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Mercredi 14 mai, l’Institut des études et de la recherche sur le Droit et la Justice (IERDJ) organisait la restitution d’une étude portant notamment sur les points-justice. Ces structures qui proposent des permanences juridiques rencontrent un vrai succès dans le 92, particulièrement en droit des étrangers. Elles s’avèrent cependant débordées, et prennent souvent des allures de services informatiques.
« Être informé de ses droits suffit
rarement à les faire valoir » Cette formule prononcée par Isabelle
Boucobza, professeure de droit public à l’université Paris Nanterre, a résonné
comme un fil rouge lors de la conférence « Aide à l'accès au droit : quels publics et quels
usages des points-justice dans les Hauts-de-Seine », organisée le 24 mai par l’Institut des études et de la recherche
sur le droit et la justice (IERDJ). Signée Cassandre De Oliveira, juriste diplômée de Paris Nanterre, elle est
extraite de son mémoire de master 2 consacré aux usages et aux profils des
personnes se rendant au sein des points-justice dans les Hauts-de-Seine.
Son enquête est focalisée sur l’accès aux différentes structures labellisés point-justice dans
le département des Hauts-de-Seine. « Il s’agit de structures qui accueillent et
proposent des permanences juridiques dans plusieurs domaines, en droit du
travail, du logement, de la famille et impliquant différents intervenants. C'est-à-dire, des avocates et avocats, des
notaires, des juristes mais aussi des écrivains publics », a-t-elle présenté en introduction au
débat.
Menée dans le cadre du programme « Besoins,
demandes et attentes de justice » de l’IERDJ, think tank public et laboratoire
de recherche dédié au droit et à la justice, cette étude de terrain à la
croisée du droit et des sciences sociales a été réalisée entre septembre 2023
et mars 2024, sous la direction d’Isabelle Boucobza, également directrice
du Centre d’études et de recherches sur les droits fondamentaux (CREDOF).
« Je me souviens que ma première
réaction, lorsque Cassandre est venue me proposer cette recherche, a été de
dire : "Oh là là, ça va être très difficile." L’accès au droit est une notion qui est
fuyante, particulièrement mystérieuse, et qui devient d’autant plus difficile à aborder quand on
le fait de façon abstraite, ou – si je puis dire – hors sol, hors terrain », a commenté la professeure.
18 % des Altoséquanais sont reçus chaque
année
Mais si le projet initial a pris racine
à travers une expérience de terrain vécu par la jeune juriste - cette dernière
a été confrontée aux obstacles de l’accès au droit lors d’une permanence à l’Observatoire International des prisons
(OIP) -, il est devenu concrètement envisageable suite à la commande faite par
le président du Tribunal judiciaire de Nanterre et du Conseil départemental de
l’accès au droit des Hauts-de-Seine,
Benjamin Deparis.
Comment se matérialise la politique
nationale d’accès au droit dans le département des Hauts-de-Seine ? Quels sont les
profils sociologiques des usagers qui poussent la porte des structures d’accès au droit ? En prenant les rênes du
tribunal judiciaire de Nanterre, Benjamin Deparis a souhaité avoir « une
connaissance plus empirique de l’accès au droit dans les Hauts-de-Seine
et des besoins des justiciables dans ce département contrasté », a détaillé Valérie Sagant, directrice de l’IERDJ.
Si la thématique de l’accès au droit a fait l’objet de peu de travaux universitaires, a constaté Benjamin Deparis, pléthore de
rapports, d’avis et d’enquêtes publiques et judiciaires sont
consacrés à cette notion : « Dans son rapport annuel d’activité 2024,
la Défenseure des droits revient avec des mots forts sur cette question. Elle
évoque une rupture des droits, je cite, ‘on a baissé les bras’ ».
D’où la nécessité de mieux comprendre ce
que recouvre concrètement l’accès au droit à l’échelle des Hauts-de-Seine. Le
territoire de de l’ouest francilien bénéficie d’un maillage territorial dense : 1,6 million d’habitants, 7 tribunaux de proximité… et 350
000 euros de budget pour son CDAD. En parallèle, entre 120 000 et 130 000
personnes sont reçues chaque année par les services d’accueil unique du
justiciable.
« Ce qui représente, selon la manière
dont on compte, entre 15 % et 18 % de la population [du département], c’est
énorme », a estimé Benjamin Deparis, en rappelant plus largement que les
fonds publics mobilisés pour ces dispositifs d’accès au droit doivent répondre
à une véritable utilité sociale. « On doit avoir une visibilité sur les
usages qu'on fait de cet argent public et de nos actions ».
« J'ai l'impression d’être
plus un service informatique »
Durant son intervention, Cassandre De
Oliveira a partagé les usages de l’accès au droit qui lui « ont tout de
suite sauté à la figure ». Elle a notamment observé qu’une grande partie des personnes qui
viennent aux points-justice le font non pas en premier recours mais dans le but
de « pallier des usages et dysfonctionnements d’autres services publics », à l’instar de la CAF ou Pôle Emploi.
La juriste a pris deux exemples concrets.
La dématérialisation des démarches administratives pousse notamment de nombreux
usagers à « solliciter une aide pour accomplir leurs démarches en ligne. L’une des causes identifiées : l’illectronisme, qui touche encore une
personne sur dix en France, tandis que 35 % de la population rencontrent des
difficultés avec le numérique, selon une étude de 2021 du Défenseur des droits », a expliqué Cassandre De Oliveira.
Autres observations partagées par l’ancienne étudiante : au-delà des
procédures, la dématérialisation des services publics a entraîné la réduction,
voire la disparition, des guichets physiques. Les usagers ne trouvent plus d’interlocuteurs pour faire avancer leur
dossier, ou seulement sur des créneaux très restreints. Résultat : les points-justice se
retrouvent en première ligne, sollicités pour des demandes autrefois prises en
charge ailleurs.
Pour les permanenciers, cette situation
représente parfois « une véritable charge », rapporte-t-elle.
« J’ai l’impression d’être plus un service informatique qu’un service juridique » fait notamment partie des phrases que
Cassandre De Oliveira a entendues de la bouche de juristes lors de permanences
consacrées aux droits des étrangers. « Il faut savoir que les permanences en
droit des étrangers représentent à peu près 15 % des personnes reçues en points-justice.
Et cela fait partie des domaines les plus sollicités au sein des Hauts-de-Seine
», a-t-elle détaillé.
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