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INTERVIEW. Fraîchement nommé à la tête de la nouvelle instance regroupant les notaires d’Eure-et-Loir, des Yvelines, des Hauts-de-Seine et du Val-d’Oise, le notaire associé à Bourg-la-Reine expose auprès du JSS ses ambitions. Il compte notamment renforcer la présence et l’efficacité de la profession dans les territoires.
JSS : Quel a été votre
parcours professionnel avant la présidence de cette nouvelle chambre ?
Jean-Marie Montazeaud : J’ai
d’abord été clerc de notaire dans une étude parisienne, puis je me suis associé
assez rapidement, le 11 janvier 1995, dans une étude historique d’Île-de-France
à Bourg-la-Reine, titulaire des minutes depuis 1602.
Au sein de la chambre
départementale des notaires des Hauts-de-Seine, j’ai d’abord été membre, puis assez
rapidement vice-président. J’ai pu intégrer le 100e Congrès des
notaires de France, consacré au Code civil, en tant que rapporteur de la
première commission.
J’ai ensuite pris la
présidence de la chambre départementale en 2005, puis j’ai siégé au Conseil
supérieur du notariat, à la commission internationale. En 2016, on m’a rappelé
pour prendre la présidence du conseil régional des notaires de la cour d’appel
de Versailles.
En somme, c’est un parcours
classique de notaire professionnel avec un engagement dans les instances.
En parallèle, j’ai toujours
eu une activité citoyenne. C’est important pour moi de servir le notariat, mais
aussi mon pays. J’ai suivi un parcours militaire à l’Institut des hautes études
de défense nationale (IHEDN), créé par le général de Gaulle pour que la
réflexion militaire ne soit pas confiée uniquement qu’aux militaires. Des
membres de la société civile y sont donc formés à ces enjeux.
J’ai aussi suivi des
formations à l’Institut national des hautes études de sécurité (INHES), qui
dépend de la gendarmerie et de la police nationale, puis au Cycle des hautes
études pour le développement économique (CHEDE), et enfin, l’an dernier, à
l’Institut des hautes études des métropoles.
JSS : Pourquoi avoir suivi
toutes ces formations ?
J-M. M. : Je
considère que la mission du notaire est de servir, mais aussi de se former, et
de former sa réflexion. Pour pouvoir être à l’écoute des citoyens, il faut de
temps en temps voir ce qu’ils font dans différents domaines, ce qui suppose de
sortir de son étude.
J’ai ainsi été amené à
produire des rapports sur des sujets n’ayant rien à voir avec le notariat, mais
qui sont utiles à la société française et la nation. J’ai accompli toutes ces
missions de manière bénévole et en plus de ma mission de notaire. Je vous le
confirme : Être président d’une instance professionnelle implique des
journées longues et chargées.
JSS : Après vos nombreuses
fonctions à différents niveaux, prenez-vous cette nouvelle présidence comme un
nouveau défi ?
J-M. M. : C’est
un véritable challenge, car nous partons d’une page blanche. J’ai présidé le 26
mai la première assemblée générale des notaires de l’Ouest parisien, c’est une
première historique, à la suite de la création de la chambre par décret en date
du 27 mars 2025.
Les quatre entités qui
existaient auparavant (chambres départementales d’Eure-et-Loir et des
Hauts-de-Seine, chambre interdépartementale des Yvelines et du Val-d’Oise, et conseil
régional) avaient des vies, des manières de travailler et des territoires
différents. C’est ce qui fait le challenge et la richesse de cette nouvelle
entité.
À
lire aussi : Une nouvelle chambre
interdépartementale des notaires de l’Ouest parisien pour « mieux
harmoniser les pratiques professionnelles »
Bien que notaire dans les
Hauts-de-Seine, je ne m’y enferme pas. Je trouve intéressant de ramener autour
de nous des notaires de l’Eure-et-Loir, du Val-d’Oise, des Hauts-de-Seine ou
des Yvelines pour travailler sur des sujets juridiques, au service de citoyens
du territoire de la cour d’appel, qui ont forcément des problématiques
différentes selon leur lieu de vie.
Nous sommes une chambre importante,
représentant 1000 notaires et 2800 collaborateurs, avec un chiffre d’affaires non
négligeable. Le poids politique et économique de cette nouvelle instance est
donc notable.
« Je
souhaite favoriser le mélange des compétences pour que chaque territoire
bénéficie de l’expertise des autres. Je compte aussi favoriser les rencontres
entre élus et notaires de différents départements, pour créer une synergie
globale. »
Jean-Marie Montazeaud, président de la
chambre interdépartementale des notaires de l’Ouest parisien
JSS : Vous avez évoqué comme
priorité l’affirmation de l’identité de cette nouvelle compagnie, dans le
respect des territoires et des valeurs communes. Comment comptez-vous mettre
cela en œuvre ?
J-M. M. : Nous
avons commencé à mettre en place des commissions de travail et de compétences,
avec des notaires de chaque département. Chacun peut ainsi apporter son savoir.
Nous souhaitons que toutes les visions puissent s’exprimer, car chacun a un
rapport à l’immobilier, à la famille, à l’entreprise, différent. Les citoyens ne
sont pas forcément les mêmes à Chartres qu’à Bourg-la-Reine.
Je vais rentrer en contact
avec les autorités judiciaires, les préfets, les présidents des départements,
ainsi que la présidente de région. Cela doit nous permettre d’avoir un premier ressenti
économique et politique dans les territoires.
