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La Chambre des notaires de Paris poursuit sa transformation


mardi 19 décembre 20237 min
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19/12/2023 14:39:12 1 5 4325 29 0 2624 3912 4060 Crise du logement : que peuvent les maires ?

2,4 millions de Français sont aujourd’hui en attente de logement en France. Les agréments de logements sociaux sont en baisse. Selon le dernier bilan du gouvernement, beaucoup de communes ne respecteraient pas les engagements de quotas de logements sociaux imposés par la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU). Alors que le rôle des maires est pointé du doigt, le gouvernement a lancé à la mi-octobre une concertation en vue d’une loi de décentralisation. Face à la crise du logement, quel est le rôle des maires ?

À l’occasion du colloque annuel de l’établissement public foncier (EPF) Ile-de-France, une table ronde sur ce thème s’est justement tenue le 8 décembre 2023 en présence d’élus et de représentants d’institutions en charge du logement.

Logement social : vers une décentralisation ?

Le 13 octobre dernier, la Première ministre a lancé une concertation avec les élus des intercommunalités au sujet du projet de loi portant sur le logement. Cette loi concerne essentiellement la décentralisation de la politique du logement. Au deuxième trimestre prochain, les parlementaires étudieront ce volet.

Le gouvernement justifie le projet de décentralisation comme une étape indispensable à l’accompagnement des intercommunalités dans leur volonté de faire correspondre l’offre de logements et la demande. En décentralisant cette mission, l’exécutif entend accorder davantage de pouvoir aux élus locaux qui connaissent bien les enjeux de leur territoire et sont les plus aptes à proposer des solutions adaptées. L’objectif de cette loi de décentralisation est avant tout d’assurer un équilibre en matière d’habitat et de besoins des habitants. Le gouvernement espère la faire voter avant la fin de l’année 2024.

Les grandes villes sont les premières impactées par le manque de logements

En quelques années, le nombre de demandes de logements sociaux a doublé en France. Leur pénurie est flagrante dans les grandes villes. Martial Foucault, directeur du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po), a partagé, lors de la table ronde de l’EPF, un sondage réalisé en novembre 2023 auprès d’un panel de citoyens.

Le verdict est sans appel, 59,6% des habitants de communes de plus de 9 000 habitants estiment que le parc immobilier de leur ville n’a pas la capacité nécessaire. Dans les territoires, les résultats s’inversent. Seulement 33,4% des habitants des communes rurales considèrent que leur ville n’offre pas suffisamment de logements.

Logements trop rares : quel est le rôle des maires ?

Le directeur du Cevipof dresse un constat : les maires privilégient l’efficacité à l’égalité des politiques publiques. Il précise que « 85% des élus locaux privilégient l’efficacité de singularité du territoire à l’égalité ». Selon Martial Foucault, la politique du logement est un « enjeu sur le plan local. L’égalité n’est plus synonyme d’efficacité ».

La Fondation Abbé Pierre a récemment ciblé des communes qui ne respectent pas les objectifs imposés par la loi SRU. En effet, cette loi portant solidarité et renouvellement urbain impose un quota minimum de 20 à 25% de logements sociaux d’ici 2025 pour les communes de plus de 3 500 habitants appartenant à une intercommunalité de plus de 50 000 habitants. Catherine Sabbah, déléguée générale de l’Idheal (Institut des Hautes Études pour l’Action dans le Logement), précise que les résultats du bilan réalisé sur trois ans sont très négatifs. Plus de la moitié des communes concernées par la loi SRU ne répondent pas à leurs objectifs.

Le constat n’est cependant pas le même dans tous les territoires. Alors que des régions comme la Normandie, la Bretagne ou les Hauts-de-France ont dépassé leurs objectifs, La Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Ile-de-France sont quant à elles bien en dessous. Les communes de Périgny (Val-de-Marne) et Coubron (Seine-Saint-Denis) sont celles qui présentent les résultats les plus faméliques. D’autres villes récalcitrantes d’Ile-de-France sont également pointées du doigt : Neuilly-sur-Seine, Rambouillet, Maisons-Laffitte ou encore Vincennes.

Le directeur du Cevipof présente un deuxième constat. Les maires bâtisseurs ont davantage de risques d’être battus aux élections municipales. Si ce résultat peut paraître affligeant, c’est pourtant ce qu’il ressort d’une étude de l’Idheal. Dans les communes de plus de 5 000 habitants, les maires bâtisseurs risquent davantage d’être battus aux élections que d’être réélus. En revanche, la tendance s’inverse dans les communes de moins de 5 000 habitants où les maires bâtisseurs ont plus de chances d’être réélus pour un nouveau mandat municipal.

