Article précédent


Pour le juge des référés, les requêtes ne pouvaient pas être mises en œuvre dans un cours délai. La juridiction a cependant demandé au garde des Sceaux de faire procéder à des améliorations rapides pour mettre un terme aux atteintes aux libertés fondamentales.
Le tribunal administratif de
Versailles a rejeté, dans une décision datée du 1er août 2025, les
requêtes de 20 détenus au sein de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy. Ceux-ci
demandaient en urgence au juge des référés leur extraction de l’établissement,
en raison de conditions qu’ils jugeaient comme portant une atteinte grave au
droit à la vie, au droit de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants
et au droit au respect de la vie privée et familiale.
Les requérants demandaient également
la mise en œuvre d’actions de formation du personnel pénitentiaire dans leur
gestion des personnes blessées ou à l’état de santé fragile, notamment dans la
pratique des fouilles, et de mettre en place des actions de formation pour les codétenus
de soutien, des détenus volontaires qui interviennent comme acteurs de la
prévention du suicide. La requête demandait également la rédaction d’une note
de service concernant les règles déontologiques qui doivent prévaloir dans les
relations entre le personnel pénitentiaire et les personnes détenues.
Le TA refuse « d’apprécier
l’opportunité des politiques publiques »
Une demande qui s’inscrit
dans un climat de violence au sein de l’établissement : « Il
résulte de l’instruction qu’entre décembre 2024 et mai 2025, un détenu a été
gravement blessé à la suite de son agression par cinq autres codétenus dans la
cour de promenade et que deux autres détenus, dont l’un est décédé des suites
de ses blessures, ont été agressés dans leurs cellules par un codétenu »,
rappelle le tribunal. Le 6 mai dernier, un homme de 21 ans avait été
mortellement roué de coups par son nouveau compagnon de cellule.
Ces requêtes ont été rejetées
par le juge des référés, qui a estimé qu’elles ne pouvaient pas être
considérées comme des mesures d’urgence, puisque « insusceptibles
d’être mises en œuvre à très bref délai ». « Il ne résulte
pas, à ce stade de l’instruction, que, malgré certains incidents ponctuels
relatés par des détenus, un dysfonctionnement serait caractérisé au sein de
l’établissement sur la prévention et la prise en charge des violences entre
détenus et des risques suicidaires », a ajouté le tribunal, qui a
assuré que, au moment des différentes agressions, « les membres du
personnel de l’établissement sont intervenus à la suite de ces agressions dans
des délais dont il n’est pas établi qu’ils seraient tardifs compte tenu des
contraintes de sécurité qu’ils sont tenus de respecter ».
Dans un communiqué, le TA a
aussi estimé qu’il n’appartenait pas au juge « d’apprécier
l’opportunité des politiques publiques ».
Des témoignages confirment des
atteintes aux libertés
Mais le tribunal a néanmoins
enjoint au ministre de la Justice de prendre quatre mesures d’urgence visant à
améliorer les conditions de détention au sein de la maison d’arrêt. Il est
demandé de garantir que les rondes de nuit soient effectuées par les
surveillants en minimisant le réveil des détenus. « Il ressort de
nombreux témoignages concordants de détenus que des réveils nocturnes sont
volontairement commis par certains surveillants de l’établissement en allumant
les lumières à plusieurs reprises au cours de la nuit et/ou par l’usage de
bruits intempestifs comme des coups sur les portes lors des rondes »,
a rapporté le TA.
L’accès à une température
d’eau acceptable pour les douches a aussi été exigée, alors qu’il a été remarqué
que les personnes détenues ne peuvent pas régler par elles-mêmes la température,
ce qui « constitue une atteinte caractérisée à une liberté fondamentale
garantie par l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales nécessitant qu’une mesure de
sauvegarde soit ordonnée à très bref délai ».
Le tribunal administratif a
également demandé au garde des Sceaux de garantir un délai normal
d’acheminement du courrier des détenus, hors cas exceptionnel prévu par la loi :
« Certains courriers destinés à des personnes détenues ne sont jamais
distribués à leurs destinataires et que des délais très longs, de plus d’un
mois, pour la remise du courrier, sont régulièrement constatés. » La
directrice de l’établissement a indiqué au tribunal avoir dû adresser un
courriel en février 2025 à l’ensemble du personnel de l’établissement à ce
sujet.
Pour l’OIP, la justice
« regarde ailleurs »
Dernier point d’attention du
tribunal : le témoignage de plusieurs détenus ayant raconté avoir
rencontré des difficultés pour accéder à leurs rendez-vous médicaux ou à des
activités en raison du refus de surveillants de les y accompagner. Pire,
certains surveillants utiliseraient à tort des bons de « refus » de
mouvement alors que les détenus n’ont jamais refusé de se rendre à des
activités ou à des rendez-vous de santé.
« Si le ministre fait
valoir que les personnels pénitentiaires disposent de trames de bons de « refus
» de mouvement qu’ils doivent remplir lorsque la personne détenue refuse de se
rendre à un rendez-vous à l’unité sanitaire ou au service médico-psychologique
régional et que l’unité sanitaire rédige des bons de modification de
rendez-vous lorsqu’ils n’ont pu être honorés, ils n’apportent toutefois aucun
élément de nature à remettre en cause les témoignages concordants de plusieurs
personnes détenues », a constaté le TA, qui a estimé qu’une telle
situation, qui peut aboutir à l’exclusion des détenus de certaines activités ou
de suivis psychologiques, constitue « une atteinte caractérisée à une
liberté fondamentale nécessitant qu’une mesure de sauvegarde soit ordonnée à
très bref délai ».
À
lire aussi : La Contrôleure générale des lieux
de privation de liberté alerte sur l’état des prisons : « On a vu les
choses se dégrader »
Dans un post publié sur
LinkedIn, l’Observatoire international des prisons (OIP), qui faisait partie
des requérants, a dénoncé « une justice qui regarde ailleurs »,
regrettant que « les violences dénoncées restent sans réponse ».
Interrogée par l’AFP, l’avocate des détenus Juliette Chapelle a redouté des
représailles du personnel pénitentiaire visant ses clients. « Le
message envoyé, c'est qu'on peut se faire frapper en détention, voire agoniser
dans sa cellule avec des temps d'intervention longs sans que cela ne pose
problème », a-t-elle déploré.
La question des conditions de
détention à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy fait régulièrement débat. En
juillet dernier, le
nouveau procureur du tribunal judiciaire de Versailles Jean-David Cavaillé
avait appelé à « une réflexion »,
notamment quant au recours plus régulier à la probation, « réponse
judiciaire capable de répondre à l’enjeu de réinsertion et de prévention de la
récidive ». Le 1er juillet 2025, l’établissement affichait un
taux de remplissage de 207 %.
Alexis
Duvauchelle
THÉMATIQUES ASSOCIÉES
Infos locales, analyses et enquêtes : restez informé(e) sans limite.
Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.
0 Commentaire
Laisser un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *