Article précédent

Petit tour d’horizon des derniers chiffres clefs,
des revendications des fédérations et des récentes annonces gouvernementales,
tandis que le taux des crédits immobiliers poursuit son inexorable remontée
pour atteindre 4,04 % à la mi-octobre.
Le logement, une « bombe sociale »
? L’expression est à la mode en ce moment – même l’ancien Premier
ministre, Edouard Philippe, y a eu recours fin septembre pour pointer la
« crise démocratique » que la France traverse.
A minima, les spécialistes du secteur parlent quant
à eux d’une « tension sociale », d’un « marché tendu »,
à l’instar du président de Century 21, Charles Marinakis, invité du « Grand
entretien » sur France Inter, le 4 octobre, qui revenait sur
l’origine de ce marasme immobilier. Venue s’ajouter à l’inflation et à
l’explosion de la facture énergétique, « l’augmentation brutale des
taux d’intérêt a créé un frein très significatif à la transmission et à
l’accession à la propriété immobilière », a-t-il ainsi rappelé.
Depuis la remontée des taux directeurs de la Banque
centrale européenne (BCE), les taux d’intérêt présentés aux particuliers
ont en effet explosé. Dans sa dernière étude trimestrielle, publiée mi-octobre,
l’Observatoire Crédit Logement / CSA note ainsi que « le taux des
crédits immobiliers poursuit sa remontée : à la mi-octobre, il s’établit à 4,04
% (contre 3,98 % en septembre), en augmentation de 169 points depuis décembre
2022 ».
Une situation qui n’étonne pas Nicolas Van Den
Hende, directeur de l’épargne chez Sofidy, intervenu récemment lors d’un
webinaire de Patrimoine 24 : « On savait que les taux ne pouvaient que
remonter, vu les niveaux très faibles qu’on connaissait. Mais la question était
davantage de savoir à quelle vitesse. Or, on a assisté à une remontée très
rapide. Ce contexte a mis fin à un contexte très favorable, et on se retrouve
face à un marché, en termes de transactions, qui s’est contracté fortement,
voire qui s’est stoppé. »
« La hausse des taux a démarré il y a un an, donc
il n’est pas anormal que l’immobilier réagisse comme toutes les classes
d’actifs, a de son côté relativisé Christophe Inizan, directeur commercial
immobilier chez La Française. Cela nous rappelle que les cycles immobiliers
existent. On l’avait oublié depuis 2008, et notamment depuis l’injection
massive des liquidités des banques centrales pour faire face à la crise
financière de l’époque. »
Reste que cette tendance à la hausse se poursuit,
bien qu’elle semblerait ralentir selon les derniers chiffres, puisque les taux
d’usure, soit les taux d’intérêt maximaux – temporairement revus mensuellement
– que les banques sont autorisées à pratiquer lorsqu’elles accordent un crédit,
ont de nouveau augmenté le 1er novembre 2023, après avoir
grimpé toute l’année. Le « seuil de l’usure applicable » est
ainsi porté à 5,91 % pour les prêts à taux fixe de 20 ans et plus souscrits à
compter du 1er novembre 2023, peut-on lire dans l’avis du 25 octobre
2023 publié au Journal
officiel, alors qu’il était de 5,8 % en octobre et 5,56 % en septembre
2023.
« L’augmentation des taux de crédit et le
durcissement des conditions qui s’imposent aux emprunteurs empêchent une partie
des locataires d’accéder à la propriété. Ils restent en place plus longtemps,
freinant la mobilité du parc », souligne, dans un communiqué, le
président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), Loïc Cantin.
Au bout du compte, le nombre de prêts accordés est
en chute libre : - 41 % sur un an (octobre 2022 à septembre 2023), dévoile
l’Observatoire Crédit Logement / CSA au fil de son étude trimestrielle publiée
il y a quelques jours.
