Le 21 avril dernier, sous le haut patronage de Cedric O,
Secrétaire d’État chargé du Numérique de la République française, Arborus a
célébré le premier anniversaire de la première charte internationale pour une
intelligence artificielle (IA) inclusive, une charte qui défend une
intelligence artificielle responsable et non discriminante. L’occasion aussi de
fêter ses 100 premiers signataires (grands groupes, entreprises,
associations, institutions) et de souligner l’engagement de la France et de ses
acteurs politiques, économiques et associatifs, comme porteurs d’un mouvement
pour une IA socialement et éthiquement responsable, juste et inclusive.
Faisant,
depuis sa création en 1995, la promotion de l’égalité entre les femmes et les
hommes dans le monde à travers notamment la diffusion d’un standard européen et
mondial avec le label européen et international GEEIS (Gender Equality
European & International Standard), l’association Arborus s’adapte au
monde qui l’entoure et aux modes de travail des entreprises qui évoluent. Elle
s’est ainsi ouverte depuis l’année dernière à l’IA, à travers le lancement
d’une charte internationale pour une IA inclusive, qui célébrait, le 21 avril
dernier, via un live depuis Bercy, son premier anniversaire. Ce
document, qui se veut être une référence pour l’ensemble des entreprises
engagées en faveur de l’égalité des chances, a pour vocation de garantir une
intelligence artificielle conçue, déployée et opérée de manière responsable et
inclusive. Une centaine de signataires se sont déjà engagés dans cette voie.
Parmi eux se trouvent des grands groupes (Accenture, Danone, EDF, L’Oréal,
Metro, Orange, Sodexo, etc.), des entreprises de la Tech (Gandi, 50 in Tech,
Technion, DOPTIM, Wave Autos, Awebi, Swiss Ingineering, The Good AI, AB5
Consulting, La Forge, Bruce, Dokki), des associations spécialisées (Social
Builder, IA pour tous, Fondation Femmes@Numérique, WomenVAI, PWN, Syntec
Numérique, Global Contact, Creative Resolution, etc.) et des institutions
(université de Genève, ELM Lyon, université Rennes II, Institute of
NeuroCognitivism, etc.).
La
crise Covid comme accélérateur des inégalités
Malgré la
crise sanitaire qui perdure, la présidente et fondatrice d’Arborus, Cristina
Lunghi, se dit fière d’a voir pu organiser cette
célébration, « ce qui démontre que cet
événement est un événement majeur » assure-t-elle. « Cet anniversaire est un grand jour, car nous portons la vision d’un
monde nouveau et nous voulons le meilleur, car inclusif, un grand jour, car
nous voulons relever les défis du numérique », se réjouit-elle.
Il y a un an
en effet, en plein confinement, Arborus lançait, sous le patronage du
Secrétaire d’État chargé du Numérique de la République française Cédric O, et
en partenariat avec le groupe Orange1, la charte internationale pour
une IA inclusive.
Son
lancement en avril dernier n’est pas un hasard. En effet, la crise sanitaire a
placé le numérique au cœur de nouvelles pratiques
: à l’heure de la Covid-19, l’IA s’est développée deux fois plus vite qu’en
temps normal, souligne Cristina Lunghi. Source de progrès, et ce da ns de nombreux domaines (éducation, environnement,
santé…), reconnait-elle, l’IA peut « aussi
devenir un réel danger », met en garde la corédactrice de la charte. Car,
la crise nous a aussi fait prendre conscience de l’impact des inégalités, tant
« sur le plan économique, politique,
sanitaire, environnemental, social, mais aussi personnel ». De nouvelles
perspectives guidées par l’urgence sont apparues, de nouvelles méthodes aussi,
qui doivent porter l’empreinte de la solidarité, pointe la fondatrice
d’Arborus. « La crise de la Covid-19 a
fait émerger l’urgence à agir, et à agir ensemble », affirme-t-elle. Aussi,
pendant le premier confinement, Arborus et ses partenaires ont travaillé à la
rédaction d’une charte, en partant du principe que la promesse de l’IA ne
saurait se réaliser pleinement qu’en la concevant et la déployant de manière
inclusive. Pour Cristina Lunghi, l’IA doit donc se construire au service de
tous et de toutes. C’est, selon elle, un sujet « majeur, stratégique et humaniste ». Un « sujet d’une importance
croissante », appuie Delphine O, ambassadrice et secrétaire générale du
Forum génération Égalité2, qui soutient l’événement et se prononce,
pour l’occasion, via l’enregistrement d’une vidéo. Cette charte s’inscrit dans
la volonté « de faire de l’égalité un
principe premier de gouvernance, particulièrement dans le contexte post Covid
que nous connaissons », déclare, dans le prolongement, Nicole Ameline,
ancienne présidente du Comité CEDAW pour l’élimination de la discrimination à
l’égard des femmes, de l’ONU.
