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Ex-experte de l’Egypte pour le ministère des Affaires étrangères, Sophie Pommier est jugée le 13 février 2025 par la 30e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour apologie du terrorisme. Défenseuse du Hamas, elle avait comparé l’organisation terroriste à la Résistance française sur les réseaux sociaux à l’aube des attentats du 7 octobre 2023.
Quelques heures seulement après les attaques du 7 octobre 2023 en Israël, Sophie Pommier, française, s’insurge et soutient publiquement le Hamas à l’origine des attentats. L’ancienne consultante pour le Quai d’Orsay publiait sur Instagram la photographie d’un drapeau palestinien flottant au vent accompagné d’une description sans équivoque : « Trop c'est trop ! Des décennies d'occupation et d'humiliations, d'injustice, de provocation des colons… Le monde occidental bien installé dans son petit confort s'émeut de voir les Palestiniens prendre les armes. Mais quelle autre solution leur a-t-on laissée ? La Résistance, chez nous, c'était magnifique mais quand il s'agit des Palestiniens, c'est du terrorisme ? » Selon ses mots, le Hamas, responsable de la mort de plus de 1 200 personnes, serait l’équivalent de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale.
Soutien répété
Un mois plus tard, le 7 novembre 2023, elle agite de nouveau les réseaux sociaux. Dans une vidéo partagée sur Twitter par l’ex-député des Français à l’étranger (8e circonscription), Meyer Habib, on la voit arracher les portraits d’otages israéliens retenus par le Hamas depuis le 7 octobre dans le 2e arrondissement de Paris.
Aux passants qui lui crient « Honte à vous ! », la chercheuse spécialiste de l’Egypte répond avec
véhémence : « Combien de personnes sont
mortes à Gaza ? Israël est un État assassin ! » La vidéo, visionnée par
près de 12,2 millions de personnes à ce jour, fait le buzz. L’emballement
médiatique et politique s’enclenche autour de ce qui devient « l’affaire Sophie Pommier ».
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Mais qui est cette femme aux
positions propalestiniennes ? Difficile
de cerner cette arabisante qui a dorénavant clôturé bon nombre de ses comptes
sur les réseaux sociaux. Sophie
Pommier a été diplômée en histoire et science politique, avant d’enseigner
comme vacataire à Sciences-Po Paris jusqu’en 2014. L’école a, depuis, condamné «
fermement les propos et actes tenus dans cette vidéo qui ne reflètent en rien
les valeurs de Sciences-Po ».
Spécialiste
de l’Egypte
Dès 1995, elle a
publié un livre sur l’islam pour les enfants : Le Voyage
nocturne de Mahomet, chez
Gallimard Jeunesse. En 2008, c’est aux éditions La
Découverte que sort son ouvrage critique Egypte, l’envers du décor, et en 2023 elle
traduit depuis l’arabe (égyptien) Sur le
méridien de Greenwich de Shady Lewis. Sophie Pommier était également
consultante, puis directrice du cabinet de conseil sur le monde arabe Méroé
pendant plusieurs années. Toute trace de ce cabinet a désormais disparu.
Elle a aussi été
membre du conseil de rédaction et du comité éditorial de la revue Orient XXI, média en ligne sur le monde arabe. Elle y a
couvert l’actualité du Proche et Moyen-Orient en rédigeant 24 papiers en
français, anglais et arabe, d’octobre 2021 à octobre 2023. Sur les mêmes
sujets, elle a écrit cinq articles pour
Le Monde Diplomatique.
C’est donc bien au
titre d’experte sur les questions égyptiennes qu’elle a été invitée près de 17
fois sur Radio France (France Culture et
France Inter) entre 2007 et 2023. Chacune des émissions portait sur les crises
politiques qu’a connues l’Egypte depuis la chute de l’ancien président Hosni
Moubarak en 2011. Dans la description de tous les épisodes auxquels Sophie Pommier
a participé, il est à présent indiqué : « Mme
Pommier est intervenue ponctuellement dans certaines émissions en lien avec ses
activités de chercheuse. Ultérieurement, en novembre 2023, nous avons pris
connaissance de propos et d’actes que nous condamnons avec la plus grande
fermeté. Nous tenions à en informer nos auditeurs ».
Ex-consultante
pour le Quai d’Orsay
En tant que spécialiste de l’Egypte,
elle a surtout exercé en tant que chargée de mission au Secrétariat général de
la défense nationale (SGDN) et au ministère des Affaires étrangères (Direction
Afrique du Nord-Moyen-Orient, Centre d’analyse et de prévision). Sophie Pommier a notamment été en poste en Irak
et en Égypte, selon sa biographie publiée sur la revue Orient XXI. En tant qu’ancienne
diplomate, elle a notamment participé à une rencontre filmée par Orient XXI
intitulée : « Pourquoi les diplomates sont-ils en colère
? », témoignant d’une
frustration de son ancienne profession.
Par voie de communiqué, quelques
heures après le déclenchement de la polémique, le Quai d’Orsay a condamné « une attitude, un comportement et des
propos totalement indignes qui disqualifient entièrement cette personne pour
entretenir la moindre relation de travail avec le ministère de l’Europe et des
Affaires étrangères. [...] Bien que cette personne n’ait plus de relations
contractuelles avec ce ministère depuis l’été dernier, une enquête
administrative sera diligentée à partir de ce jour à la demande de la ministre
Catherine Colonna sur les conditions de son recrutement ».
Deux
plaintes déposées
Par-delà l’enquête administrative
menée par le ministère des Affaires étrangères, deux plaintes ont été déposées.
L’une d’entre elles a été constituée par l’association Jeunesse française
juive. Selon Me Anthony Reisberg, avocat de l’association, les propos tenus par
Sophie Pommier sont « non seulement ineptes mais odieux et d'une
extrême perversité ». Le parquet de Paris a confirmé que les
mots prononcés par la militante étaient répréhensibles au titre de l’article
421-2-5 du Code pénal, réprimant « le fait de provoquer directement à des
actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » et a déclenché des poursuites.
En avril 2024, le
leader de la CGT du Nord, Jean-Paul Delescaut, avait été reconnu coupable
d’apologie du terrorisme et condamné à un an de prison avec sursis et une
amende de 5 000 euros après un tract de la CGT du Nord dénonçant : « les horreurs de l'occupation illégale reçoivent depuis samedi les
réponses qu'elles ont provoquées ». Le tribunal de Lille avait estimé que «
les propos visés, dans une temporalité
sans équivoque, trois jours après les attaques du 7 octobre, constituent bel et
bien le délit d'apologie du terrorisme selon plusieurs critères objectifs et
juridiques : la dédiabolisation d'un groupe terroriste, la justification de
l'acte de terrorisme inéluctable, l'incitation à porter un jugement de valeur
tendant à amoindrir la réprobation morale et l'inversion des victimes et des
auteurs des atrocités du 7 octobre 2023. ».
La peine étant aggravée dès lors que les faits sont commis sur Internet, la prévenue risque cette fois-ci sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. Le procès se tient ce 13 février 2025, devant la 30e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris.
Marie-Agnès Laffougère
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