Et alors que leur durée moyenne s’établissait à 255
mois à mi-octobre, celle-ci, bien qu’élevée, « ne suffit plus à amortir
ni la hausse des prix et des taux, ni le niveau d’apport personnel exigé sur
les capacités d’emprunt des ménages », pointe l’Observatoire Crédit
Logement / CSA.
« La hausse des taux des crédits neutralise
en effet l’avantage d’un allongement des durées pour la plupart des emprunteurs
cherchant à alléger leur taux d’effort. Et l’augmentation des taux a réduit de
16,7 % la capacité d’emprunt des ménages en 2023. Par exemple, un ménage qui
pouvait emprunter 100 000 € à la fin de 2022 ne peut plus emprunter
que 83 300 € en septembre 2023 », indique-t-il en guise
d’illustration.
Par ailleurs, « tous les ménages sont
maintenant contraints à des concessions sur leurs projets (surface et qualité
des biens, localisation,…) et le coût des opérations réalisées recule, après
plusieurs années de progression rapide ».
En parallèle, les biens disponibles à la location
se raréfient. Selon un sondage réalisé récemment par la FNAIM, 73 % des
professionnels témoignent ainsi d’une baisse du nombre de biens disponibles à
la location par rapport à l’année dernière. En moyenne, cette baisse est
estimée à - 34 % de biens mis en location cet été par rapport à 2022 sur
la même période. « La moitié des agences ont moins de 10 biens en
annonce en location, un nombre exceptionnellement faible, et une agence sur 10
n’en a plus aucun », s’inquiète l’organisation syndicale.
À lire aussi : La crise des SCPI
bientôt terminée ?
Une majorité d’agents constatent pourtant une
hausse de la demande : l’évolution moyenne pour un bien est estimée à +
23 %, et dans certaines zones, la situation est « critique »,
« particulièrement en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, où la
demande augmente de 42 % avec une offre en baisse de - 43 % ».
« En Nouvelle-Aquitaine, la demande croît de 28 % tandis qu’il y a
38 % d’offres de logements en location en moins. En ?le-de-France, sans surprise, c’est essentiellement à Paris
intramuros que le décalage entre offre et demande reste le plus important »,
rapporte la FNAIM.
Pour le président de la FNAIM, ce fossé s’explique
principalement car « les bailleurs font face depuis quelques années à
une surenchère de contraintes qui ne s’arrête jamais », parmi
lesquelles l’encadrement des loyers, mais aussi l’« explosion »
des taxes foncières, dénonce-t-il, ou encore la fameuse loi climat et
résilience du 22 août 2021 et son obligation de rénovation énergétique. « Face
au casse-tête de la rénovation, les bailleurs commencent à vendre leurs biens
sans attendre les dates fatidiques de 2025 et 2028 », alerte-t-il.
Et pour cause, alors que la France compte 5,2
millions de passoires énergétiques – contre 4,7 millions avant la refonte du
DPE intervenue en juillet 2021, selon l’Observatoire national de la rénovation
énergétique (ONRE) –, dès 2025, il sera interdit de louer les logements classés
G au diagnostic de performance énergétique (DPE), les logements classés F dès
2028, et ceux classés E en 2034.
Toutefois, en mai 2022, 60 millions de
consommateurs épinglait la variabilité du « nouveau » DPE,
pourtant supposé être plus fiable depuis sa réforme, puisqu’il se base
dorénavant sur les caractéristiques techniques du bâtiment et plus sur les
factures. Or le magazine démontrait que les constats varient très sensiblement
en fonction des diagnostiqueurs, notamment en raison d’erreurs sur le
chauffage, sur la date de construction du bien ou même sur sa surface.
Dans la même veine, la Chambre des diagnostiqueurs
immobiliers (CDI FNAIM) et la Fédération interprofessionnelle du diagnostic
immobilier (Fidi), deux fédérations du diagnostic immobilier, ont réclamé au
ministère du Logement la mise en place d’un DPE pondéré pour les petites
surfaces, ayant remarqué que la nouvelle méthode de calcul « [les]
pénalise », « en termes aussi bien de classification que de
possibilité de les sortir du statut de passoires thermiques »,
expliquent-elles dans un communiqué.
