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Webinar EDHEC, 20 avril 2020
Pour le professeur, la situation exceptionnelle a obligé toutes les institutions (INSEE, Banque de France, FMI...), habituellement fournisseuses de statistiques, à revoir leur méthode d’analyse sans délai. Les chiffres avancés trimestriellement ou annuellement avec des techniques de comptabilité nationale ne sont pas pertinents pour le contexte présent. De nouveaux processus de data science ont vu le jour, permettant la diffusion d’informations hebdomadaires, voire quotidiennes. Cette cadence soutenue autorise des réflexions courts-termistes.
Le confinement, en France, fait perdre un tiers de l’activité, soit 70 milliards d’euros par mois (3 % du PIB). Quelles prévisions en déduire sur le PIB pour 2020 ? De mal en pis, les pronostics internationaux esquissés évoluent au fil du temps. Le 1er avril, l’INSEE tablait sur deux mois de confinement et une perte de 6 % de PIB. Le 9 avril, le FMI augurait -7,2 % pour la France. Le 14 avril, le gouvernement français annonçait -8 %.
Quantitativement, rappelons-nous de la récession consécutive à la crise des subprimes. En 2009, en plein milieu de cette catastrophe, le PIB français avait perdu 3 %. Dans les années 1930, le début de la dépression a entraîné pour notre pays 15 % de chute en plus de trois ans (1929-1933). La vitesse de la descente actuelle est donc très supérieure à tout ce que notre histoire a déjà traversé.
Dégâts constatés et potentiels
Tristan-Pierre Maury égrène quelques chiffres : notre activité économique moyenne a baissé d’un tiers (-36 %) tous secteurs confondus. C’est particulièrement vrai pour la construction (-88 %), mais moins pour l’industrie (-43 %), l’administration publique et les services (-32 %) et l’agriculture (-10 %). Dans le détail, certaines usines sont particulièrement touchées (raffinerie, biens d’équipement, matériel de transport) ; de même, certains services peinent plus que les autres (hébergement, restauration, commerce). Parmi les activités qui résistent le mieux, on note l’agriculture, l’industrie agroalimentaire et la finance. Pour l’instant, cette dernière n’est pas stoppée, la banque de détail opère, les crédits sont consentis. Pourtant à la Bourse, le CAC40 fournit les indications suivantes : sa baisse a débuté autour du 20 février, pour atteindre 25 % au 20 avril. L’agroalimentaire, la santé et les services sont les niches les mieux préservées conformément à l’activité observée. Toutefois, les valeurs banques/assurances sont parmi les plus touchées (-48 %). Cet écart entre activité courante et cote témoigne de l’inquiétude des actionnaires. Ceux-ci anticipent la multiplication des crédits qui s’accompagne invariablement de celle des créances douteuses, exigeantes en matière de provisions. Il semble paradoxal que la position des actionnaires ait entraîné une perte de moitié de la capitalisation boursière des banques alors qu’elles fonctionnent. Sous cette tension, la capacité de celles-ci à distribuer du crédit s’amoindrit.
Des spirales négatives risquent d’apparaître dans les mois prochains, à commencer par l’effet domino dans la chaine de production. Le professeur cite en exemple l’agriculture.
La situation actuelle est plus supportable que dans les autres secteurs économiques. Elle n’a pas souffert de pénurie de matériel de transport ou de biens d’équipement mais, en cas de reconduction du confinement, cela pourrait devenir plus compliqué. D’une manière plus générale, toute industrie qui s’effondre ébranle ses ramifications. Par ailleurs, les marchés atones déclenchent des lacunes de trésorerie pour les PME astreintes à des charges fixes, sporadiquement différées. D’autant que la question se pose de savoir si les ménages ne sont pas en train d’anticiper un potentiel retour à la rigueur budgétaire assortie d’une hausse de la fiscalité à moyen terme. Dans cette hypothèse, ils mettraient en place des comportements d’épargne de précaution, consommeraient moins et donc la demande ne repartirait que faiblement. Dernier point noir, la hausse des créances douteuses causerait la fragilisation des banques.
Les économistes considèrent la consommation sous l’emprise de trois facteurs importants :
• le chômage. Les mesures gouvernementales ont abouti au chômage partiel de 10,8 millions d’actifs. Ce palliatif agit comme un filet de sécurité, il a permis d’éviter une explosion du chômage tout court. Dans le premier temps de la crise d’activité, les sorties usuelles (environ 170 000 personnes par mois) des listes de Pôle Emploi n’opèrent plus du fait du gel des embauches ;
• le patrimoine immobilier. Il constitue un indicateur fort de la consommation en France. Le marché à la hausse rassure le propriétaire sur la valeur de son bien qui, dès lors, dépense. Aujourd’hui, le marché immobilier est figé, indéterminé, obérant la sérénité qui libère la consommation ;
• la dette publique. Le ministre des Finances a annoncé sa hausse. L’opinion y pressent apparemment l’augmentation cachée de la fiscalité future puisque les foyers commencent à épargner en amont (doublement des dépôts sur le livret A en mars 2020 par rapport à mars 2019).
Concernant nos presque trois millions de petites et micro-entreprises, beaucoup dépendent du système bancaire, alors que nos grands groupes se financent principalement sur les marchés boursiers. En mars 2020, le plongeon des trésoreries est d’une violence sans précédent pour les sociétés commerciales, quand bien même le gouvernement a déjà engagé un plan d’aide.
Plans d’aide d’urgence
Le report d’échéance fiscale et sociale ne suffira sans doute pas. Quelle différence pour un commerce sans recette pendant des semaines de régler en juin les charges qu’il ne peut pas payer en mars ? L’État garantit à hauteur de 70 %, pour une enveloppe globale de 300 milliards, des prêts qui passeront par la voie des banques, secteur, rappelons-le, dévalué de moitié, donc malingre et peu enclin à accroître son taux de créances douteuses.
Heureusement pour la France, 300 milliards de garantie additionnés aux 110 du plan n’entament pas la soutenabilité de la dette nationale. Les marchés ne reculent pas face aux obligations françaises du trésor émises pour financer notre politique. À la mi-avril, elles conservent un bon taux. En effet, les investisseurs recherchent des valeurs refuges et estiment que la dette de notre pays en fait partie.
Le plan européen s’élève à plus de 500 milliards dont 200 de prêts, pilotés par la banque européenne d’investissement, à destination des PME
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