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Bien que crucial à la procédure pénale, le certificat d’incapacité totale de travail soulève des interrogations sur sa capacité à rendre compte du trauma subi par les victimes de
violences psychologiques ou sexuelles. A Poitiers, territoire en pointe sur les
VIF, légistes et magistrats ont dressé l’inventaire des dysfonctionnements de
cet outil et ouvert la porte à des expérimentations ambitieuses.
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En avril dernier, à Savigny-le-Temple, une femme de 33 ans victime de violences conjugales et de menaces de mort de la part de son mari se voyait prescrire 530 jours d’incapacité totale de travail (ITT) par le médecin de l’unité médico-légale. Une première en la matière, qui témoigne des 13 années de sévices subies par la victime. Pour autant, au bout de ce délai, la victime aura-t-elle vraiment guéri de cette épreuve ?
Cette situation révèle l’ambiguïté relative à la quantification légale de la souffrance dans le cadre des violences intra-familiales (VIF) : peut-on réellement poser une durée sur le trauma psychologique d’une victime ? Et comment adapter la prescription d’ITT à des enfants témoins ou victimes de violences au sein de leur cercle familial, qui subissent souvent les conséquences de cette maltraitance bien des années plus tard ?
Débattues à l’occasion d’un séminaire à la cour d’appel de Poitiers, ces questions ont rassemblé médecins-légistes et magistrats spécialistes des VIF dont les retours d’expérience, unanimes, révèlent les failles d’une qualification surtout adaptée aux violences physiques.
Le cas de Mme E., 47 ans, illustre bien l’inadéquation entre le concept d’ITT et la réalité des blessures psychiques liées aux VIF. Reçue en consultation médicolégale, elle expose les violences psychologiques répétées de la part de son ancien compagnon : depuis deux ans, l’homme lui impose du chantage au suicide, l’appelle et lui écrit régulièrement, cache des lettres sous son paillasson et tente de rentrer en contact physique avec elle.
Malgré les dégâts psychiques constatés chez la victime (anxiété réactionnelle, sentiment d’insécurité avec état d’hypervigilance et conduites de vérification, troubles du sommeil…), le certificat fait état de 0 jour d’ITT, attestant d’une « absence de gêne dans la réalisation des actes de la vie », relate Julia Dutripon, responsable de l’unité d’accueil des victimes de violences du centre hospitalier de Niort. La définition de l’ITT est ici appliquée à la lettre, et par conséquent ne reflète pas la souffrance pourtant manifeste de la victime.
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