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L’Etat a trois mois pour mettre en conformité les cellules du commissariat d’Aubervilliers


mardi 8 octobre 20244 min
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Dans une décision rendue le 4 octobre, le tribunal administratif de Montreuil a ordonné au ministère de l'Intérieur de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier au caractère « insalubre » du poste de police.

Après le commissariat de Bondy, c'est désormais celui d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) qui se retrouve dans le collimateur du tribunal administratif de Montreuil. En effet, dans une décision rendue ce 4 octobre 2024, le juge des référés a enjoint au ministère de l'Intérieur de rénover les cellules « vétustes » du poste de police « avec un système de renouvellement d'air et de chauffage garantissant l'hygiène, la dignité et la sécurité des personnes », mais aussi « de veiller à la mise à disposition de matelas pour tous les gardés à vue, et de réserver la cellule ne permettant pas une position allongée totale à des gardes à vue ne dépassant pas douze heures ». Ce, sous un délai de trois mois, avec une astreinte de 250 euros par jour en cas de dépassement. 

En outre, la juridiction a exigé l'installation d'un système d'appel dans chacune des cellules, et que soient prises « toutes les mesures de nature à garantir à chacune des personnes gardées à vue au sein du commissariat d'Aubervilliers, la mise à disposition d'une quantité adaptée d'eau potable dans des récipients appropriés aux exigences de sécurité, et la visibilité d'une horloge » ; là encore sous astreinte. Enfin, l’administration a également été condamnée à verser 1 500 euros à l’Ordre des avocats pour couvrir leurs frais de justice.

A l'origine, un rapport de la bâtonnière 

La juridiction avait été saisie le 17 juillet 2024 par l’ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis, à la suite de la visite sur place de la bâtonnière Stéphanie Chabauty, le 4 octobre 2023, dont le rapport comportait des « descriptions circonstanciées » assorties de photographies.

Lors de cette visite, la bâtonnière avait notamment constaté la présence de trois mineurs dans une cellule prévue pour une seule personne - une pièce de moins de 1,40 mètre de largeur, où il était impossible de s’allonger.

Elle avait également relevé « l’absence partielle de matelas », « l'absence de moyens de communication permettant d’interpeller le personnel en cas de besoin urgent », ou encore « l’absence d’horloge visible permettant aux personnes de se repérer dans le temps ». Stéphanie Chabauty y relevait également que « les cellules de garde à vue ne sont équipées d’aucun point d’eau » et que « la chasse d’eau des toilettes ne peut être actionnée que de l’extérieur par le personnel de police ».

« Il appartient à l'administration de prendre les mesures propres à protéger leur dignité »

Le tribunal administratif considère qu’eu égard à la « situation d'entière dépendance » des personnes gardées vis-à-vis de l'administration, « à laquelle il appartient de prendre les mesures propres à protéger leur dignité et leur santé ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant (…) », la condition d'urgence de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative – qui prévoit que sur requête, le juge des référés peut ordonner toute mesure utile – est remplie.

Il justifie par ailleurs sa décision en indiquant qu’il ressort du rapport de la bâtonnière  que les cellules de garde à vue présentent « un caractère insalubre », et que l'administration n'a pas remédié à « certaines carences relevées (…) qui caractérisent des conditions de détention attentatoires à la dignité et à l'intégrité physique des personnes en garde à vue, et justifient d'ordonner des mesures utiles relevant de l'office du juge des référés en vue de rétablir des conditions de garde à vue conformes aux exigences d'un état de droit ».

Toutefois, la juridiction estime que d’autres mesures sollicitées par les avocats, notamment la fourniture de kits d'hygiène et la mise à disposition de gel hydroalcoolique « apparaissent non justifiées ». Elle considère en outre que le nettoyage des cellules, également pointé du doigt par le rapport de la bâtonnière, a fait l'objet d'un nouveau marché de prestations et qu’ « aucun élément actualisé ne permet d'en démontrer l'insuffisance ».

A Bondy, les travaux peinent à démarrer

Des travaux devraient donc normalement être engagés prochainement. « Normalement », car l’Etat pourrait bien être à la traîne. A Bondy, malgré l’injonction de rénovation faite au ministère de l’Intérieur, les travaux ordonnés peinent toujours à démarrer. En juin dernier, le chantier de modernisation des locaux de garde à vue était même à l’arrêt, faute de crédits suffisants, comme le rapportait Le Parisien.

Face à cette inertie, le barreau de Seine-Saint-Denis avait déposé une nouvelle requête devant le tribunal administratif pour réclamer le versement des astreintes accumulées, lesquelles s'élevaient à 57 000 euros au début de l'été, rappelle quant à lui le Bondy Blog.

Reste que le ministère de Bruno Retailleau a encore la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État avant le 18 octobre.

Romain Tardino

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