée ».

Le Tribunal de l'Union européenne a tranché : non, l'utilisation du nom « Pablo Escobar » ne peut pas être autorisée comme marque commerciale dans l'Union européenne, puisque « contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs », peut-on lire dans l’arrêt du 17 avril 2024 (affaire T-255/23).

A l’origine de cette décision, une demande atypique, en date du 30 septembre 2021, émanant de la société Escobar Inc., basée à Porto Rico (États-Unis), qui souhaitait obtenir l'enregistrement de la marque en Europe afin de pouvoir commercialiser une gamme de produits et services.

Le mot final du Tribunal de l’Union conclut une saga qui a débuté le 1er juin 2022, lorsque l'examinateur de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) avait refusé la demande d'enregistrement de la marque dans l’Union européenne. Ce rejet se fondait sur le règlement (UE) 2017/1001, qui prévoit que si une marque est jugée contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs dans l'un des États membres de l'Union européenne, elle peut être refusée en tant que marque de l'Union européenne. En l’occurrence, l’agence européenne s’était basée sur la perception négative du nom Escobar par l’Espagne, Etat membre de l’UE le plus susceptible de le connaître.

À la suite de cela, Escobar Inc. avait donc contesté la décision de l'examinateur en formant un recours auprès de l'EUIPO.

Une marque à l’effigie du « Robin des Bois de Colombie » ?

Dans le cadre de son recours, la requérante avait notamment avancé que les noms de personnages devenus mythiques, symboliques ou archétypaux dans la culture populaire dominante, ne relevaient plus du règlement de 2017 pré-cité.

Pour étayer cet argument, elle soulignait que « Bonnie et Clyde », « Al Capone » ou encore « Che Guevara » auraient déjà été enregistrés en tant que marques de l'Union européenne. La requérante soutenait que le cas de Pablo Escobar était similaire, arguant qu'il était devenu un personnage mythique de la culture populaire dominante en raison de ses bonnes actions en faveur des pauvres en Colombie.

Elle estimait aussi que cette affirmation pouvait être confirmée notamment par le succès mondial de la série « Narcos », diffusée dans de nombreux pays, y compris en Espagne, ainsi que le fait qu'il aurait été considéré de son vivant comme une sorte de « Robin des Bois de Colombie ».

Pas de quoi convaincre toutefois l'UEIPO ni le Tribunal de l'Union. L'UEIPO avait souligné que l'approbation de la marque « Escobar Inc. » serait contraire à la dignité humaine, à l'État de droit et aux principes démocratiques sur lesquels est fondée l’Union européenne, « banalisant les souffrances causées aux milliers de personnes tuées ou blessées par le cartel de Medellín, dont Pablo Escobar était le chef présumé ». Le Tribunal de l'Union confirme : impossible de dissocier Pablo Escobar de son implication dans le trafic de drogue et le narcoterrorisme.

Pablo Escobar, symbole de la criminalité organisée en Espagne

Autre point intéressant, la requérante reprochait à l'UEIPO de ne pas avoir pris en compte la perception immorale ou non de la marque « Escobar Inc. » par la majorité du public espagnol, le plus à même de se sentir concerné en UE, puisque partageant notamment la même langue que les Colombiens.

Mais dans sa décision, l'institution avance que « même s’il n’a jamais été pénalement condamné, abattu par les forces de l’ordre, Pablo Escobar est publiquement perçu, en Espagne, comme un symbole d’une criminalité organisée, responsable de nombreux crimes », à l’instar de l'attentat à la bombe du vol Avianca 203, le 27 novembre 1989.

DansHaut du formulaireDansd les pas de EEEeeDans ll’EUIPO, le Tribunal de l’Union confirme donc que la marque « Escobar Inc. » est contraire aux valeurs et aux normes morales fondamentales de la société espagnole. Les prochains commerçants audacieux qui souhaiteraient utiliser le nom du célèbre narcotrafiquant sont prévenus : gare à Escobar !

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Romain Tardino

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