Élisabeth
Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité
entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, se
félicite également de cet anniversaire. « Cet
événement est à la lisière de deux sujets qui me sont chers : les opportunités
qu’offre la tech et le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes
». Cette dernière considère également la crise comme l’« opportunité de reconstruire correctement notre pays pour en faire une
société beaucoup plus juste, plus égalitaire et plus inclusive ».

Élisabeth
Moreno
L’IA, vecteur
de discriminations ?
L’intelligence
artificielle semble avoir de beaux jours devant elle. Désormais présente dans
nos vies au quotidien, rien ne semble pouvoir arrêter son déploiement. Offrant
des outils et services bénéfiques, la croissance du numérique tend-elle
toutefois à participer à la création d’une société plus égalitaire ? Il
serait en effet utopiste de penser que l’IA, parce qu’elle se base sur des
données, serait complètement objective. Car n’oublions pas que derrière chaque
invention, chaque développement, chaque programme se cache un être humain.
Aussi, le risque que la « machine » puisse à son tour reproduire les
travers de son inventeur est bien réel.
« Une IA non inclusive et non responsable
pourrait accentuer les biais discriminants ou en créer de nouveaux »,
prévient Cristina Lunghi. En effet l’IA tend à reproduire, voire amplifier, les
travers humains. « L’IA est porteuse
d’espoir, mais s’il n’y a pas de stratégie appropriée, elle peut entraîner de
nouvelles discriminations structurelles », affirme à son tour Nicole
Ameline.
Un
risque que soulève également Delphine O, laquelle appelle à la vigilance. Celle
qui parle de « discrimination
technologique » – une nouvelle forme de discrimination, liée entre autres à
la reproduction de stéréotypes de genre – considère que nous nous trouvons
aujourd’hui à un moment décisif : « il
nous appartient, à tous et à toutes, de faire en sorte que les innovations
numériques et technologiques deviennent des vecteurs d’égalité plutôt que des
freins », déclare-t- elle.
Un
propos soutenu par Élisabeth Moreno, qui reconnait elle aussi que le numérique
peut être vecteur d’inégalités, et « à
ces inégalités viennent s’ajouter les biais sexistes et discriminants que
véhicule l’IA ».Toutefois, « le
numérique peut devenir un accélérateur de l’égalité entre les femmes et les
hommes », atteste-t-elle. « L’enjeu
de la transformation numérique est donc un enjeu d’égalité » : « Aujourd’hui,
le monde du numérique à l’opportunité de se réinventer, en faisant de l’IA un
véritable vecteur de pratiques égalitaires ».
La
place des femmes dans le numérique
I l faut dire que les femmes se font encore discrètes dans
le secteur numérique : « Seulement 17 %
des femmes en Europe travaillent dans le digital » souligne Cristina
Lunghi. Élisabeth Moreno, qui a travaillé 20 ans dans le monde des nouvelles
technologies, s’interroge de son côté : le monde de la tech est-il en avance en
matière d’égalité entre les femmes et les hommes ? « La réponse est non », déclare la ministre sans détour, se basant
sur des chiffres parlants. En effet, « seuls
30 % des salariés du secteur sont des femmes et elles ne représentent que 12 %
des créateurs de start-up, alors même qu’un job sur trois qui sera créé dans
les cinq prochaines années le sera dans le secteur du numérique »,
rappelle-t-elle.
De
son côté, Delphine O affirme que les algorithmes et I’IA sont amenés à
accompagner voire à régir un nombre croissant de processus décisionnels.
