Tribunal de Pontoise : « Je me suis emporté, il a dit “garde à vue” »


mercredi 26 mars4 min
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CHRONIQUE. Les comparutions immédiates expédient les affaires courantes. Plusieurs petits dossiers qui seront jugés en vitesse pendant cette période de congés où la justice est en sous-régime.

La salle d’audience bruisse des conversations entre avocats, juges, procureur et l’huissière qui compte ses dossiers et vérifie que les avocats du prévenu n°4 sont présents, ou encore que l’avocate de celui qui passera en deuxième a eu le temps de s’entretenir avec lui. Alors que l’audience aurait déjà dû débuter, un avocat se présente et informe l’huissière qu’il représente « Monsieur B. ».

« Ah, eh bien, y’a déjà un avocat.

-     (Autre avocat) Bonjour, confrère !

-     Bonjour, j’ai été désigné ce matin par le prévenu.

-     Et je l’ai assisté hier devant le juge des libertés et de la détention.

-     J’entends bien, je suis désolé.

-     On ne m’avait pas informé. Bon, eh bien je vais rentrer au cabinet, ça m’aura fait une balade à Pontoise », dit celui qui est venu pour rien.

La vie d’avocat est faite d’attentes interminables et de déplacements inutiles.

Celle de Younès se résume - notamment - à conduire sous l’emprise du cannabis. Une sale habitude dont cet ambulancier de 29 ans ne parvient pas à se défaire, et qui lui vaut une comparution immédiate. C’est vraiment la récidive qui a envoyé Younès dans ce box, puisque les faits se cantonnent à un contrôle routier consécutif à un passage au feu orange, puis à un test salivaire refusé par le prévenu.

« Il y a l’effet euphorisant qui peut être sympathique »

Comme il n’a rien de plus à dire sur les faits, le président s’essaie à la pédagogie. « Est-ce que vous connaissez l’impact des stupéfiants sur le comportement ?

-    

-     Il y a des choses sympathiques et des choses moins sympathiques qui font que le législateur a décidé d’en faire une infraction. Dans les effets positifs, il y a l’effet euphorisant qui peut être sympathique, dans les effets négatifs, il y a la possibilité augmentée par deux d’avoir un accident mortel. Vous le saviez ?

-     Non.

-     Le fait d’avoir augmenté le risque de tuer des gens ce jour-là, qu’est-ce que ça vous fait ?

-     En fait, j’avais pas consommé ce jour-là, c’est le souci avec les stupéfiants, ça peut rester longtemps. J’avais fumé la veille. Je leur ai dit ‘Je fume, je sais que ça reste dans le sang’. »

Les effets psychoactifs du cannabis durent quelques heures, à peu près comme l’alcool. Mais on peut en déceler la trace pendant des jours, voire des semaines, contrairement à l’alcool qui disparaît à peu près en même temps que l’ivresse. Cela signifie que nombre de personnes contrôlées positives n’étaient pas sous l’emprise du cannabis au moment du test, et n’avaient donc augmenté pas par deux le risque de provoquer un accident mortel. C’est le cas de Younès.

L’infraction est cependant constituée, comme celle consistant à refuser de se soumettre à un test. Le prévenu s’explique sur ce point : « En fait, j’ai d’abord accepté de le faire moi-même, mais ça n’a pas marché. Le policier a voulu le faire lui-même, je lui ai dit ‘non’ et il a commencé à me parler mal. Alors, je me suis emporté, il a dit ‘garde à vue’. »

Cela ne change pas grand-chose pour le président, qui énumère quatre mentions au casier judiciaire et demande : « Qu’est-ce que vous diriez ?

-     J’étais jeune. 

-     En effet, rien depuis 2018, mais tout ce qu’on trouve c’est soit avec la voiture, soit avec les stupéfiants. »

« Si mon seul problème c’est de fumer, alors je vais arrêter »

La procureure intervient : « Je me permets de relever que le 18 décembre 2024, il a été condamné à 15 mois de détention sous surveillance électronique. C’étaient des faits routiers datant de 2024, vous étiez positif au cannabis. Ça vous dit quelque chose ?

-     Oui.

-     Ça vient contredire ce que vous disiez juste avant.

-     Certes, j’ai eu une affaire, mais c’est un petit délit. Si mon seul problème c’est de fumer, alors je vais arrêter.

-     Monsieur, vous avez condamné en décembre 2024. »

Younès baisse la tête et bredouille quelques mots d’excuse : « Je m’en veux d’être là. »

La procureure l’entend : « Il se dit prêt à suivre un traitement, cela ouvre la voie à un sursis probatoire. » Elle demande 10 mois de prison avec sursis probatoire, avec une obligation de soins en addictologie et une obligation de travail. Elle demande aussi que son permis soit suspendu pour 6 mois.

La défense adhère : « Il y a une situation problématique qu’il faut régler. La solution se trouve dans les outils dont le tribunal dispose », dit l’avocate, qui répète ce que la procureure vient d’énoncer. Elle souhaiterait que la peine soit légèrement plus basse, mais le tribunal estime finalement, après en avoir délibéré, que Younès doit être condamné à 10 mois avec sursis probatoire.

Julien Mucchielli


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