Archives

A Sainte-Geneviève-des-Bois, bientôt une résidence sécurisée pour les femmes victimes de violences


jeudi 24 juillet7 min
Écouter l'article
24/07/2025 11:37:18 1 5 6639 23 0 3323 5872 6070 Logement des étudiants : l’Ile-de-France en « décrochage par rapport au reste du territoire », alerte la Cour des comptes

Dans un rapport publié le 3 juillet, la Cour des comptes pointe l'absence de prise en compte des disparités territoriales en matière de logement étudiant et s’intéresse aux difficultés que cumule l’Île-de-France. Avec une offre de formation très concentrée et des loyers parmi les plus élevés du pays, la région souffre également d’un manque de coordination entre les acteurs locaux.

Alors que la rentrée approche à grands pas et que de nombreux étudiants sont déjà en quête d’un logement, la Cour des comptes dresse un bilan contrasté de l’action publique en la matière, dans un rapport intitulé « Le soutien public au logement des étudiants », publié le 3 juillet dernier. Le premier constat est positif : le soutien public a « absorbé l’augmentation de la population étudiante » qui a grimpé de 25 % depuis 2012 pour atteindre 2,97 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur en 2023, et ce malgré une absence « d’objectif ciblé ».

La Cour pointe en revanche l’absence d’une « politique globale définie qui préviendrait les risques d’incohérence entre les actions soutenues » et d’une « coordination des acteurs à l’échelle nationale ».  Elle souligne notamment que si l’action publique prend en compte les inégalités sociales à travers les bourses, les APL ou encore le parc de logements à vocation sociale, elle reste largement aveugle aux disparités territoriales.

Aucun dispositif ne cible spécifiquement les zones où l’accès au logement est particulièrement difficile, à commencer par l’Île-de-France, qui « accueille le plus d’étudiants et présente les loyers les plus élevés ». La région, dans laquelle les acteurs locaux peinent à se coordonner, « cumule les difficultés ». « Les pouvoirs publics, y compris nationaux, doivent concentrer leur attention sur cette région, qui présente de réels signes de décrochage par rapport au reste du territoire », alerte la juridiction.

L’Ile-de-France concentre les besoins les plus élevés

Ces trente dernières années, le développement de la population étudiante et de ses besoins ont été exponentiels. Le pic de natalité au début des années 2000, l’arrivée d’étudiants en mobilité internationale dans le courant des années 2010, ainsi que l’élargissement de l’accès à l’enseignement supérieur depuis 2018, notamment grâce à l’essor de l’apprentissage, ont contribué à accroître fortement les effectifs étudiants. Aujourd’hui, alors que deux tiers des étudiants n’habitent plus chez leurs parents et que le logement est leur principal poste de dépense, il est de plus en plus difficile pour eux de se loger, en particulier dans les métropoles « en tension » qui connaissent une demande de plus en plus forte.  

« A Lyon, par exemple, depuis 15 jours, 3 semaines, je reçois 10 appels par jour de gens qui cherchent un logement et qui ne trouvent pas. A Lyon c'est compliqué, à Marseille c'est compliqué, à Bordeaux c'est compliqué », déroule Lionel Lérissel, président de l’office national du logement étudiant Fac Habitat et président du réseau. Si l’ensemble du territoire est confronté à des difficultés, c’est en Île-de-France qu’elles se concentrent le plus fortement. Avec près de 700 000 étudiants, dont une part importante d'internationaux, l’Île-de-France cumule des loyers élevés, une offre de logements insuffisante et un faible taux de rotation dans le parc locatif.

En raison de la pénurie de logements, de nombreux jeunes conservent le leur au-delà de la fin de leurs études, ce qui limite d’autant plus la disponibilité pour les nouveaux arrivants de se loger. « Alors que les enjeux à relever y sont complexes et les conditions de logement plus difficiles qu’ailleurs, aucune gouvernance n’a été mise en place pour travailler collectivement sur le sujet », déplore la Cour des comptes dans son rapport.

Pour Lionel Lérissel, la solution serait d’avoir une gouvernance unique au niveau de l’Île-de-France pour avoir une vision globale, et non plus une mosaïque de situations. « Ce qu’il faut, c’est un pilotage global de l'Île-de-France qui mette ensemble le développement du logement conventionné et le développement du logement libre », explique-t-il. Lionel Lérissel regrette qu’on ne regarde pas suffisamment « l'éventail des possibles », par exemple en libérant du foncier sur les campus ou les lycées qui en ont.

