Le TA de Versailles rejette les demandes de détenus de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy mais demande à l’État de procéder à des mesures d’urgence


mardi 5 août5 min
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Pour le juge des référés, les requêtes ne pouvaient pas être mises en œuvre dans un cours délai. La juridiction a cependant demandé au garde des Sceaux de faire procéder à des améliorations rapides pour mettre un terme aux atteintes aux libertés fondamentales.

Le tribunal administratif de Versailles a rejeté, dans une décision datée du 1er août 2025, les requêtes de 20 détenus au sein de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy. Ceux-ci demandaient en urgence au juge des référés leur extraction de l’établissement, en raison de conditions qu’ils jugeaient comme portant une atteinte grave au droit à la vie, au droit de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants et au droit au respect de la vie privée et familiale.

Les requérants demandaient également la mise en œuvre d’actions de formation du personnel pénitentiaire dans leur gestion des personnes blessées ou à l’état de santé fragile, notamment dans la pratique des fouilles, et de mettre en place des actions de formation pour les codétenus de soutien, des détenus volontaires qui interviennent comme acteurs de la prévention du suicide. La requête demandait également la rédaction d’une note de service concernant les règles déontologiques qui doivent prévaloir dans les relations entre le personnel pénitentiaire et les personnes détenues.

Le TA refuse « d’apprécier l’opportunité des politiques publiques »

Une demande qui s’inscrit dans un climat de violence au sein de l’établissement : « Il résulte de l’instruction qu’entre décembre 2024 et mai 2025, un détenu a été gravement blessé à la suite de son agression par cinq autres codétenus dans la cour de promenade et que deux autres détenus, dont l’un est décédé des suites de ses blessures, ont été agressés dans leurs cellules par un codétenu », rappelle le tribunal. Le 6 mai dernier, un homme de 21 ans avait été mortellement roué de coups par son nouveau compagnon de cellule.

Ces requêtes ont été rejetées par le juge des référés, qui a estimé qu’elles ne pouvaient pas être considérées comme des mesures d’urgence, puisque « insusceptibles d’être mises en œuvre à très bref délai ». « Il ne résulte pas, à ce stade de l’instruction, que, malgré certains incidents ponctuels relatés par des détenus, un dysfonctionnement serait caractérisé au sein de l’établissement sur la prévention et la prise en charge des violences entre détenus et des risques suicidaires », a ajouté le tribunal, qui a assuré que, au moment des différentes agressions, « les membres du personnel de l’établissement sont intervenus à la suite de ces agressions dans des délais dont il n’est pas établi qu’ils seraient tardifs compte tenu des contraintes de sécurité qu’ils sont tenus de respecter ».

Dans un communiqué, le TA a aussi estimé qu’il n’appartenait pas au juge « d’apprécier l’opportunité des politiques publiques ».

Des témoignages confirment des atteintes aux libertés

Mais le tribunal a néanmoins enjoint au ministre de la Justice de prendre quatre mesures d’urgence visant à améliorer les conditions de détention au sein de la maison d’arrêt. Il est demandé de garantir que les rondes de nuit soient effectuées par les surveillants en minimisant le réveil des détenus. « Il ressort de nombreux témoignages concordants de détenus que des réveils nocturnes sont volontairement commis par certains surveillants de l’établissement en allumant les lumières à plusieurs reprises au cours de la nuit et/ou par l’usage de bruits intempestifs comme des coups sur les portes lors des rondes », a rapporté le TA.

L’accès à une température d’eau acceptable pour les douches a aussi été exigée, alors qu’il a été remarqué que les personnes détenues ne peuvent pas régler par elles-mêmes la température, ce qui « constitue une atteinte caractérisée à une liberté fondamentale garantie par l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales nécessitant qu’une mesure de sauvegarde soit ordonnée à très bref délai ».

Le tribunal administratif a également demandé au garde des Sceaux de garantir un délai normal d’acheminement du courrier des détenus, hors cas exceptionnel prévu par la loi : « Certains courriers destinés à des personnes détenues ne sont jamais distribués à leurs destinataires et que des délais très longs, de plus d’un mois, pour la remise du courrier, sont régulièrement constatés. » La directrice de l’établissement a indiqué au tribunal avoir dû adresser un courriel en février 2025 à l’ensemble du personnel de l’établissement à ce sujet.

Pour l’OIP, la justice « regarde ailleurs »

Dernier point d’attention du tribunal : le témoignage de plusieurs détenus ayant raconté avoir rencontré des difficultés pour accéder à leurs rendez-vous médicaux ou à des activités en raison du refus de surveillants de les y accompagner. Pire, certains surveillants utiliseraient à tort des bons de « refus » de mouvement alors que les détenus n’ont jamais refusé de se rendre à des activités ou à des rendez-vous de santé.

« Si le ministre fait valoir que les personnels pénitentiaires disposent de trames de bons de « refus » de mouvement qu’ils doivent remplir lorsque la personne détenue refuse de se rendre à un rendez-vous à l’unité sanitaire ou au service médico-psychologique régional et que l’unité sanitaire rédige des bons de modification de rendez-vous lorsqu’ils n’ont pu être honorés, ils n’apportent toutefois aucun élément de nature à remettre en cause les témoignages concordants de plusieurs personnes détenues », a constaté le TA, qui a estimé qu’une telle situation, qui peut aboutir à l’exclusion des détenus de certaines activités ou de suivis psychologiques, constitue « une atteinte caractérisée à une liberté fondamentale nécessitant qu’une mesure de sauvegarde soit ordonnée à très bref délai ».

Dans un post publié sur LinkedIn, l’Observatoire international des prisons (OIP), qui faisait partie des requérants, a dénoncé « une justice qui regarde ailleurs », regrettant que « les violences dénoncées restent sans réponse ». Interrogée par l’AFP, l’avocate des détenus Juliette Chapelle a redouté des représailles du personnel pénitentiaire visant ses clients. « Le message envoyé, c'est qu'on peut se faire frapper en détention, voire agoniser dans sa cellule avec des temps d'intervention longs sans que cela ne pose problème », a-t-elle déploré.

La question des conditions de détention à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy fait régulièrement débat. En juillet dernier, le nouveau procureur du tribunal judiciaire de Versailles Jean-David Cavaillé avait appelé à « une réflexion », notamment quant au recours plus régulier à la probation, « réponse judiciaire capable de répondre à l’enjeu de réinsertion et de prévention de la récidive ». Le 1er juillet 2025, l’établissement affichait un taux de remplissage de 207 %.

Alexis Duvauchelle

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