À la tête des notaires de l’Ouest parisien, Jean-Marie Montazeaud plaide pour « favoriser le mélange des compétences »


jeudi 26 juin7 min
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INTERVIEW. Fraîchement nommé à la tête de la nouvelle instance regroupant les notaires d’Eure-et-Loir, des Yvelines, des Hauts-de-Seine et du Val-d’Oise, le notaire associé à Bourg-la-Reine expose auprès du JSS ses ambitions. Il compte notamment renforcer la présence et l’efficacité de la profession dans les territoires.

JSS : Quel a été votre parcours professionnel avant la présidence de cette nouvelle chambre ?

Jean-Marie Montazeaud : J’ai d’abord été clerc de notaire dans une étude parisienne, puis je me suis associé assez rapidement, le 11 janvier 1995, dans une étude historique d’Île-de-France à Bourg-la-Reine, titulaire des minutes depuis 1602.

Au sein de la chambre départementale des notaires des Hauts-de-Seine, j’ai d’abord été membre, puis assez rapidement vice-président. J’ai pu intégrer le 100e Congrès des notaires de France, consacré au Code civil, en tant que rapporteur de la première commission.

J’ai ensuite pris la présidence de la chambre départementale en 2005, puis j’ai siégé au Conseil supérieur du notariat, à la commission internationale. En 2016, on m’a rappelé pour prendre la présidence du conseil régional des notaires de la cour d’appel de Versailles.

En somme, c’est un parcours classique de notaire professionnel avec un engagement dans les instances.

En parallèle, j’ai toujours eu une activité citoyenne. C’est important pour moi de servir le notariat, mais aussi mon pays. J’ai suivi un parcours militaire à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), créé par le général de Gaulle pour que la réflexion militaire ne soit pas confiée uniquement qu’aux militaires. Des membres de la société civile y sont donc formés à ces enjeux.

J’ai aussi suivi des formations à l’Institut national des hautes études de sécurité (INHES), qui dépend de la gendarmerie et de la police nationale, puis au Cycle des hautes études pour le développement économique (CHEDE), et enfin, l’an dernier, à l’Institut des hautes études des métropoles.

JSS : Pourquoi avoir suivi toutes ces formations ?

J-M. M. : Je considère que la mission du notaire est de servir, mais aussi de se former, et de former sa réflexion. Pour pouvoir être à l’écoute des citoyens, il faut de temps en temps voir ce qu’ils font dans différents domaines, ce qui suppose de sortir de son étude.

J’ai ainsi été amené à produire des rapports sur des sujets n’ayant rien à voir avec le notariat, mais qui sont utiles à la société française et la nation. J’ai accompli toutes ces missions de manière bénévole et en plus de ma mission de notaire. Je vous le confirme : Être président d’une instance professionnelle implique des journées longues et chargées.

JSS : Après vos nombreuses fonctions à différents niveaux, prenez-vous cette nouvelle présidence comme un nouveau défi ?

J-M. M. : C’est un véritable challenge, car nous partons d’une page blanche. J’ai présidé le 26 mai la première assemblée générale des notaires de l’Ouest parisien, c’est une première historique, à la suite de la création de la chambre par décret en date du 27 mars 2025.

Les quatre entités qui existaient auparavant (chambres départementales d’Eure-et-Loir et des Hauts-de-Seine, chambre interdépartementale des Yvelines et du Val-d’Oise, et conseil régional) avaient des vies, des manières de travailler et des territoires différents. C’est ce qui fait le challenge et la richesse de cette nouvelle entité.

Bien que notaire dans les Hauts-de-Seine, je ne m’y enferme pas. Je trouve intéressant de ramener autour de nous des notaires de l’Eure-et-Loir, du Val-d’Oise, des Hauts-de-Seine ou des Yvelines pour travailler sur des sujets juridiques, au service de citoyens du territoire de la cour d’appel, qui ont forcément des problématiques différentes selon leur lieu de vie.

Nous sommes une chambre importante, représentant 1000 notaires et 2800 collaborateurs, avec un chiffre d’affaires non négligeable. Le poids politique et économique de cette nouvelle instance est donc notable.

« Je souhaite favoriser le mélange des compétences pour que chaque territoire bénéficie de l’expertise des autres. Je compte aussi favoriser les rencontres entre élus et notaires de différents départements, pour créer une synergie globale. »

Jean-Marie Montazeaud, président de la chambre interdépartementale des notaires de l’Ouest parisien

JSS : Vous avez évoqué comme priorité l’affirmation de l’identité de cette nouvelle compagnie, dans le respect des territoires et des valeurs communes. Comment comptez-vous mettre cela en œuvre ?

J-M. M. : Nous avons commencé à mettre en place des commissions de travail et de compétences, avec des notaires de chaque département. Chacun peut ainsi apporter son savoir. Nous souhaitons que toutes les visions puissent s’exprimer, car chacun a un rapport à l’immobilier, à la famille, à l’entreprise, différent. Les citoyens ne sont pas forcément les mêmes à Chartres qu’à Bourg-la-Reine.

Je vais rentrer en contact avec les autorités judiciaires, les préfets, les présidents des départements, ainsi que la présidente de région. Cela doit nous permettre d’avoir un premier ressenti économique et politique dans les territoires.

