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Favoriser l’activité et l’emploi, stopper les boucliers conjoncturels et réduire la dépense, tels sont les trois axes privilégiés par le gouvernement en matière de finances publiques pour conserver la souveraineté de la France, affirmait le ministre du Budget Gabriel Attal, fin juin, au Cercle Turgot.
Le pays traverse une situation
contrainte. Au niveau élevé de dette s’ajoute un solde public conséquent que
l’État a commencé à réduire depuis la crise Covid et le « quoi qu'il en
coûte », expose le ministre du Budget Gabriel Attal lors d’une
intervention à la Maison de la chasse. Il a fallu éviter la dégradation de la
notation souveraine de la France au moment de la dernière évaluation Standard &
Poor’s. Le résultat sonne comme une invitation à maintenir la trajectoire stricte
fixée dans le cadre du programme de stabilité.
Conjointement, existe évidemment
une contrainte politique, car le gouvernement ne dispose pas de la majorité
absolue à l'Assemblée nationale. L’adoption des textes budgétaires de l'automne
dernier a été possible grâce aux 49-3 et à l'absence d'une motion de censure votée
après la réforme des retraites.
Le contexte politique toujours
aussi tendu fait planer le risque que, cette fois-ci, la motion de censure
puisse passer contre le budget si les oppositions dans leur intégralité décidaient
de renverser le gouvernement. Selon Gabriel Attal, cette pression omniprésente influe
sur les choix à faire dans le projet de loi de finances. Leur justesse doit
éviter de donner une prise au narratif que pourraient déployer les oppositions
pour censurer l’exécutif, explique le ministre.
Une contrainte supplémentaire
est celle de l'opinion publique. En 2012, après la précédente crise financière,
dans les sondages sur le vote à l'élection présidentielle, les Français
déclaraient que la réduction de notre dette était leur 2e
motivation. En 2022, dernière élection présidentielle, c'était leur 18e
motivation. Le « quoi qu'il en coûte » a eu un impact !
Aujourd'hui, il est très
difficile d'arriver à faire comprendre que le désendettement de notre pays et le
rétablissement de nos comptes sont des impératifs, estime le ministre du
Budget. Ils constituent des éléments nécessaires à notre indépendance. Notre souveraineté
représente une valeur fédératrice pour les Français. Mais moins dépendre des
autres puissances pour nos choix économiques et budgétaires demande d'arriver à
une situation plus détendue de nos finances publiques. En conséquence, l’État a
opté pour un désendettement assumé et progressif, indique Gabriel Attal. La
ligne suivie consiste à ne pas faire une consolidation budgétaire trop brutale.
La trajectoire vise un retour sous les 3 % de déficit prévu en 2027. Il
devait s'établir précisément à 2,9 % dans le précédent programme de
stabilité. L'an dernier, il a été durci à 2,7 %, avec un début de
désendettement à partir de 2026. Pour y parvenir, trois axes sont poursuivis.
D'abord, le gouvernement veut
favoriser la croissance et l'activité économique. Cette conduite se révèle
pertinente dans la période traversée. « On est en train de faire la formidable démonstration, qui est très
utile politiquement pour nous face à certaines oppositions, que baisser un
certain nombre d'impôts, ce n'est pas nécessairement privé l'État ou les
finances publiques de recettes, mais c'est garantir des recettes
supplémentaires », souligne Gabriel Attal. L’amélioration de la
compétitivité des entreprises en réduisant leurs impôts de production, en baissant
l’impôt sur les sociétés, en mettant en place la flat Tax, en transformant
l'ISF en IFI, a produit des résultats. Passer l’impôt sur les sociétés de 33 %
à 25 % a généré davantage de recettes.
« Politiquement ce n'était pas évident à porter au moment où nous
avons pris ces décisions, mais maintenant nous sommes capables de faire la
démonstration que l'an dernier, on a eu le plus haut niveau jamais atteint de
collecte en termes d'impôts sur les sociétés, avec un taux historiquement
faible à 25 % » détaille le ministre. Cette trajectoire va donc être
prolongée, et notamment avec la prochaine étape de suppression de la
contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Elle permettra de
réduire nos impôts de production, encore bien plus élevés que ceux de nos
voisins, en particulier allemands.
S’agissant du travail, les
Français ont encore presque 10 points de taux d'emploi en moins par rapport aux
Allemands. Si nous étions au même niveau, les comptes seraient quasiment bouclés
grâce aux recettes fiscales et sociales acquittées en proportion. C’est
pourquoi des réformes sont conçues en faveur du taux d'emploi et de l'emploi :
réforme de l'apprentissage ; réforme (en septembre prochain) du lycée
professionnel ; ou encore réforme des retraites.
