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CHRONIQUE. La 6e chambre correctionnelle versaillaise jugeait récemment un prof de lycée, pour avoir agressé sexuellement une élève mineure, mais aussi détenu des centaines de contenus pédopornographiques.
Au printemps 2023, Amélie*,
tout juste 17 ans, partait en voyage scolaire aux États-Unis avec son lycée pro
lorsque, pendant le vol aller, sa demi-sœur s'est pendue – le jour de son
anniversaire. Après un temps d'hésitation, sa mère s'est décidée à lui annoncer
la nouvelle. En entendant les hurlements à l'autre bout du fil, elle a demandé
à parler au prof d'histoire qui encadrait le groupe, et lui a confié sa fille (« Faites
comme si c'était la vôtre »). « Je ne pouvais pas imaginer ce
qui s'est passé derrière », semble-t-elle désormais se justifier à la
barre du tribunal.
C'est dans ce contexte
qu'Amélie et Frédéric D., la cinquantaine, ont échangé leurs numéros. Après
leur retour sur le Vieux Continent, ils ont continué à s'envoyer des messages,
surtout le soir. Progressivement, la conversation a dérapé : il fut de plus
en plus souvent question de porno, de masturbation (« Tu as les mains
occupées ? »), ou encore des pratiques sexuelles d'Amélie avec
son copain (« Tu te fais déboîter comme une petite coquine... »).
Amélie ne s'est pas formalisée outre mesure de ces messages, dignes selon elle
d'un « tonton beauf » : « Je m'accroche très vite
aux gens et j'ai peur de l'abandon. Il m'a aidée à surmonter pas mal de
choses... [Alors] je pense qu'en un sens je n'ai pas voulu voir. »
« Elle a beaucoup de
répondant. Si elle avait voulu que la conversation cesse, elle l'aurait dit.
[…] Elle n'est pas du genre à se faire marcher sur les pieds », lance
le prévenu, qui finit tout de même par avoir un mot pour sa jeune élève : « Je
suis conscient du tort que je lui ai causé. Du traumatisme, peut-être,
éventuellement. » Il était temps, semble se dire le président en se
tournant vers la partie civile, recroquevillée sur sa chaise : « Je
ne sais pas s'il lui restera des ongles à la fin de l'audience. »
Quoi qu'il en soit, Frédéric D. l'assure : « Je n'ai pas été
malin, c'est une certitude, [mais] je n'avais pas d'arrière-pensées. »
« J'ai peut-être eu
un geste malheureux... »
Pourtant, juste avant le
voyage scolaire de l'année suivante, à Chypre cette fois, il s'est montré
encore plus pressant. Il lui a par exemple écrit qu'il aimerait bien lui faire « paf
sur [son] petit cul », et dans un string, parce qu'il « faut
que ça claque ». Et de fait, au cours du séjour, alors qu'Amélie
regardait un film dans sa chambre d'hôtel, il a entrepris de lui mettre « des
claques sur les fesses ». Puis une main sur un sein, même s'il ne
l'admet que du bout des lèvres : « J'ai peut-être eu un geste
malheureux... ».
Au retour, Amélie a dénoncé
les faits, et sa mère, déposé plainte. S'en est suivie une perquisition au
domicile de Frédéric D. Sur son ordinateur et un disque dur externe, les
enquêteurs ont découvert pas moins de 2 848 contenus pédopornographiques, aux
noms de fichiers évocateurs : essentiellement des enfants de 5 à 10 ans,
entre eux ou avec des adultes – parfois même des animaux. « Je
télécharge [des jeux] sur deux ou trois plateformes sur le dark web, comme tout
le monde », lance simplement le prévenu, « [or] c'est plus
simple d'aspirer tout que de faire le tri. […] Il n'y avait aucune volonté de
télécharger ce genre de contenu ».
Prévenu de corruption de
mineur de plus de 15 ans, d'agression sexuelle par personne ayant autorité sur
la victime et de détention de l'image d'un mineur présentant un caractère
pornographique, Frédéric D. encourt donc 7 ans et 100 000 €. « Ce que
j'attendais de cette audience, entame la procureure, c’étaient des excuses.
[Or] au contraire, ce que j'ai entendu, c'est quelqu'un qui finalement
reconnaît de manière assez légère avoir mis une claque sur les fesses, sans
avoir le sentiment d'agresser sexuellement ».
« Il n'a pris
conscience de rien, et ça me glace »
Sur le contenu : « Il
explique qu'il aspire tout parce que c'est plus pratique, mais on trouve tout
ça bien classé dans son ordinateur. » Elle considère que les
explications de Frédéric D. sont « insoutenables et inaudibles. Il n'a
pris conscience [de rien], et ça me glace ». Elle requiert trois ans
dont 18 mois de sursis probatoire, avec mandat de dépôt pour la partie ferme,
et la peine complémentaire d'interdiction pour 10 ans d'exercer une activité
impliquant un contact avec des mineurs.
« Je pense
honnêtement qu'il souhaite de tout cœur s'excuser, et je pense qu'il le fera
d'ici la fin de l'audience », lance l'avocat de Frédéric D. : « On
a quand même quelqu'un qui se rend compte au bout d'un moment de la gravité des
faits, et qui a un début de honte. (…) Il n'est pas à l'aise, parce qu'il
connaît la gravité des faits qu'il a commis. » Il estime que « l 'agression
sexuelle est reconnue par Monsieur, [même si c'est] sous une forme un peu
différente », et veut voir le verre à moitié plein : « Il
y a eu une maîtrise suffisante pour qu'il n'y ait aucun autre acte qui ait
suivi. »
Il conteste simplement le
volet corruption de mineur : « Il ne va pas lui montrer de contenu
pornographique, […] il ne parle pas de pratiques sexuelles qu'elle ne connaîtrait
pas. » Pour lui, il s'agirait plutôt d'une proposition sexuelle par
moyen de communication électronique (C. pén., art. 227-22-1), mais cette
infraction n'est pas poursuivable lorsque la victime a plus de 15 ans.
« Elle ne devait pas
avoir très envie de me revoir... »
« Si vous avez eu le
sentiment que je ne m'excusais pas, c'est une erreur », ajoute le
prévenu, répondant à l'appel du pied de son avocat : « Je lui
demande de bien vouloir m'excuser du tort, de l'embarras, de la situation dans
laquelle je l'ai mise, et de m'excuser de sa présence aujourd'hui ici, parce
que je pense qu'elle ne devait pas avoir très envie de me revoir. » Il
ajoute : « Vous avez dit, monsieur le président, qu'elle n'était
responsable de rien, et vous avez eu entièrement raison. […] J'espère qu'elle
acceptera mes excuses, ou au moins, qu'elle les comprendra. »
Depuis le couloir où ils ont
pris place pour éviter la famille d'Amélie, Frédéric D. et son avocat guettent
la porte de la salle d'audience. Mais c'est par celle, plus discrète, du box,
que les policiers entrent, avant de s'installer dans le fond de la salle.
Frédéric D. revient à la barre, un petit sac à dos sur l'épaule, et ne voit pas
l'escorte avancer vers lui, menottes à la main.
Il écope de quatre ans dont
deux de sursis probatoire (obligations de soins et de travail, interdiction de
contact avec Amélie), et d'un mandat de dépôt pour la partie ferme, sans
compter une interdiction définitive d'exercer une activité impliquant un contact
avec des mineurs. Entravé, il ressort par le box, toujours aussi inexpressif.
* Le prénom de la victime,
mineure au moment des faits, a été modifié.
Antoine
Bloch
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