Nous sommes déjà très
présents sur le terrain. Chaque département avait déjà des notaires qui
œuvraient gracieusement pour l’accès au droit d’autres services dont les
citoyens et les communes ont besoin. Mais cette nouvelle structure va renforcer
notre présence et notre efficacité. Par exemple, pour les sujets ruraux, les
notaires d’Eure-et-Loir seront en première ligne. Pour l’immobilier
d’investissement, ce seront ceux des Hauts-de-Seine. Je souhaite favoriser le
mélange des compétences pour que chaque territoire bénéficie de l’expertise des
autres. Je compte aussi favoriser les rencontres entre élus et notaires de différents
départements, pour créer une synergie globale.
Cela ne va pas être facile
car chacun a tendance à rester dans sa ligne. Mais je ne suis pas pressé. Il
faut avancer pas à pas, il n’y a pas d’urgence. Nous allons construire la
maison d’abord avec des fondations solides, et ensuite nous avancerons.
Les hommes sont nommés, les
équipes sont en place. Maintenant, place à la réflexion et à l’action. Comme
disent les gendarmes, « la réflexion au service de l’action ».
JSS : Vous souhaitez
également participer à la modernisation de l’image de la profession. Par quels
moyens ?
J-M. M. : Aujourd’hui,
les notaires français sont leaders mondiaux sur tous les systèmes de
certification d’actes, apostilles et actes à distance, et les autres pays
viennent s’inspirer de notre fonctionnement.
Personnellement, cela fait
cinq ans que je ne signe plus un seul acte papier. Tout est dématérialisé et sécurisé.
Les investissements à cet égard sont faits par les notaires et leurs
partenaires, et non l’État.
Nous aidons aussi beaucoup
les jeunes notaires, afin qu’ils puissent appréhender tous les outils, en
respectant notre déontologie, notre confraternité, et bien sûr le secret
professionnel chevillé au corps. Ce n’est pas parce que l’on est sur les
réseaux sociaux que l’on ne doit pas rester professionnellement rigoureux.
JSS : Il y a de nombreuses
mutations en cours dans la société et dans la profession, notamment sur le plan
de la numérisation. Selon vous, quel est le principal défi pour les prochaines
années ?
J-M. M. : Le
principal enjeu est de continuer à faire évoluer nos outils professionnels,
notamment avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, tout en garantissant
la sécurité des données, aussi bien pour les citoyens que pour les notaires.
Il faudra éviter que nos
données ne fassent le tour du monde. Nos actes restent hébergés sur le
territoire national, dans un système notarial français sécurisé. Nous n’avons
pas d’hébergeurs situés à l’étranger.
JSS : Est-ce que cela veut
dire que vous envisagez une IA « propriétaire », dédiée aux notaires
?
J-M. M. : Exactement.
Il faudra aller vers un produit notarial français, sécurisé et fermé, avec des
clés cryptées qui permettraient aux seuls notaires d’y accéder. L’objectif est
de limiter les risques de fuite de données.
JSS : La délivrance des
apostilles a été transférée aux notaires le 1er mai 2025. Comment la
profession vit-elle ce changement ? Que peut-il apporter en termes de
visibilité pour la profession ?
J-M. M. : Au
niveau de la cour d’appel de Versailles, nous ne sommes pas directement concernés
par ce dispositif. Cela dit, en observant les conseils régionaux avoisinants, la
mise en place semble se dérouler correctement.
Le notariat français est au
rendez-vous de l’apostille. La transition s’est faite à la bonne date, en
concertation avec les différentes instances de l’État, et sans interruption de
service. Il va désormais falloir que les citoyens s’approprient ces nouveaux
outils dématérialisés. Il y a une phase nécessaire de transmission
d’informations. C’est une tâche très lourde pour nous, mais cela va permettre
de dégager du temps pour les magistrats, ce qui est important.
JSS : La hausse des droits de
mutation à titre onéreux plus tôt dans l’année a abouti à une augmentation du
coût des transactions. Cela a-t-il perturbé le marché dans le secteur de la
chambre ?
J-M. M. : Certaines
hausses ont pu freiner des acquisitions, car 0,5 % d’augmentation peut
représenter des montants non négligeables. Mais au moment de cette hausse, les
taux d’intérêt s’étaient un peu calmés, donc il est encore difficile de mesurer
précisément l’impact.
Pour les petites surfaces, ça
n’a pas eu d’impact important, mais sur les biens plus importants, peut-être un
peu plus.
Le marché reprend doucement
depuis un mois, surtout au niveau de l’ancien, ce qui est aussi lié à la saison
car, en général, quand il fait beau, les gens visitent davantage. Mais
aujourd’hui ce n’est pas la hausse des taxes qui représente le principal frein
à l’achat, en particulier pour les primo-accédants, ou plus globalement ceux
qui cherchent à se loger.
Cela va en revanche freiner
l’investissement locatif, notamment dans des villes comme Paris, où les loyers
sont contraints, et où la rentabilité est tombée. C’est pour cela que certaines
études montrent qu’il vaut mieux en ce moment investir à Limoges qu’à Paris,
car le prix d’achat y est plus bas, et les loyers peuvent y être meilleurs par
rapport aux prix. Cela crée une rareté des biens à la location, car moins de
gens achètent.
Il y a quelques années, le
marché de l’immobilier était si florissant que la rentabilité était atteignable
plus par le prix que par les loyers. Mais depuis, les prix ont stagné voire
baissé, tout comme les loyers, et l’investissement est devenu moins rentable.
Le marché du neuf reste
toujours bloqué. Il y a des projets qui se mettent en place, mais avec les
délais de construction, ils ne seront pas livrés avant 2026 ou 2027.
Propos
recueillis par Alexis Duvauchelle
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