Selon leurs chiffres et les statistiques de
l’ADEME, les classes énergétiques F ou G sont beaucoup plus présentes dans les
logements inférieurs à 30 m², ce qui s’explique par deux facteurs : d’une part,
« plus le ballon d’eau chaude est grand, et plus la note du DPE s’avère
pénalisante pour un petit logement », d’autre part, l’indice de
compacité thermique – qui définit le ratio surface déperditive / surface
habitable – présente, pour un studio, « proportionnellement plus de
surface déperditive de murs qu’un appartement de même forme avec plus de
surface habitable ».
Les deux fédérations proposent donc une « pondération
par coefficients », qui permette davantage « d’équité et de
fiabilité du DPE ». En écho à cette demande, des sénateurs ont
proposé, cet été, de « corriger les biais en défaveur des petites
surfaces ». D’autant que selon les chiffres de l’Observatoire national
de la rénovation énergétique, près de 34 % des logements de moins de 30 m²
ont une étiquette F ou G.
De son côté, la FNAIM a carrément appelé le
gouvernement à aménager « de toute urgence » le calendrier des
interdictions de louer issu de la Loi Climat « afin d’éviter que
l’attrition de l’offre locative se poursuive et s’accélère d’ici à 2025 ».
Bien que le ministre de l’Économie ait fait savoir,
lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, qu’il
n’était « pas question de modifier le calendrier » de
l’interdiction à la location des passoires thermiques, il a néanmoins indiqué,
le 9 octobre, souhaiter que le DPE soit modifié pour s’adapter « aux
modalités de chauffage » et à « la taille des surfaces ».
Future réforme ou vœu pieux ? L’avenir nous le dira.
Pour ce qui est de l’accès aux prêts, dans un
environnement « toujours incertain et peu propice à un engagement sur
des projets d’investissement immobilier » et alors que « les
conditions de crédit ne semblent pas pouvoir s’améliorer rapidement »,
augure l’Observatoire Crédit Logement / CSA, qui présage qu’il faudrait « attendre
2025 pour que le taux annuel moyen repasse sous les 2,75 % », quels
sont malgré tout les signes d’une possible embellie ?
Une première avancée concerne le prêt à taux zéro
(PTZ), qui, comme son nom l’indique, est sans intérêts, et réservé aux « ménages
à revenus modestes et intermédiaires (...) [n’ayant] pas été propriétaire[s] de
[leur] résidence principale au cours des deux dernières années précédant le
prêt », rappelle Bercy.
Ce dispositif, qui devait être supprimé à la fin de
l’année, sera finalement prolongé jusqu’en 2027 et revu l’an prochain. Si les
maisons individuelles neuves sont dorénavant exclues du dispositif, en
revanche, les plafonds de revenus pour en bénéficier ont été rehaussés, une
nouvelle tranche de revenus a été créée, la quotité maximale associée au PTZ
(donc la part que celui-ci pourra représenter dans le crédit) passe de 40 % à
50 %, et 209 communes ont été reclassées en zone tendue.
Au total, près de 6 millions de bénéficiaires
seraient concernés par cette aide, que le ministre de l’Économie juge « juste
socialement et efficace économiquement », comme il l’a indiqué le 17
octobre sur BFM Business. Ce même jour, Bruno Le Maire a par ailleurs
répété que le gouvernement réfléchissait à un crédit immobilier à taux bonifié.
Ce prêt concernerait davantage de foyers, mais diminuerait en fonction des
tranches de revenus des candidats. « Je nous donne 6 mois »,
s’est engagé Bruno Le Maire à ce sujet.
Bérengère Margaritelli
THÉMATIQUES ASSOCIÉES
Infos locales, analyses et enquêtes : restez informé(e) sans limite.
Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.
0 Commentaire
Laisser un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *