Tribunal de Pontoise : « Le dealer, c’est un ami d’enfance »


lundi 30 décembre 20243 min
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CHRONIQUE. Un jeune homme de 24 ans comparaît libre devant le tribunal correctionnel de Pontoise, le 21 novembre, 7 mois après les faits. Il avait été contrôlé en voiture en possession de cannabis. Il est en récidive.

La présidente questionne Chérif : « Vous faites quoi dans la vie ?

-     J’étais VTC, mais depuis qu’on m’a interpellé, je ne le suis plus. »

Forcément : Chérif, 24 ans, a perdu son permis à la suite du contrôle qui l’amène à la barre du tribunal correctionnel de Pontoise, ce jeudi 21 novembre.

« Donc je réfléchis à une formation, voilà.

-     C’est une façon de dire que vous ne faites rien.

-     Oui », concède le prévenu gêné.

Comme si c’était à mettre à son crédit, il ajoute : « Ma copine est cheffe sur une péniche ! » Cheffe en cuisine, il précise.

Le 25 avril 2024, à Montmagny, les policiers contrôlent un véhicule. Au volant : Chérif, qu’ils perçoivent se courber pour dissimuler quelque chose, interprètent-ils. Dans l’habitacle : une odeur de stupéfiants. Chérif vient de fumer un joint dont le mégot gît au sol. Sur la banquette arrière, une plaquette de shit sous cellophane frappée d’une inscription, « Organic valley farms » - une appellation healthy, à l’américaine. Et dans le vide poche : 110 euros en espèces.

« J’étais dans le déni »

« Qu’est-ce qu’il s’est passé, Monsieur ?

-     Je suis allé acheter ma consommation.

-     Vous avez l’achetée dans le 19e arrondissement de Paris et vous habitez Montreuil, pourquoi on vous interpelle à Montmagny ?

-     Je devais rejoindre un ami, et j’y suis allé directement après avoir acheté.

-     Pourquoi ne pas donner votre code d’accès à votre téléphone ?

-     Parce que le dealer, c’est un ami d’enfance, je ne voulais pas le compromettre.

-     Pourquoi vous achetez dans de telles quantités (environ 200 grammes, ndlr) ?

-     Parce que c’est moins cher.

-     Vous avez pensé à arrêter ?

-     J’ai vu un addictologue dans le cadre de mon contrôle judiciaire.

-     En janvier 2023, vous avez eu un sursis probatoire, et l’obligation de soins figurait au nombre des obligations. Vous auriez dû le faire bien avant !

-     J’étais dans le déni.

-     C’était en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : vous étiez dans un déni relatif. »

L’avocat de la défense rectifie : « Il n’y a pas d’obligation de soins dans ce sursis.

-     Oui, vous avez raison. Vous en êtes où de votre consommation ?

-     J’ai vraiment diminué mais pas vraiment arrêté. » Chérif est passé de quatre à un joint par jour.

Pas de client, pas de transaction, pas « d’offre ou cession », c’est la règle. Le parquet n’a pas cherché à savoir si le mis en cause participait à un trafic et se contente de demander qu’il soit déclaré coupable pour usage, détention, transport de stupéfiants et refus de donner le code de déverrouillage de son téléphone. Son casier indique six condamnations : vol, stup’, vol, stup’, stup’, vol, vol. La procureure demande 8 mois de prison, aménageables.

« Je vois le mal dans ma consommation de cannabis »

La défense voudrait qu’on ôte également la qualification de détention, puis souligne le manque de sérieux de son client, un pauvre jeune addict qui laisse traîner une plaquette de shit sur la banquette arrière - ce qui ne ferait pas très sérieux, pour un dealer. Elle aimerait qu’il bénéficie d’un nouveau sursis probatoire et rappelle cette phrase qu’a adressée Chérif à l’enquêtrice sociale rapide : « Depuis que je me suis fait attraper, je vois le mal dans ma consommation de cannabis ».

Le tribunal mixte les peines demandées par accusation et défense : 12 mois, dont 8 mois avec sursis probatoire. La partie ferme est aménagée sous la forme d’un bracelet électronique à domicile (DDSE).

Julien Mucchielli


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