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Introduits dans le Code de procédure civile, ces
nouveaux mécanismes, officiellement mis en place depuis ce 1er novembre,
visent à faciliter le règlement des conflits tout en donnant plus de pouvoir à
l’avocat dans le cadre de la césure, et en réintroduisant des notions telles
que le jugement et la clôture partiels dans le débat judiciaire.
Elles avaient été annoncées, les voici entrées en
vigueur ! Ce 1er novembre, la procédure d’audience de règlement
amiable (ARA) et la procédure dite de césure du procès civil ont officiellement
investi le paysage du droit et de la justice, à la suite du décret paru
au Journal officiel le 30 juillet dernier, venant modifier,
via la rédaction de sept nouveaux articles, le traitement des contentieux
devant le tribunal judiciaire en matière civile.
S’inscrivant dans le cadre du plan d’action pour
la justice énoncé en janvier 2023 par le ministre de la Justice lors des Etats
généraux, ces nouvelles procédures introduites dans le Code de procédure civile
visent à faciliter et moderniser le règlement des conflits « après la
saisine du tribunal judicaire » indique le décret.
Et bien que ces nouveaux mécanismes soient
« facultatifs », le Conseil national des barreaux (CNB) n’a
pas manqué d’animer un webinaire au lendemain de la publication de la
circulaire de mise en application de ces outils, le 18 octobre dernier.
Objectif : décrypter cette dernière pour en permettre une meilleure
appréhension par les professionnels concernés, à savoir les magistrats, les
directeurs des services de greffe judiciaires, les avocats, les médiateurs, les
conciliateurs de justice et les particuliers, est-il listé dans ledit décret.
En introduction, le président du CNB Jérôme
Gavaudan a tenu à rappeler l’importance pour la profession des règlements à
l’amiable, sans pour autant évincer le juge dans le rendu des décisions :
« les modes amiables ne doivent pas se substituer à l’office du juge.
(…) Il n’a jamais été question pour nous que le juge s’efface derrière des
modes alternatifs dans le règlement des différends. Et je crois que les
équilibres sont trouvés ! » s’est-il réjoui, malgré des
inquiétudes qui planent sur ces nouvelles procédures, et notamment chez les
avocats « partenaires essentiels de ces dispositifs » a estimé
le Directeur des affaires civiles et du Sceaux Rémi Decout-Paolini.
Pour débuter la présentation, le chef du bureau
du droit de la procédure au ministère de la Justice, Kevin Leclere Vue, a
expliqué qu’à la différence du second nouveau mécanisme qu’est la césure,
l’audience de règlement des différends et un « véritable mode amiable à
part entière », inspiré par ce qui se fait au Québec. Concernant son
périmètre d’application, cette mesure d’administration judiciaire s’applique à
la procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire et au référé.
Mais dans quels domaines précisément ?
Concrètement, l’ARA ne s’applique que pour les droits pour lesquels les parties
ont la libre disposition, autrement dit les droits extra patrimoniaux, a
indiqué le chef du bureau du droit de la procédure. De fait, ce mécanisme
« n’est pas utilisable en matière d’état et de capacité des personnes ».
En matière familiale par exemple, il n’est pas possible de faire usage de l’ARA
pour le prononcé du divorce, en revanche, on peut en faire usage pour les
conséquences du divorce, a-t-il illustré.
Concernant la prise de décision d’orientation de
l’affaire en audience de règlement amiable, le président de la formation de
jugement peut dans ce cadre la prononcer, à l’instar du président de l’audience
d’orientation et du juge de la mise en état. Toutefois, a précisé Kevin Leclere
Vue, « il est peu probable que l’ARA soit ordonnée massivement dans ce
contexte, car le juge de la mise en état, après une premier échange de
conclusion, a globalement l’ensemble des questions en litige, faisant de lui le
plus à même en amont de déterminer si une affaire doit aller en audience de
règlement amiable ou non ».
En outre, la décision de conduire une affaire en
ARA « n’est pas susceptible de recours en tant que telle », et
elle peut être prise dans un cadre d’injonction, autrement dit le juge peut
décider de la convocation des parties non pas avec leur accord mais juste après
avoir recueilli leurs avis. Les parties devront alors se rendre à l’audience et
« à charge pour elles de mettre un terme à [celle-ci] ». À
noter toutefois que « convoquer les parties interrompt l’instance
et le délai de péremption de l’instance », a précisé le chef du bureau
du droit de la procédure au ministère de la Justice, sorte de gage de sécurité
juridique.
Par ailleurs, a rassuré Kevin Leclere Vue, cette
décision ne dessaisi pas le juge saisi du litige qui, comme il l’a souligné, ne
préside pas l’audience pour des « raisons évidentes », à
savoir un préjugement de la part du juge saisi sur l’affaire.
Mais ce fonctionnement crée finalement « l’impartialité
du juge », a estimé le chef du bureau du droit de la procédure au
ministère de la Justice. Concrètement, les présidents des tribunaux judiciaires
prendront des ordonnances de roulement pour organiser le service
juridictionnel. Elles prévoiront à ce titre « qu’à telle date, tel
magistrat présidera des ARA de telle sorte que le greffier convoquera les
parties à la première date utile à laquelle sera attachée une audience de
règlement ». De plus, la désignation des magistrats à titre temporaire
et honoraire a été ajoutée dans la loi organique est vient faciliter
l’organisation envisagée, a précisé Kevin Leclere Vue.
