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Une juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille a partiellement reconnu, lundi 18 août, l’indignité des conditions de détention d’un homme incarcéré au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Après plusieurs revers judiciaires, cette décision redonne un peu d’espoir aux avocats qui s’insurgent contre le régime dérogatoire au droit commun instauré dans les nouvelles prisons haute sécurité.
« C’est une victoire face
à l’inhumanité des conditions de détention dans les quartiers de lutte contre
le crime organisé (QLCO) », se félicite l’Observatoire international
des prisons (OIP). Une juge des libertés et de la détention (JLD) a reconnu, dans
une ordonnance rendue le 18 août, qu'un détenu du quartier de haute sécurité
dédié aux narcotrafiquants à la prison de Vendin-le-Vieil était soumis à des conditions de détention « indignes
».
L'administration
pénitentiaire a dix jours pour y mettre un terme. Le parquet de Lille a fait
appel de cette ordonnance, ce qui suspend son exécution, confirme le ministère
de la Justice.
Dans une lettre datée du
4 août adressée au juge des libertés du tribunal judiciaire de Lille, le
mis en examen dénonçait notamment une atteinte au maintien des liens familiaux,
un accès restreint au catalogue de cantine, l’absence de poubelle en cellule et
les fouilles intégrales.
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les plus dangereux
Il précisait également que le
régime carcéral auquel il était soumis dans cette prison entrée en service en
juillet dernier « le privait de toute activité et lui imposait un
réveil toutes les deux heures durant la nuit ». En cause :
l’allumage systématique, depuis l’extérieur, de la lumière de sa cellule par
les surveillants effectuant des rondes.
Lumière intempestive : une
mesure qui « pourrait s’apparenter à un traitement inhumain ou dégradant
»
Contactée par le JSS,
l’administration pénitentiaire indique que « le juge a rejeté toutes
les requêtes formulées ». Parfois au motif de dénonciations « prématurées »,
« formulées moins d’un mois après l’affectation du détenu au sein de ce
quartier ».
Une exception : celle
relative à l’allumage de la lumière. A cet endroit, la JLD a jugé que la
situation du détenu « constituait une pratique susceptible d’altérer
gravement la qualité de son sommeil, d’affecter sa santé mentale et in fine
de porter atteinte à sa dignité ».
La juge a par ailleurs
souligné qu’une telle mesure « pourrait s’apparenter à un traitement
inhumain ou dégradant » au sens de l’article 3 de la Convention européenne
des droits de l’homme.
A travers cette décision, « le grand public, les magistrats, découvrent les conditions d’incarcération des détenus qui viennent tout juste d’arriver au centre pénitentiaire de Vendin », réagit Caroline Bromboszcz, du cabinet JD Avocats, qui a obtenu cette décision.
Entre fin juillet et début
août, 88 détenus avaient rejoint ce QLCO, le premier d’un projet annoncé en
mars 2025 par le ministre de la Justice Gérald Darmanin.
« Certaines conditions
de détention pourraient être jugées indignes à l’avenir »
Pour l’avocate, cette
ordonnance sonne comme un avertissement : « Elle vient poser un cadre
dans ces QLCO : pour les avocats, les justiciables et l’administration
pénitentiaire. A mon sens, dans ses motivations, le juge des libertés indique
que certaines conditions de détention dans ces prisons hypersécurisées
pourraient être jugées indignes à l’avenir. »
Cette décision rappelle une
donnée « élémentaire », estime pour sa part Julien
Delarue du même cabinet : « bien qu'un régime spécifique
et dérogatoire ait été instauré par la loi, les détenus affectés au QLCO
demeurent, pour le surplus, éligibles aux mêmes droits que les détenus de droit
commun, notamment en matière d'hygiène, de salubrité, d'accès à la lumière, aux
soins et aux activités », peut-on lire dans l’ordonnance.
« Le juge judiciaire, qui
demeure le garant des libertés des libertés individuelles, nous invite à ne pas
nous résigner », insiste encore l’avocat, membre de l’Association
des avocats pénalistes (ADAP). Un regain d’espoir après plusieurs revers devant
la justice administrative.
Des recours qui se multiplient
En effet, le 31 juillet dernier, le juge des référés du Conseil d’État avait rejeté le référé-suspension déposé par l’ADAP s’attaquant à la sélection opaque des détenus dans ces quartiers mais aussi à leurs conditions de détention. Au milieu de l’été, plusieurs tribunaux administratifs avaient également rejeté des requêtes de détenus transférés à la prison du Pas-de-Calais.
Une vingtaine de détenus ont déjà saisi la justice administrative pour
contester leur transfert à Vendin, selon l'entourage du ministre de la Justice
Gérald Darmanin. Lundi 25 août, deux détenus l’ont contesté devant le tribunal
administratif de Lille.
Saisi en référé là encore par
deux détenus, le tribunal administratif de Versailles, qui a entendu les
détenus par visio-audience à la demande de leurs avocats, a rejeté mardi 26 août
ces recours. « En l’état de l’instruction, la formation de
jugement, composée de trois juges des référés, a estimé qu’il n’existait pas de
doute sérieux sur la légalité de ces décisions de transfert prises par le
ministre de la justice », communique le tribunal.
D'autres tribunaux
administratifs ont déjà été saisis, notamment à Caen, Amiens, mais aussi Melun
(Seine-et-Marne) et Paris, où des requêtes ont été rejetées : les juges du fond
devront se prononcer dans les prochains mois.
Face à ces rejets, des détenus
ont volontairement inondé leurs cellules dans la nuit du mercredi 27 août,
faisant déborder l'eau dans des couloirs. Plusieurs détenus du QLCO menacent par
ailleurs d'entamer une grève de la faim collective à partir du 1er
septembre.
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