Nous sommes déjà très présents sur le terrain. Chaque département avait déjà des notaires qui œuvraient gracieusement pour l’accès au droit d’autres services dont les citoyens et les communes ont besoin. Mais cette nouvelle structure va renforcer notre présence et notre efficacité. Par exemple, pour les sujets ruraux, les notaires d’Eure-et-Loir seront en première ligne. Pour l’immobilier d’investissement, ce seront ceux des Hauts-de-Seine. Je souhaite favoriser le mélange des compétences pour que chaque territoire bénéficie de l’expertise des autres. Je compte aussi favoriser les rencontres entre élus et notaires de différents départements, pour créer une synergie globale.

Cela ne va pas être facile car chacun a tendance à rester dans sa ligne. Mais je ne suis pas pressé. Il faut avancer pas à pas, il n’y a pas d’urgence. Nous allons construire la maison d’abord avec des fondations solides, et ensuite nous avancerons.

Les hommes sont nommés, les équipes sont en place. Maintenant, place à la réflexion et à l’action. Comme disent les gendarmes, « la réflexion au service de l’action ».

JSS : Vous souhaitez également participer à la modernisation de l’image de la profession. Par quels moyens ?

J-M. M. : Aujourd’hui, les notaires français sont leaders mondiaux sur tous les systèmes de certification d’actes, apostilles et actes à distance, et les autres pays viennent s’inspirer de notre fonctionnement.

Personnellement, cela fait cinq ans que je ne signe plus un seul acte papier. Tout est dématérialisé et sécurisé. Les investissements à cet égard sont faits par les notaires et leurs partenaires, et non l’État.

Nous aidons aussi beaucoup les jeunes notaires, afin qu’ils puissent appréhender tous les outils, en respectant notre déontologie, notre confraternité, et bien sûr le secret professionnel chevillé au corps. Ce n’est pas parce que l’on est sur les réseaux sociaux que l’on ne doit pas rester professionnellement rigoureux.

JSS : Il y a de nombreuses mutations en cours dans la société et dans la profession, notamment sur le plan de la numérisation. Selon vous, quel est le principal défi pour les prochaines années ?

J-M. M. : Le principal enjeu est de continuer à faire évoluer nos outils professionnels, notamment avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, tout en garantissant la sécurité des données, aussi bien pour les citoyens que pour les notaires.

Il faudra éviter que nos données ne fassent le tour du monde. Nos actes restent hébergés sur le territoire national, dans un système notarial français sécurisé. Nous n’avons pas d’hébergeurs situés à l’étranger.

JSS : Est-ce que cela veut dire que vous envisagez une IA « propriétaire », dédiée aux notaires ?

J-M. M. : Exactement. Il faudra aller vers un produit notarial français, sécurisé et fermé, avec des clés cryptées qui permettraient aux seuls notaires d’y accéder. L’objectif est de limiter les risques de fuite de données.

JSS : La délivrance des apostilles a été transférée aux notaires le 1er mai 2025. Comment la profession vit-elle ce changement ? Que peut-il apporter en termes de visibilité pour la profession ?

J-M. M. : Au niveau de la cour d’appel de Versailles, nous ne sommes pas directement concernés par ce dispositif. Cela dit, en observant les conseils régionaux avoisinants, la mise en place semble se dérouler correctement.

Le notariat français est au rendez-vous de l’apostille. La transition s’est faite à la bonne date, en concertation avec les différentes instances de l’État, et sans interruption de service. Il va désormais falloir que les citoyens s’approprient ces nouveaux outils dématérialisés. Il y a une phase nécessaire de transmission d’informations. C’est une tâche très lourde pour nous, mais cela va permettre de dégager du temps pour les magistrats, ce qui est important.

JSS : La hausse des droits de mutation à titre onéreux plus tôt dans l’année a abouti à une augmentation du coût des transactions. Cela a-t-il perturbé le marché dans le secteur de la chambre ?

J-M. M. : Certaines hausses ont pu freiner des acquisitions, car 0,5 % d’augmentation peut représenter des montants non négligeables. Mais au moment de cette hausse, les taux d’intérêt s’étaient un peu calmés, donc il est encore difficile de mesurer précisément l’impact.

Pour les petites surfaces, ça n’a pas eu d’impact important, mais sur les biens plus importants, peut-être un peu plus.

Le marché reprend doucement depuis un mois, surtout au niveau de l’ancien, ce qui est aussi lié à la saison car, en général, quand il fait beau, les gens visitent davantage. Mais aujourd’hui ce n’est pas la hausse des taxes qui représente le principal frein à l’achat, en particulier pour les primo-accédants, ou plus globalement ceux qui cherchent à se loger.

Cela va en revanche freiner l’investissement locatif, notamment dans des villes comme Paris, où les loyers sont contraints, et où la rentabilité est tombée. C’est pour cela que certaines études montrent qu’il vaut mieux en ce moment investir à Limoges qu’à Paris, car le prix d’achat y est plus bas, et les loyers peuvent y être meilleurs par rapport aux prix. Cela crée une rareté des biens à la location, car moins de gens achètent.

Il y a quelques années, le marché de l’immobilier était si florissant que la rentabilité était atteignable plus par le prix que par les loyers. Mais depuis, les prix ont stagné voire baissé, tout comme les loyers, et l’investissement est devenu moins rentable.

Le marché du neuf reste toujours bloqué. Il y a des projets qui se mettent en place, mais avec les délais de construction, ils ne seront pas livrés avant 2026 ou 2027.

Propos recueillis par Alexis Duvauchelle

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