À
lire aussi : INTERVIEW. « On devrait tous avoir à l’esprit que l’amiable est le
principe ; le judiciaire, l'exception »
Et si l’ARA assure une certaine sécurité
juridique notamment lors d’une interruption de l’instance comme susmentionné,
cela est également le cas sur le principe de confidentialité. En effet,
celui-ci est plus étendu que celui prévu à l’article 213 de la loi du 8 février
1995, a expliqué Kevin Leclere Vue, afin que les parties se sentent en sécurité
dans les échanges, « c’est-à-dire que dans tout ce qui se dit ou
s’écrit dans le cadre d’une ARA, rien ne pourra être discuté dans le cade de la
procédure contentieuse si l’ARA achoppe sur un point et qu’elle fait l’objet
d’un échec entrainant le renvoi devant le juge du litige ». Des
exceptions sont toutefois à soulever, telles que des hypothèses de violations
particulières de l’ordre public, par exemple.
Concernant le déroulé de l’audience, ce « mécanisme
empirique » dépendra du juge, notamment sur la durée selon le litige.
Il a toutefois été préconisé de ne pas dépasser une journée, a pointé le chef
du bureau du droit de la procédure.
Plus globalement, le juge qui préside l’audience
de règlement va exercer une sorte de « super conciliation »
selon Kevin Leclere Vue. Il est également prévu par l’ARA que le juge mêle les
techniques de conciliation et de médiation pour « adapter l’office
de conciliation du juge afin qu’elle soit plus poussée qu’une simple
conciliation comme on peut le voir devant les différentes juridictions de
l’ordre judiciaire » a indiqué Kevin Leclere Vue.
Par ailleurs, n’étant pas ici dans un processus
de contentieux mais bien dans un processus de l’amiable, le mécanisme de l’ARA
a été prévu pour que le juge puisse, sans obligation, aménager le
contradictoire, une pratique utilisée au Québec dont s’est inspiré le ministère
pour l’audience de règlement amiable. Cela permet ainsi au président de
celle-ci de recevoir les parties séparément (aparté), mais il peut également
étendre les avocats des parties séparément, comme cela se pratiquait pour la
conciliation de divorce.
Les partie pourront également comparaitre
personnellement si la procédure ne s’effectue pas avec une représentation
obligatoire de l’avocat, mais aussi proposer des solutions au litige, « mécanique
classique de conciliation ».
Pour ce qui est de l’issue de l’ARA, c’est le
président de l’audience qui va entendre les parties et les orienter vers des
solutions. À la fin, elles auront la possibilité, si elles le souhaitent, de
faire établir un procès-verbal par un greffier (qui n’est pas présent à
l’audience de règlement amiable mais présent au moment de l’établissement de
l’accord), qui pourra cette fois soumettre au juge saisi du litige, et pas au
juge de l’audience de règlement, une décision prise entre les parties, et
demander une homologation.
Les parties ont également la choix de demander la
position de la formule exécutoire qui peut s’appliquer ici. Mais cela est
possible uniquement si l’acte issu du mode amiable résulte d’une médiation,
d’une procédure participative ou de conciliation, a précisé le chef du bureau
du droit de la procédure au ministère de la Justice.
Dans le cas où les parties sont totalement ou
partiellement d’accord, le juge saisi du litige tranchera et renverra devant la
formation du jugement les points qui demeurent en litige, de la même manière si
elles ne sont pas d’accord.
La seconde procédure entrée en vigueur ce 1er novembre,
nommée césure du procès civil, a pour sa part été inspirée par le droit
allemand, a révélé Kevin Leclere Vue, où on la retrouve sous deux formes :
dans le jugement partiel sur les prétentions, et lorsque le jugement partiel
porte sur les moyens. Toutefois, la césure ne concerne pas ce dernier jugement,
jugé « inadapté à l’article 12 du Code de procédure civile et à
l’office du juge tel qu’il est défini dans notre droit ».
Mais cette procédure n’en reste pas moins « intéressante »
du point de vue du chef du bureau du droit de la procédure au ministère de la
Justice, car elle met fin à « la linéarité du procès-civil ».
Mais alors comment fonctionne-t-elle ? Il
faut savoir qu’il n’y a pas deux assignations dans une césure du procès, a
détaillé Kevin Leclere Vue. « On assigne et on considère que dans un
objectif de rationalisation du procès, on va soumettre au juge du fond que
certaines prétentions seulement, pas toutes » a-t-il complété, et ce
dans le but de tirer les conséquences ou éventuellement partir sur un mode de
règlement amiable.
Dans un litige de liquidation de régimes
matrimoniaux par exemple, la césure permet au juge de trancher sur la
qualification d’un bien juridique en bien propre, « et alors on tire
les conséquences en considérant que le juge ayan tranché, on ne va pas demander
de créance et le litige s’arrêtera sur ce point » a-t-il illustré.
La césure permet également, dans le cas d’un
exemple issu du droit de la responsabilité, la possibilité de soumettre au juge
la déclaration de responsabilité pour ensuite s’engager dans un processus de
règlement amiable sur le montant des indemnités, à la fois pour permettre de
rationnaliser le litige ou le traitement, et pour s’orienter vers un mode de
résolution amiable des différends.
Au niveau de la technique de ce mécanisme de
césure, l’avocat a pleinement été réinvesti au cœur du procès civil, c’est
d’ailleurs lui qui va en définir son périmètre, car « en aucun cas le
juge ne peut contraindre les parties à césurer les procès », a
vulgarisé Kevin Leclere Vue, elle devra bel et bien émaner des avocats. Plus
particulièrement sur le mécanisme utilisé, seul le juge de la mise en état
pourra orienter l’affaire en césure, « ce qui signifie qu’il devra être
saisi de conclusions qui lui sont spécialement adressées » (article
791 du Code de procédure civile).
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