Pour autant, il tient à nuancer la situation globale : « Aujourd’hui nous ne sommes plus dans la situation du logement étudiant d’il y a 20 ans : on a créé du logement, l’État a quand même investi, notamment avec l'APL. Il est fautif et réprimandable sur le fait qu'il n'ait pas suffisamment piloté les choses, pas organisé, pas créé de plans, pas mis en place de moyens. Mais il ne faut pas oublier que l'argent qu'on dépense dans le logement étudiant sert quand même à loger des gens. »

Réduire les inégalités territoriales

Dans son rapport, la Cour souligne que « le soutien national au logement des étudiants ne répond pas à l’enjeu de réduction des inégalités territoriales ». Pour François Rio, délégué général de l’Association des villes universitaires de France (AVUF), cette absence de territorialisation pose problème. Quand François Hollande promet 40 000 logements sociaux pour les étudiants, ou Emmanuel Macron 80 000 logements pour les jeunes dont 60 000 pour les étudiants, « ce sont des chiffres prononcés au niveau national, sans dire à quel endroit, pour qui, de quelle manière, déplore François Rio. Ces volumes sont presque plus paralysants qu'autre chose parce qu'ils ne tiennent pas compte des énormes contrastes qui peuvent exister d’un territoire à l'autre ».

 À Toulouse, 75 % des étudiants viennent de l’extérieur de la Haute-Garonne. A l’inverse à Marseille, seuls 35 % proviennent de l’extérieur des Bouches-du-Rhône. « Forcément, la problématique du besoin n'est pas la même », explique François Rio, qui souligne l’importance de prendre également en compte les profils d’étudiants, le taux de boursiers, le type d’établissement et la disponibilité du parc privé, principal mode de logement des étudiants.

Depuis 2017, l’AVUF développe des observatoires territoriaux du logement étudiant (OTLE) avec la Fédération des agences urbaines. Ces structures, dispersées dans toute la France, collectent et analysent des données et effectuent un « travail politique » pour orienter l’action publique de façon ciblée. « Deux projets d’OTLE ont été portés en Île-de-France depuis 2018, sans succès : un projet régional, suspendu en 2021 faute d’acteur pour animer la gouvernance commune, et un projet d’observatoire départemental du Val-de Marne, mis en sommeil », souligne la Cour des comptes.

« La présence des collectivités dans la gouvernance est indispensable, explique François Rio. Car ce sont les maires qui accordent les permis de construire, et les intercommunalités qui définissent une grosse partie de la politique de l'habitat. »

Selon François Rio, il faudrait imposer dans chaque nouveau programme immobilier un pourcentage de mètres carrés réservé au logement des étudiants. En mettant l’accent en dehors de la capitale où il existe davantage d’opportunités foncières. « L'équation, ne peut être résolue que si une grande partie des étudiants qui sont dans les établissements parisiens, sont logés en dehors de Paris. Mais les maires sont plutôt rétifs », regrette François Rio.  

Des réponses « insuffisantes »

De son côté, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) déplore globalement un manque de coordination des différents acteurs et actrices sur le logement et des réponses « insuffisantes » et inadaptées. Selon la fédération, une partie de la solution se trouve dans la pérennisation du dispositif d’encadrement des loyers, pour l’instant expérimental. La FAGE voudrait même aller plus loin en créant un encadrement non exclusivement réservé aux villes « sous tension » mais dirigé vers une offre de location particulièrement prisée par les étudiants, en visant spécifiquement les studios et des T1bis.

En ce moment, la fédération commence à recevoir une vague d’e-mails, qui revient chaque année à la même période et qui devrait se poursuivre jusqu’à fin septembre : des étudiants en détresse, acceptés dans une formation mais incapables de trouver un logement adapté à leur budget, contraints de renoncer à leur projet ou craignant de devoir le faire. Dès la rentrée, la FAGE pourrait voir affluer des témoignages d’étudiants qui dorment dans leur voiture ou victimes d’arnaques de la part de bailleurs privés.  

Dans son rapport, la Cour des comptes soulignait le besoin d’étudier le rapport entre la réussite étudiante et le logement étudiant, reconnaissant que « le logement a un impact central sur les conditions de vie des étudiants » sans qu’une « corrélation avec la réussite des parcours académiques » n’ait pas pu être objectivée, faute d’étude en la matière.

La FAGE, elle, va encore plus loin : « L’accessibilité à l'enseignement supérieur dépend du logement étudiant », avance Flore Grèze. « Certains étudiants renoncent à leurs études ou à effectuer une mobilité dans leur parcours faute de moyens, et se limitent aux formations proches de chez eux. Mais l’accès à l’enseignement supérieur devrait être un moment d’émancipation. »

Marion Durand

 

Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.