Le texte présenté vendredi 3
mai lors du Conseil des ministres par Guillaume Kasbarian, ministre délégué au
Logement, vise à apporter des solutions à la crise du logement en favorisant le
développement de logements abordables. Parmi les mesures proposées, une
meilleure rotation des logements sociaux, davantage de responsabilités
accordées aux maires, ainsi que le durcissement du droit au maintien dans les
lieux dans le parc social.
45 % des Français estiment aujourd’hui
que les loyers sont excessivement élevés, et 44 % jugent le prix d'achat des
logements prohibitif, selon une étude sur le logement réalisée par le cabinet
Elabe en 2023.
Ce mécontentement aurait-il trouvé écho au sein du gouvernement ? Lors du Conseil des ministres
de vendredi 3 mai, le ministre délégué au Logement Guillaume Kasbarian a
présenté un nouveau projet de loi visant à encourager le développement de
logements abordables, alors que le secteur immobilier traverse une crise sans
précédent. En particulier, l’an dernier, 2,6 millions de ménages étaient en
attente d’un logement social, soit une augmentation de la demande de 7,5 % en
seulement un an, selon les chiffres de l’Union sociale pour l’habitat.
Inclusion des logements
intermédiaires dans la loi SRU
Concrètement, le premier
article du projet de loi vise à modifier la loi Solidarité et Renouvellement
Urbain (SRU) afin de favoriser la mixité sociale dans le domaine du logement. Il
propose d'introduire les logements intermédiaires, destinés aux classes
moyennes, dans le calcul des quotas imposés par la loi SRU.
Actuellement, cette dernière
impose aux communes concernées de disposer de 25 % de logements sociaux dans
leur parc immobilier, mais avec cette nouvelle mesure, « jusqu'à 25 %
des objectifs de constructions neuves » pourront être constitués de
logements intermédiaires.
Par exemple, sur un total de
1 000 logements sociaux, un maire aurait la possibilité d'inclure jusqu'à 250
logements intermédiaires dans son plan de construction. Ainsi, les communes
accusant un retard dans leur production de logements sociaux pourraient
désormais opter pour la construction de logements locatifs intermédiaires (LLI)
afin de remplir leurs objectifs.
Le
droit au maintien dans les lieux dans le parc social durci
Autre mesure phare du projet
de loi : le durcissement du droit au maintien dans les lieux dans le parc
social. Le texte prévoit que les locataires d'HLM ne pourront pas bénéficier de
la reconduction de leur bail s'ils dépassent de plus de 20 % le plafond de
ressources autorisé, contre 50 % actuellement. D’autre part, leur patrimoine
sera également pris en compte lors de l'examen de leurs dossiers, ce qui
engendrera la possibilité pour un bailleur de résilier automatiquement un bail
de logement social si le plafond est dépassé de 20 % pendant deux années
consécutives.
Le mécanisme du supplément de
loyer de solidarité (SLS) ou surloyer est également renforcé pour les ménages
en HLM dépassant ces fameux plafonds de ressources. Le seuil de déclenchement
des surloyers est abaissé et les exonérations sont limitées. Avec le nouveau
projet de loi, les surloyers s'appliqueront dès le premier euro de dépassement
du plafond des ressources. Selon une étude d'impact du ministère du Logement,
environ « 131 000 nouveaux ménages seraient concernés par la réforme du
surloyer, tandis que près de 30 000 verraient leur bail résilié ».
Enfin, afin de prévenir
d'éventuels abus, des sanctions seront prévues pour les bailleurs qui ne
réaliseraient pas périodiquement l'examen de la situation des locataires pour
vérifier leurs ressources et leur droit de rester dans le parc social.
Plus de pouvoir pour les
maires dans l’attribution et la régulation des HLM
Le projet de loi souhaite conférer
aux maires un rôle accru dans la gestion du logement social, notamment en leur
permettant de jouer un rôle central dans l'attribution des logements sociaux
neufs. Sous l'égide des commissions d'attribution
de logements et d'examen de l'occupation des logements
(Caleol), désormais présidées par les maires, le texte prévoit que ces derniers
auront le pouvoir de classer les propositions émises par les réservataires pour
chaque logement social neuf. Ils auront par ailleurs un droit de veto sur les
candidatures proposées par chaque réservataire sur son contingent.
La vente de logements sociaux
est également simplifiée dans le cadre du projet de loi. Actuellement, cette
vente représente 50 % des ressources financières des bailleurs sociaux pour
investir dans la production, mais elle est jugée trop complexe. Ainsi, le texte
confie aux maires la responsabilité d'autoriser « la vente directe aux
locataires du logement social, en supprimant les autorisations préfectorales et
en sécurisant la gestion des copropriétés ».
Les préfets pourront en outre
déléguer aux maires une partie ou la totalité de leur contingent de réservation
pour les primo-attributions.
En vue de réguler le prix des
terrains, « qui ont triplé en 20 ans dans les zones tendues »,
le projet de loi introduit un nouvel outil de préemption urbain. Ce qui vise à
permettre aux maires de préempter les terrains vendus à un prix jugé excessif,
suivant le modèle déjà en vigueur pour les terrains agricoles. Le texte doit
également autoriser la prolongation de la durée de validité des zones
d’aménagement différé (ZAD), permettant ainsi aux collectivités locales de
constituer des réserves foncières pour des projets futurs.
Le projet de loi entrera au
Sénat le 17 juin prochain
Le projet de loi visant à
développer l'offre de logements abordables propose enfin plusieurs mesures destinées
à améliorer l'accessibilité au logement. Parmi celles-ci, il est prévu de
réduire les délais de recours gracieux pour des permis de construire de six à
deux mois, dans le but d'accélérer la délivrance de ces permis et « d'économiser
jusqu'à 3 % du prix d'une opération ».
Le texte vise également à
faciliter la densification des zones pavillonnaires, notamment en modifiant les
règles de majorité dans les lotissements en copropriété.
Une autre mesure notable
permettrait aux locataires d'un logement intermédiaire de devenir propriétaires
après seulement 5 ans, contre 18 ans actuellement. L’autorisation préfectorale
nécessaire à la vente de logements sociaux serait supprimée et transférée au
maire.
Cependant, le projet de loi
doit encore franchir plusieurs étapes avant d'être définitivement adopté. Il
sera examiné en séance au Sénat à partir du 17 juin prochain, puis à l'Assemblée
nationale au second semestre 2024.
Romain Tardino