DROIT

Richard Ferrand au Conseil constitutionnel, un choix loin de faire l'unanimité

Richard Ferrand au Conseil constitutionnel, un choix loin de faire l'unanimité
Le futur Sage devra passer l'épreuve de l'audition parlementaire le 19 février
Publié le 11/02/2025 à 09:26

Officiellement choisi le 10 février par le président de la République pour prendre la suite de Laurent Fabius, Richard Ferrand sera auditionné par les deux chambres du Parlement français le 19 février prochain. Une nomination qui fait grincer des dents plusieurs députés, qui y voient notamment « une logique archaïque de services rendus » et déplorent une atteinte portée à la légitimité de l’institution.

Il était pressenti, le voici choisi. Le 10 février en fin de journée, le président de la République Emmanuel Macron a désigné Richard Ferrand, premier parlementaire à avoir rejoint En Marche en 2016, et ancien président de l’Assemblée nationale, pour prendre la suite de Laurent Fabius - dont le mandat arrive à son terme après neuf ans d’exercice - à la tête du Conseil constitutionnel.

Un choix plus que contesté aussi bien du côté de la droite qui dénonce « du copinage malsain », que de la gauche qui pointe un futur président doté de « peu de sens moral et de connaissance juridique », rapporte RMC. L’ancien garde des Sceaux sous la présidence de François Hollande et désormais professeur de droit Jean-Jacques Urvoas, estime ainsi que « le métier du Conseil constitutionnel est de juger, et pour juger, il faut faire appel à des juges ».

Le constitutionnaliste Benjamin Morel, au micro de France inter, a pour sa part indiqué que si une figure d’autorité, « qui incarne une forme d'impartialité » n’était pas nommée, « une grande partie de l'opinion [risque de] se dire que le problème, c'est l'État de droit », alors même que Laurent Fabius a fait de ce sujet son fer de lance.

Une proposition de loi pour encadrer les nominations

Alors pour éviter des nominations qui fragilisent le Conseil constitutionnel et son rôle, les députés communistes ont déposé, le 7 février dernier, une proposition de loi constitutionnelle sur l’encadrement des membres du Conseil et sur la publication des opinions séparées.

Il ressort de cette loi une volonté des auteurs d’empêcher la nomination d’anciens ministres ou parlementaires dans les dix années qui suivent la fin de leurs fonctions ministérielles ou de leurs mandats, et de privilégier un professeur de droit ou un magistrat justifiant de dix années d’exercice. « Les professionnels du droit sont minoritaires au sein du Conseil constitutionnel, alors que la plupart des textes régissant le fonctionnement des Cours constitutionnelles en Europe imposent une présence de magistrats et de professeurs de droit », est-il détaillé. Le texte propose notamment de modifier l’article 56 de la Constitution en y ajoutant notamment après l’avant-dernière phrase « [L]es membres [du Conseil constitutionnel] disposent de compétences et d’expériences reconnues en matière juridique. »

Pour les porteurs du texte, ses modifications seraient une façon de rendre la légitimité du Conseil constitutionnel largement remise en cause après les décisions rendues le 14 avril 2023 sur la réforme des retraites, mais également de « prendre en considération l’évolution du Conseil des Sages dans le cadre d’une démocratie traversée par une profonde crise de défiance citoyenne à l’égard de ses propres institutions », peut-on lire en propos liminaires. « Ce mouvement de juridictionnalisation fonctionnelle du Conseil constitutionnel contraste avec le profil de ses membres, essentiellement d’anciens responsables politiques qui doivent leur nomination à une logique archaïque de “services rendus”, de “complaisance politico-mondaine”, et qui porte atteinte in fine au crédit et à la légitimité de cette institution. »

La proposition de loi entend également faire respecter la parité hommes/femmes en modifiant le premier alinéa de l’article 56 de la Constitution dont la deuxième phrase serait complétée par « en s’efforçant de respecter la parité entre les femmes et les hommes ». Notons qu’aucune femme n’a jusqu’ici présidé le Conseil constitutionnel bien que quelques-unes fassent partie des neufs membres. Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a d’ailleurs décidé de désigner l’ex-juge Laurence Vichniecsky comme nouvelle membre, aux côtés de deux autres femmes déjà en poste, Jacqueline Gourault et Véronique Malbec.

Une nomination pour éviter la montée de l’extrême-droite ?

À l’instar de l’ancienne juge et du sénateur Philippe Bas, désigné par le président du Sénat Gérard Larcher, Richard Ferrand devra passer l’épreuve de l’audition parlementaire le 19 février prochain, et sera alors entendu par la commission des Lois de l’Assemblée et au Sénat.

Si plus de 3/5 des parlementaires ne retoquent pas la décision d’Emmanuel Macron, l’ancien président de l’Assemblée deviendra le 11e président du Conseil constitutionnel pour neuf ans. Son mandat courrait alors jusqu’en 2034 alors que son désignateur quittera l’Élysée en 2027.

Une façon peut-être pour le président de la République de poser ses pions afin d’empêcher Marine Le Pen de se présenter lors des prochaines présidentielles, puisque Richard Ferrand aura à traiter de la question de la constitutionnalité de l'inéligibilité ou non de la candidate d’extrême-droite liée à l’exécution de sa peine dans l'affaire des emplois fictifs des assistants parlementaires du RN. La cheffe de file des députés RN n’a d’ailleurs pas manqué de donner son avis quant à la nomination de Richard Ferrand, dénonçant une « dérive qui consiste à systématiquement nommer des politiques au Conseil constitutionnel ».

Allison Vaslin

 

1 commentaire
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Helene PARA
- le mois dernier
Très bon article!

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