Pourtant, aujourd’hui, 15 % seulement des ingénieurs dans le monde sont des
femmes, déplore-t-elle. « Les algorithmes
qui constituent l’IA sont conçus à 88 % par des hommes et rarement basés sur
des données différenciées par le genre », appuie la secrétaire générale du
Forum génération Égalité, qui constate des répercussions négatives très
concrètes. « L’IA entretient et renforce
des discriminations multiples », déclare-t-elle. Parmi les solutions
possibles, Delphine O évoque la formation : « Je suis convaincue que la mise en place d’algorithmes plus inclusifs au
service de l’égalité femme/homme passe par la formation de jeunes filles et de
femmes aux métiers du numérique et de la programmation informatique »,
prône-t-elle.
Construire
un nouveau monde
S’inscrivant
dans la construction du plus grand défi du 21e siècle, c’est-à-dire
la création d’une société d’égalité et d’inclusion, les enjeux de la Charte
sont donc primordiaux. Son objectif est bien de faire en sorte que l’IA reste
sous le contrôle de l’humain, au bénéfice de tous et de toutes en aidant de
relever le défi de l’égalité.
L’association
croit en effet à l’égalité entre les femmes et les hommes comme levier du
changement, à travers la charte internationale pour une IA inclusive, qu’elle
considère aussi comme une première étape pour les signataires avant de
s’engager dans le label international GEEIS (Gender Equality European & International Standard) qui fait la
promotion d’ « une culture d’entreprise
innovante mettant l’égalité au cœur des changements ».
Via
ce texte, il s’agit de créer une nouvelle société, avec, pour fondement,
l’égalité entre les êtres humains. Un système nouveau qui remettrait en cause
tous nos systèmes traditionnels, reconnait la présidente de l’association, mais
un renouveau nécessaire. L’hôte du jour préconise ainsi un changement radical,
un « “reset” pour redéfinir les règles du
jeu ».
« Les valeurs d’inclusion sont aux cœurs de nos enjeux
sociétaux », considère, dans le prolongement,
Élisabeth Moreno, laquelle reconnaît que cette charte constitue « une approche innovante pour aider les
entreprises à embrasser ces nouveaux enjeux ».
En créant
cette charte, une référence internationale « car l’IA n’a pas de frontières », assure Cristina Lunghi, Arborus et ses partenaires
entendent créer, concrètement, un cadre de confiance et de sensibilisation aux
enjeux de l’IA pour toutes les entreprises qui souhaitent s’engager dans un
acte citoyen et responsable, qui repose sur sept engagements (voir encadré).
Ses rédacteurs souhaitent ainsi que la charte devienne une référence pour
toutes les entreprises engagées en faveur de
l’égalité des chances.

« Via le soutien de cette charte, la France
s’engage dans une voie exemplaire, qui allie les valeurs universelles à la
transition numérique » se réjouit de son côté Nicole Ameline. Celle qui
parle d’une « d’une dynamique puissante
et innovante » considère l’égalité comme « un droit fondamental, mais aussi
comme une force de transformation positive du monde, comme une force de
changement durable ». Cela permet, selon elle, de « donner sens au développement ».
Pour
l’ancienne présidente du Comité CEDAW de l’ONU, cet anniversaire et le Forum
Égalité ont donc pour même ambition de mobiliser des acteurs pour faire de
l’égalité un véritable champ d’innovation, « et surtout pour développer l’égalité dans le cadre d’un nouveau
paradigme au service de la croissance, du développement et du bien-être de
l’humanité ».
NOTES :
1) Premier signataire de cette
charte, Orange a d’ailleurs annoncé, le 23 mars 2021, la création de son
Conseil d’éthique de la Data et de l’IA composé de 11 personnalités reconnues
dans le domaine. Présidé par Stéphane Richard, président-directeur général
d’Orange, cet organe consultatif et indépendant a pour mission d’accompagner la
mise en œuvre par l’entreprise de principes éthiques encadrant l’utilisation
des technologies de data et d’Intelligence Artificielle.
2)
Rassemblement féministe mondial coprésidé par la France et le Mexique, sous
l’égide d’ONU femme lancé à Mexico fin mars, qui culminera à Paris du
30 juin au 2 juillet
Constance
Périn