Un temps menacée de report, la généralisation de la facturation électronique conserve finalement son calendrier


jeudi 17 avril4 min
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L’article du projet de loi de simplification de la vie économique qui prévoyait de repousser d’un an l’entrée en vigueur de la réforme a finalement été supprimé, après un vote favorable en séance publique à l’Assemblée nationale. D’abord favorable à une telle modification, le rapporteur du projet de loi a changé d’avis au cours de l’étude du texte.

Le report tant redouté par les experts-comptables ne devrait pas avoir lieu. Vendredi 11 avril, l’Assemblée nationale a supprimé l’article du projet de loi de simplification de la vie économique relatif à l’ajournement de la généralisation de la facturation électronique. L’article 2 bis A du texte, proposé par le rapporteur Christophe Naegelen et initialement adopté en commission, visait à décaler d’un an l’entrée en vigueur de l’obligation d’émission de factures à septembre 2027 pour les grandes entreprises et septembre 2028 pour les TPE-PME.

Mais une fois en séance, le même député, qui avait visiblement changé d’avis, a demandé la suppression de son propre article. « J’ai commencé par soutenir ce report en commission, puis j’ai continué de consulter les professionnels directement touchés », a-t-il raconté, semblant découvrir qu’« il y a bien un décalage dans la mise en œuvre [de la réforme existante], selon la taille de l’entreprise ».

Le rapporteur a été soutenu dans cette demande de suppression par le gouvernement, qui avait déposé un amendement en ce sens et souhaitait maintenir le calendrier actuel. La ministre chargée des Comptes publics Amélie de Montchalin a argué qu’une telle réforme permettait aux entreprises de réaliser une économie d’environ 9 euros par facture, par rapport au coût d’émission d’une facture papier : « Une facture électronique est directement envoyée, horodatée, sans frais d’affranchissement ni délais de paiement ; le recouvrement est donc plus facile. Tout cela entraîne de vraies économies pour l’entreprise, car ce qui coûte cher, ce n’est pas de disposer d’un système de facturation électronique, mais de faire appel à un expert-comptable, parfois à l’extérieur de l’entreprise, ou d’employer des personnes pour remplir les obligations afférentes. »

Les banques et les experts-comptables à la rescousse pour remplacer le PPF

Des arguments qui ont achevé de convaincre le rapporteur, qui aurait cependant préféré que la facturation électronique soit gratuite, apportant « un gain supérieur » aux entreprises. « Cela ne serait pas négligeable dans le contexte économique très compliqué que nous connaissons, notamment pour les plus petites entreprises. » Une manière de critiquer l’abandon du portail public de facturation (PPF) annoncé en octobre dernier.

En réponse, Amélie de Montchalin a laissé entendre que plusieurs banques allaient prochainement inclure dans leurs offres dédiées aux professionnels des services de facturation électronique. Les experts-comptables comptent également agir en ce sens.

Contacté par le JSS, le Conseil national de l’Ordre des experts-comptables (CNOEC) a confirmé étudier le projet de plateforme de facturation gratuite annoncé par la précédente mandature en octobre dernier, au moment de l’abandon du PPF. L’Ordre précise également travailler sur un guide référençant les différentes plateformes de dématérialisation partenaire (PDP) « afin que chaque expert-comptable et cabinet puisse choisir l'outil le plus adapté ».

La ministre a également annoncé une phase de test pour cet été, durant laquelle les entreprises pourront expérimenter le nouveau système. Un débat sur les modalités finales de lancement devrait ensuite être organisé à l’Assemblée nationale à l’occasion du projet de loi de finances.

L’un des objectifs de la réforme vise à récupérer 3 milliards d’euros, « soit entre le tiers et la moitié du montant de la fraude à la TVA, liée à l’omission, à la sous-déclaration ou à des déclarations volontairement fautives », a expliqué Amélie de Montchalin.

La réforme plutôt approuvée malgré les délais contestés

Bien que globalement plébiscitée, la facturation électronique fait tout de même l’objet de quelques réserves au sein de la représentation nationale. La députée LR Anne-Laure Blin a regretté une réforme « qui n’a pas été demandée par les entreprises, en particulier les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME), mais par les services de Bercy, et qui est aujourd’hui mise en place à marche forcée ». « Non », a simplement répondu Amélie de Montchalin.

L’insoumise Sophia Chikirou a elle insisté sur « les problèmes d’illectronisme et d’inaccessibilité du numérique » de la dématérialisation des factures. « Pour nombre d’entre elles, notamment les microentreprises, la transition est difficile. Je pense aussi aux artisans, car je ne suis sûrement pas la seule députée à recevoir des factures faites à la main par sa fleuriste », a-t-elle témoigné.

« Nous avons ce soir exactement le même débat que celui qui a prévalu en 2014, en 2015, en 2016 et en 2017 sur le prélèvement à la source », s’est remémorée Amélie de Montchalin, soulignant le succès final de cette réforme. Malgré un report d’un à deux ans décidé en 2023, la facturation électronique pourrait prendre le même chemin.

Alexis Duvauchelle

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