Officiellement choisi le 10
février par le président de la République pour prendre la suite de Laurent
Fabius, Richard Ferrand sera auditionné par les deux chambres du Parlement
français le 19 février prochain. Une nomination qui fait grincer des dents plusieurs
députés, qui y voient notamment « une logique archaïque de services rendus »
et déplorent une atteinte portée à la légitimité de l’institution.
Il était pressenti, le voici
choisi. Le 10 février en fin de journée, le président de la République Emmanuel
Macron a désigné Richard Ferrand, premier parlementaire à avoir rejoint En Marche en 2016, et ancien président de l’Assemblée nationale, pour prendre la suite de
Laurent Fabius - dont le mandat
arrive à son terme après neuf ans d’exercice - à la tête du Conseil constitutionnel.
Un choix plus que contesté
aussi bien du côté de la droite qui dénonce « du copinage malsain »,
que de la gauche qui pointe un futur président doté de « peu de sens
moral et de connaissance juridique », rapporte RMC. L’ancien
garde des Sceaux sous la présidence de François Hollande et désormais
professeur de droit Jean-Jacques Urvoas, estime ainsi que « le métier
du Conseil constitutionnel est de juger, et pour juger, il faut faire appel à
des juges ».
Le constitutionnaliste
Benjamin Morel, au micro de France inter, a pour sa part indiqué que si
une figure d’autorité, « qui incarne une forme d'impartialité » n’était
pas nommée, « une grande partie de l'opinion [risque de] se dire que le
problème, c'est l'État de droit », alors même que Laurent
Fabius a fait de ce sujet son fer de lance.
Une proposition de loi pour
encadrer les nominations
Alors pour éviter des
nominations qui fragilisent le Conseil constitutionnel et son rôle, les députés
communistes ont déposé, le 7 février dernier, une proposition de loi constitutionnelle sur
l’encadrement des membres du Conseil et sur la publication des opinions
séparées.
Il ressort de cette loi une
volonté des auteurs d’empêcher la nomination d’anciens ministres ou
parlementaires dans les dix années qui suivent la fin de leurs fonctions
ministérielles ou de leurs mandats, et de privilégier un professeur de droit ou
un magistrat justifiant de dix années d’exercice. « Les professionnels
du droit sont minoritaires au sein du Conseil constitutionnel, alors que la
plupart des textes régissant le fonctionnement des Cours constitutionnelles en
Europe imposent une présence de magistrats et de professeurs de droit »,
est-il détaillé. Le texte propose notamment de modifier l’article 56 de la Constitution
en y ajoutant notamment après l’avant-dernière phrase « [L]es membres [du
Conseil constitutionnel] disposent de compétences et d’expériences reconnues en
matière juridique. »
Pour les porteurs du texte,
ses modifications seraient une façon de rendre la légitimité du Conseil
constitutionnel largement remise en cause après les décisions rendues le 14
avril 2023 sur la réforme des retraites, mais également de « prendre en
considération l’évolution du Conseil des Sages dans le cadre d’une démocratie
traversée par une profonde crise de défiance citoyenne à l’égard de ses propres
institutions », peut-on lire en propos liminaires. « Ce
mouvement de juridictionnalisation fonctionnelle du Conseil constitutionnel
contraste avec le profil de ses membres, essentiellement d’anciens responsables
politiques qui doivent leur nomination à une logique archaïque de “services
rendus”, de “complaisance politico-mondaine”, et qui porte atteinte in fine
au crédit et à la légitimité de cette institution. »
La proposition de loi entend
également faire respecter la parité hommes/femmes en modifiant le premier
alinéa de l’article 56 de la Constitution dont la deuxième phrase serait
complétée par « en s’efforçant de respecter la parité entre les femmes
et les hommes ». Notons qu’aucune femme n’a jusqu’ici présidé le
Conseil constitutionnel bien que quelques-unes fassent partie des neufs
membres. Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a d’ailleurs
décidé de désigner l’ex-juge Laurence Vichniecsky comme nouvelle membre, aux
côtés de deux autres femmes déjà en poste, Jacqueline Gourault et Véronique
Malbec.
Une nomination pour éviter la
montée de l’extrême-droite ?
À l’instar de l’ancienne juge
et du sénateur Philippe Bas, désigné par le président du Sénat Gérard Larcher, Richard
Ferrand devra passer l’épreuve de l’audition parlementaire le 19 février
prochain, et sera alors entendu par la commission des Lois de l’Assemblée et au Sénat.
Si plus de 3/5 des
parlementaires ne retoquent pas la décision d’Emmanuel Macron, l’ancien
président de l’Assemblée deviendra le 11e président du Conseil
constitutionnel pour neuf ans. Son mandat courrait alors jusqu’en 2034 alors que
son désignateur quittera l’Élysée en 2027.
Une façon peut-être pour le
président de la République de poser ses pions afin d’empêcher Marine Le Pen de
se présenter lors des prochaines présidentielles, puisque Richard Ferrand aura
à traiter de la question de la constitutionnalité de l'inéligibilité ou non de
la candidate d’extrême-droite liée à l’exécution de sa peine dans l'affaire des
emplois fictifs des assistants parlementaires du RN. La cheffe de file des
députés RN n’a d’ailleurs pas manqué de donner son avis quant à la nomination
de Richard Ferrand, dénonçant une « dérive qui consiste à
systématiquement nommer des politiques au Conseil constitutionnel ».
Allison
Vaslin