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« Sans le dessin, je ne serais plus avocate »


vendredi 22 août5 min
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  • « Sans le dessin, je ne serais plus avocate »
  • 22/08/2025 10:12:54 1 8 6723 69 0 ©Tiphaine Mary, « Le dessin est beaucoup plus rentable que la profession d'avocat » 0 5950 6154 « Cette décision nous invite à ne pas nous résigner » : les avocats remportent une (petite) victoire contre les prisons de haute sécurité

    Une juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille a partiellement reconnu, lundi 18 août, l’indignité des conditions de détention d’un homme incarcéré au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Après plusieurs revers judiciaires, cette décision redonne un peu d’espoir aux avocats qui s’insurgent contre le régime dérogatoire au droit commun instauré dans les nouvelles prisons haute sécurité.

    « C’est une victoire face à l’inhumanité des conditions de détention dans les quartiers de lutte contre le crime organisé (QLCO) », se félicite l’Observatoire international des prisons (OIP). Une juge des libertés et de la détention (JLD) a reconnu, dans une ordonnance rendue le 18 août, qu'un détenu du quartier de haute sécurité dédié aux narcotrafiquants à la prison de Vendin-le-Vieil était soumis à des conditions de détention « indignes ».

    L'administration pénitentiaire a dix jours pour y mettre un terme. Le parquet de Lille a fait appel de cette ordonnance, ce qui suspend son exécution, confirme le ministère de la Justice.

    Dans une lettre datée du 4 août adressée au juge des libertés du tribunal judiciaire de Lille, le mis en examen dénonçait notamment une atteinte au maintien des liens familiaux, un accès restreint au catalogue de cantine, l’absence de poubelle en cellule et les fouilles intégrales.

    Il précisait également que le régime carcéral auquel il était soumis dans cette prison entrée en service en juillet dernier « le privait de toute activité et lui imposait un réveil toutes les deux heures durant la nuit ». En cause : l’allumage systématique, depuis l’extérieur, de la lumière de sa cellule par les surveillants effectuant des rondes.

    Lumière intempestive : une mesure qui « pourrait s’apparenter à un traitement inhumain ou dégradant »

    Contactée par le JSS, l’administration pénitentiaire indique que « le juge a rejeté toutes les requêtes formulées ». Parfois au motif de dénonciations « prématurées », « formulées moins d’un mois après l’affectation du détenu au sein de ce quartier ».

    Une exception : celle relative à l’allumage de la lumière. A cet endroit, la JLD a jugé que la situation du détenu « constituait une pratique susceptible d’altérer gravement la qualité de son sommeil, d’affecter sa santé mentale et in fine de porter atteinte à sa dignité ».

    La juge a par ailleurs souligné qu’une telle mesure « pourrait s’apparenter à un traitement inhumain ou dégradant » au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

    A travers cette décision, « le grand public, les magistrats, découvrent les conditions d’incarcération des détenus qui viennent tout juste d’arriver au centre pénitentiaire de Vendin », réagit Caroline Bromboszcz, du cabinet JD Avocats, qui a obtenu cette décision.

    Entre fin juillet et début août, 88 détenus avaient rejoint ce QLCO, le premier d’un projet annoncé en mars 2025 par le ministre de la Justice Gérald Darmanin.

    « Certaines conditions de détention pourraient être jugées indignes à l’avenir »

    Pour l’avocate, cette ordonnance sonne comme un avertissement : « Elle vient poser un cadre dans ces QLCO : pour les avocats, les justiciables et l’administration pénitentiaire. A mon sens, dans ses motivations, le juge des libertés indique que certaines conditions de détention dans ces prisons hypersécurisées pourraient être jugées indignes à l’avenir. »

    Cette décision rappelle une donnée « élémentaire », estime pour sa part Julien Delarue du même cabinet : « bien qu'un régime spécifique et dérogatoire ait été instauré par la loi, les détenus affectés au QLCO demeurent, pour le surplus, éligibles aux mêmes droits que les détenus de droit commun, notamment en matière d'hygiène, de salubrité, d'accès à la lumière, aux soins et aux activités », peut-on lire dans l’ordonnance.

    « Le juge judiciaire, qui demeure le garant des libertés des libertés individuelles, nous invite à ne pas nous résigner », insiste encore l’avocat, membre de l’Association des avocats pénalistes (ADAP). Un regain d’espoir après plusieurs revers devant la justice administrative.

    Des recours qui se multiplient

    En effet, le 31 juillet dernier, le juge des référés du Conseil d’État avait rejeté le référé-suspension déposé par l’ADAP s’attaquant à la sélection opaque des détenus dans ces quartiers mais aussi à leurs conditions de détention. Au milieu de l’été, plusieurs tribunaux administratifs avaient également rejeté des requêtes de détenus transférés à la prison du Pas-de-Calais.

    Une vingtaine de détenus ont déjà saisi la justice administrative pour contester leur transfert à Vendin, selon l'entourage du ministre de la Justice Gérald Darmanin. Lundi 25 août, deux détenus l’ont contesté devant le tribunal administratif de Lille.

    Saisi en référé là encore par deux détenus, le tribunal administratif de Versailles, qui a entendu les détenus par visio-audience à la demande de leurs avocats, a rejeté mardi 26 août ces recours. « En l’état de l’instruction, la formation de jugement, composée de trois juges des référés, a estimé qu’il n’existait pas de doute sérieux sur la légalité de ces décisions de transfert prises par le ministre de la justice », communique le tribunal.

    D'autres tribunaux administratifs ont déjà été saisis, notamment à Caen, Amiens, mais aussi Melun (Seine-et-Marne) et Paris, où des requêtes ont été rejetées : les juges du fond devront se prononcer dans les prochains mois.

    Face à ces rejets, des détenus ont volontairement inondé leurs cellules dans la nuit du mercredi 27 août, faisant déborder l'eau dans des couloirs. Plusieurs détenus du QLCO menacent par ailleurs d'entamer une grève de la faim collective à partir du 1er septembre.

     Delphine Schiltz


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