Par ailleurs, Jean-Marc Offner, directeur de l’école urbaine de Sciences Po, évoque une difficulté de coopération entre les élus locaux. Il craint qu’une décentralisation de la politique du logement ne fasse qu’aggraver cette tendance.

Les élus réclament plus de pouvoirs en matière de logement social

Une tribune de 34 élus (maires et présidents d’intercommunalités) s’est récemment constituée. Elle réclame l’octroi de moyens supplémentaires aux collectivités pour améliorer les parcs de logements sociaux. Les signataires demandent la régulation des prix fonciers ainsi que ceux des constructions de logements. Ils sollicitent également une meilleure gestion des habitats vacants et la mise en place de politiques foncières.

La maire de Vincennes souligne le peu de pouvoir des élus lors de l’attribution des logements sociaux. Selon elle, l’État devrait laisser aux maires davantage de latitude dans les décisions d’affectation. L’élue regrette également la suppression de la taxe d’habitation qui constitue une importante perte de recettes pour les collectivités.

Malgré les difficultés, Vincennes construit des logements sociaux

Dans la région Ile-de-France, construire des logements abordables dans le contexte d’inflation relève de l’impossible. En plus du prix du foncier qui occupe une place dominante dans un projet de construction, s’ajoutent les outils de régulation des prix qui laissent une faible marge de manœuvre aux collectivités.

« Un maire n’a aujourd’hui aucun intérêt à construire des logements », énonce Charlotte Libert-Albanel, maire de Vincennes. Elle justifie ses propos en invoquant la grande complexité juridique associée à cette activité pour les collectivités. La réglementation en vigueur est très exigeante pour la construction de logements. Cela impose aux élus de connaître les règles du code de l’urbanisme, du code de l’environnement ou encore du code rural.

La maire de Vincennes qui compte 50 000 habitants précise que les recours de voisins qui s’opposent à un chantier à proximité de leurs biens sont de plus en plus fréquents. Ces recours rallongent les délais de livraison et alourdit la charge de travail des municipalités.

Charlotte Libert-Albanel ajoute qu’« un maire qui construit prend le risque de faire accepter par sa population le fait de densifier davantage la commune ». À ce sujet, la déléguée générale de l’Idheal intervient et précise que c’est le rôle des élus de devoir expliquer aux habitants que la construction de logements sociaux n’est pas négative. Elle ajoute que les logements sociaux ne sont pas attribués qu’à des personnes défavorisées, mais également à des agents qui œuvrent dans la protection de la population, tels que les pompiers, les fonctionnaires de police ou les personnels soignants.

« À Vincennes, nous sommes passés en quelques années de 7 à 12% de logements sociaux » atteste la maire de Vincennes. Malgré les difficultés auxquelles sont confrontés les élus dans la construction, l’élue assure qu’elle poursuit les projets dans sa commune. Elle apporte un regard particulier à l’esthétisme des bâtiments afin de favoriser leur meilleure acceptation par la population.

« Un logement social doit être un logement de passage et ne doit pas être un logement à vie »

Selon la maire de Vincennes, la construction de logements sociaux n’est pas la seule solution pour lutter contre la crise du logement : « en France, on aborde le logement social sous le prisme de la construction de logements sociaux supplémentaires, mais on n’aborde pas le sujet de la mobilité au sein des logements ». Un travail plus approfondi en matière de gestion permettrait une mobilité plus efficace au sein des logements sociaux. Elle ajoute qu’« un logement social doit être un logement de passage et ne doit pas être un logement à vie ».

De l’avis du député de Paris, David Amiel, chargé de mission sur les logements des agents publics, la rénovation énergétique est également un moyen d’accroître le nombre de logements sociaux. D’après lui, il faut aller plus loin dans la rénovation énergétique des bâtiments anciens. Mais il est plus complexe de procéder à des rénovations énergétiques dans des logements collectifs ou dans des bâtiments historiques. Le député précise « en matière de rénovation en milieu urbain dense, nous nous retrouverons dans la même impasse que la construction. Je porterai des amendements en ce sens dans le projet de loi sur le logement ».

La construction de logements sociaux est indispensable pour combler les besoins de logements. David Amiel conclut : « nous devons trouver un meilleur équilibre au niveau du logement social ».

Mélanie Pautrel

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