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Dans une décision rendue le 4
octobre, le tribunal administratif de Montreuil a ordonné au ministère de l'Intérieur
de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier au caractère « insalubre »
du poste de police.
Après le commissariat de
Bondy, c'est désormais celui d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) qui se retrouve dans le
collimateur du tribunal administratif de Montreuil. En effet, dans une décision rendue ce 4 octobre 2024, le
juge des référés a enjoint au ministère de l'Intérieur de rénover les cellules « vétustes »
du poste de police « avec un système de renouvellement d'air et de
chauffage garantissant l'hygiène, la dignité et la sécurité des personnes »,
mais aussi « de veiller à la mise à disposition de matelas pour tous
les gardés à vue, et de réserver la cellule ne permettant pas une position
allongée totale à des gardes à vue ne dépassant pas douze heures ».
Ce, sous un délai de trois mois, avec une astreinte de 250 euros par jour en
cas de dépassement.
À lire aussi : (93) Le tribunal administratif de Montreuil réclame des
améliorations des conditions de garde-à-vue au commissariat de Bondy
En outre, la juridiction a
exigé l'installation d'un système d'appel dans chacune des cellules, et que soient
prises « toutes les mesures de nature à garantir à chacune des
personnes gardées à vue au sein du commissariat d'Aubervilliers, la mise à
disposition d'une quantité adaptée d'eau potable dans des récipients appropriés
aux exigences de sécurité, et la visibilité d'une horloge » ; là
encore sous astreinte. Enfin, l’administration a également été condamnée à
verser 1 500 euros à l’Ordre des avocats pour couvrir leurs frais de justice.
A l'origine, un rapport de la bâtonnière
La juridiction avait été
saisie le 17 juillet 2024 par l’ordre des avocats du barreau de
Seine-Saint-Denis, à la suite de la visite sur place de la bâtonnière Stéphanie
Chabauty, le 4 octobre 2023, dont le rapport comportait des « descriptions
circonstanciées » assorties de photographies.
Lors de cette visite, la
bâtonnière avait notamment constaté la présence de trois mineurs dans une
cellule prévue pour une seule personne - une pièce de moins de 1,40 mètre de
largeur, où il était impossible de s’allonger.
Elle avait également relevé «
l’absence partielle de matelas », « l'absence de moyens de communication
permettant d’interpeller le personnel en cas de besoin urgent », ou encore «
l’absence d’horloge visible permettant aux personnes de se repérer dans le
temps ». Stéphanie Chabauty y relevait également que « les cellules de
garde à vue ne sont équipées d’aucun point d’eau » et que « la chasse
d’eau des toilettes ne peut être actionnée que de l’extérieur par le personnel
de police ».
« Il appartient à l'administration de
prendre les mesures propres à protéger leur dignité »
Le tribunal administratif
considère qu’eu égard à la « situation d'entière dépendance »
des personnes gardées vis-à-vis de l'administration, « à laquelle il
appartient de prendre les mesures propres à protéger leur dignité et leur santé
ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant (…) », la
condition d'urgence de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative – qui
prévoit que sur requête, le juge des référés peut ordonner toute mesure utile –
est remplie.
Il justifie par ailleurs sa
décision en indiquant qu’il ressort du rapport de la bâtonnière que les cellules de garde à vue
présentent « un caractère insalubre », et que l'administration
n'a pas remédié à « certaines carences relevées (…) qui
caractérisent des conditions de détention attentatoires à la dignité et à
l'intégrité physique des personnes en garde à vue, et justifient d'ordonner des
mesures utiles relevant de l'office du juge des référés en vue de rétablir des
conditions de garde à vue conformes aux exigences d'un état de droit ».
Toutefois, la juridiction
estime que d’autres mesures sollicitées par les avocats, notamment la
fourniture de kits d'hygiène et la mise à disposition de gel hydroalcoolique « apparaissent
non justifiées ». Elle considère en outre que le nettoyage des
cellules, également pointé du doigt par le rapport de la bâtonnière, a fait
l'objet d'un nouveau marché de prestations et qu’ « aucun élément
actualisé ne permet d'en démontrer l'insuffisance ».
A Bondy, les travaux peinent
à démarrer
Des travaux devraient donc normalement
être engagés prochainement. « Normalement », car l’Etat pourrait bien
être à la traîne. A Bondy, malgré l’injonction de rénovation faite au ministère
de l’Intérieur, les travaux ordonnés peinent toujours à démarrer. En juin
dernier, le chantier de modernisation des locaux de garde à vue était même à
l’arrêt, faute de crédits suffisants, comme le rapportait Le Parisien.
Face à cette inertie, le
barreau de Seine-Saint-Denis avait déposé une nouvelle requête devant le
tribunal administratif pour réclamer le versement des astreintes accumulées,
lesquelles s'élevaient à 57 000 euros au début de l'été, rappelle quant à lui
le Bondy Blog.
Reste que le ministère de
Bruno Retailleau a encore la possibilité de se pourvoir en cassation devant le
Conseil d’État avant le 18 octobre.
Romain Tardino
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