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Après la retenue à la source, le gouvernement s’attaque à un autre chantier majeur, celui de la facturation électronique obligatoire. Le sujet, assez discret, ne mobilise pas uniquement la France, mais aussi beaucoup d’autres pays. Le même type de projet est en effet en cours en Espagne, et il est déjà en place en Italie depuis deux ans. Ce mouvement remonte du Sud de l’Europe vers le Nord en fonction du taux de recouvrement de la TVA par les États.
A l’échelle nationale, la mise en application du dispositif de facturation électronique vise quatre grands objectifs. Le premier est la lutte contre la fraude à la TVA, estimée en France entre 10 et 20 milliards d’euros par an. Pour cela, le gouvernement veut s’assurer qu’il collecte toute la TVA, que la TVA déductible correspond à la TVA collectée, et détecter les comportements frauduleux, les escroqueries type carrousel. Le deuxième objectif est le renforcement de la compétitivité des entreprises, d’abord par la baisse des coûts de traitement (potentiellement de plusieurs euros par facture), qui dépend bien sûr de l’organisation en place dans chaque société ainsi que de sa taille. Il convient d’y adjoindre la diminution des retards de paiement affectant les trésoreries. Ces derniers entraînent un manque de liquidités qui se chiffre à environ 19 milliards d’euros pour les PME et 7 milliards pour les ETI. Le troisième objectif est l’amélioration du service à l’usager assujetti à la TVA par le pré-remplissage à moyen ou long terme des déclarations de TVA. Le quatrième et dernier objectif, statistique, tient à la connaissance au fil de l’eau, par l’administration française, de l’activité de nos entreprises.
Aujourd’hui, les principaux modes d’échanges commerciaux adressent des factures aux formats pdf simple, fichier structuré et mixte (pdf simple + fichier structuré). C’est le cas, par exemple, du standard franco-allemand nommé facture X. À la suite à la loi de finances 2020, nous allons basculer, après l’obligation de facture électronique faite au secteur public, vers une obligation de facture électronique faite au secteur privé. La mutation doit se passer entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2025. Elle commence par le devoir de recevoir des factures électroniques avant celle de les émettre. Les factures électroniques doivent contenir des informations sous forme structurée compréhensible à la fois par les utilisateurs, mais aussi par l’administration fiscale. Parallèlement, un système va voir le jour pour que les factures soient contrôlées par des plateformes et qu’en soient extraites les données intéressant l’administration fiscale. Les mentions obligatoires d’une facture devront être transmises en temps réel ou en temps quasi réel avant l’envoi du document conforme approuvé vers le client. Il s’agit là de l’obligation de recevoir en 2023 ; suit celle d’émettre. Toute entreprise assujettie est concernée. Chacune devra émettre des factures électroniques comportant les données demandées. Autrement dit, la facture pdf de base et la facture papier sont amenées à disparaître à l’horizon 2025.
Calendrier
Les sociétés vont émettre ces factures électroniques à travers un système de plateforme : l’une nationale, cousine de la plateforme Chorus Pro consacrée aux marché publics, et d’autres, partenaires certifiées qui auront la capacité à s’échanger les factures électroniques et à effectuer les contrôles attendus par l’administration. Il faudra passer soit par le site public, soit par un site privé pour émettre et recevoir des factures. C’est un changement conséquent auquel s’ajoute une astreinte d’e-reporting. La réforme est prise dans le cadre des textes sur la TVA. Tous les pays qui mettent en place un projet de cet acabit ont pour objectif que les comptabilités ne récupèrent la TVA que lorsque la facture est effectivement payée et quand le destinataire du règlement a bien versé la taxe. Au-delà des factures, un des enjeux de l’administration fiscale est la lutte contre la fraude, notamment sur la collecte de TVA. Or, cette collecte ne se borne pas aux factures B2B, mais touche aussi le B2C ou les ventes internationales et intracommunautaires. Le détail de tous ces négoces-là devra être fourni rapidement aux instances administratives. La cadence attendue réclame un rythme hebdomadaire pour la majorité des entreprises. Pour celles sous le régime simplifié (déclaration annuelle de TVA), ce sera tous les mois. Cela signifie une accélération de toutes les périodicités de déclaration et une précision sur la TVA à l’échelle de la facture. Auparavant, le système considérait des masses pour le calcul de la TVA. à l’avenir, il réalisera un suivi précis pour chaque transaction. En résumé, globalement, le planning 2023/2025 destiné aux entités françaises se décline ainsi dans l’ordre chronologique : première exigence, comme dit plus haut, recevoir, puis émettre et enfin e-reporter.
Pour une TPE de moins de 10 salariés, sans ERP, dans 80 % des cas, la facturation s’établit avec un logiciel de bureautique. Dans ce cadre-là, l’expert-comptable sera amené à former les employés de la TPE, à les accompagner. Comme pour la télé-procédure, il va souvent faire pour eux, parce qu’ils ne connaissent pas toujours les bons formats pour leurs propres clients et pour l’administration fiscale. Il existe dans cette transition un enjeu de modernisation de la gestion à faire assimiler. Les TPE brassent souvent de tout petits volumes, en moyenne 100 factures clients par an. 100 en émission, 200 en réception, les quantités ne justifient donc pas que les dirigeants s’équipent de logiciels spécialisés. Pour leurs experts-comptables, se dresse ainsi à l’horizon une intense période de pédagogie. Une TPE n’est pas obligée de passer par un expert-comptable, bien entendu. Elle pourra utiliser la plateforme publique en ligne et ressaisir les informations ou transmettre les factures directement si elle dispose des outils nécessaires. Pour éviter la ressaisie, il lui faudra néanmoins se munir d’un logiciel adéquat ou passer par une plateforme partenaire payante. Cette dernière transmettra les factures aux clients et les informations obligatoires à l’administration.
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