Concernant la réforme des
retraites, Gabriel Attal précise que beaucoup d’observateurs se sont focalisés
sur son impact en matière d'économie budgétaire. En réalité, le principal effet
attendu par le gouvernement, qui n’a pas été commenté, est l’amélioration
notable du taux d'emploi des seniors. Car cette augmentation s’accompagnera, elle
aussi, de plus de recettes fiscales et sociales. Rappelons qu’en 2010, la
réforme Fillon a permis une amélioration de 17 points du taux d'emploi des
seniors. Quand les Français imaginent que le recul de l'âge légal de départ à
la retraite transforme des retraités en chômeurs, ils se trompent. La réforme
de 2010 a déjà prouvé que c'était précisément l’inverse qui se produisait.
Le 2e axe entend faire
sortir le pays des boucliers énergétiques liés à la crise de l'inflation. Dans
la lignée du « quoi qu'il en coûte », ce choix de dépenses protectrices
est assumé, y compris sur le plan budgétaire. Point important, souligné par le
ministre, la France a une singularité par rapport à certains de ses voisins, elle cumule 450 milliards d'euros de prestations sociales indexées sur l'inflation. Autrement
dit, les dépenses ponctuelles, même colossales, qui permettent de comprimer l'inflation,
évitent de futures revalorisations de prestations qui grèveraient le budget. Un
point d'inflation en moins signifie 4,5 milliards de revalorisation de
prestations sociales en moins. Donc toute mesure décidée pour contenir
l'inflation se conclut par une économie concrète. C’est la raison pour laquelle
notre territoire connait un des taux d'inflation les plus faibles d’Europe.
À lire aussi : Quels défis pour
l’économie française ?
Autre sujet, le bouclier
tarifaire sur le gaz s’éteindra d’ici la fin de l’année assez facilement.
En effet, les prix de la ressource ont nettement baissé et l’impact sur les
citoyens sera donc limité. Pour le bouclier tarifaire sur le prix de
l'électricité, son échéance est programmée à fin 2024 en assumant, d'ici là, des
hausses de tarifs. Idem pour les chèques exceptionnels qui forment tant un
enjeu budgétaire qu’un enjeu de cohésion nationale. « Le principal ressentiment social que je perçois dans mes déplacements,
c'est celui de la classe moyenne. Elle travaille et ne supporte plus d'avoir l’impression
que le fruit de son travail, que ses impôts permettent à quelques-uns de ne pas
travailler, ou à financer des dispositifs dont elle ne bénéficie pas »
relate le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie.
Le 3e axe, le plus
évident mais pas le plus simple, est de réduire la dépense publique. Avant
tout, le ministre signale que les collectivités locales sont dans une situation
meilleure que celle de l'État. Leurs recettes se sont montrées très dynamiques,
une partie d’entre elles est indirectement indexée sur l’inflation. Elles ont augmenté
leur fiscalité sur la taxe foncière et, simultanément, ont eu beaucoup moins de
dépenses de crise que prévu. Leur capacité d'autofinancement, leur épargne
brute comme nette sont désormais supérieures à ce qu'elles étaient avant la
crise Covid. Certes, des collectivités sont en difficulté, mais en réalité,
elles traversent une bien meilleure situation financière que l'État, notamment
parce qu’il les a aidées en payant une partie de leur dépense, délivrant des
soutiens exceptionnels, etc. De plus, le « quoi qu'il en coûte » leur
a profité par ricochet, empêchant l’explosion de leurs dépenses. Néanmoins, il
est très difficile d'assumer des mesures dures vis-à-vis des collectivités
locales. Le faire fournirait aux oppositions des arguments de critique.
Ensuite, il faut parler du
poids des dépenses de l’État dans les lois de programmation que ce dernier a multipliées
ces dernières années. Cette gestion, positive pour les ministères concernés,
permet d'avoir de la visibilité sur les investissements à réaliser. Aujourd'hui,
plus de 40 % de la dépense de l'État est sous loi de programmation,
rappelle le ministre. Le Parlement a voté lesdites lois qui allouent pour les
années à venir des marges budgétaires, il est donc très difficile de revenir
dessus : loi de programmation militaire, loi de programmation du ministère
de l'Intérieur, loi de programmation de la recherche, loi de programmation de
l'aide publique au développement, loi de programmation de la justice.
Au-delà de ces distributions
programmées reste un périmètre de 200 milliards d'euros que l'État peut encore
diminuer. Mais à l’intérieur se trouve par exemple l’écologie. L'ambiance ne s’accommode
pas du tout à tailler dans ces valeurs-là. Toutefois, l’efficacité de quelques dispositifs
peut être revue, par exemple au ministère du Travail. Pour Gabriel Attal, beaucoup
d'économies semblent réalisables dans cette administration, notamment parce que
le chômage connait un plus bas depuis 40 ans, alors que le ministère conserve
un portefeuille digne des périodes les plus sombres en nombre de chômeurs. La subvention
de Pôle emploi ne doit pas continuer à augmenter chaque année, alors que le
chômage n'a jamais été aussi bas. Idem pour le niveau très élevé d'emplois aidés,
qui a largement diminué au début du précédent quinquennat, avant de remonter
pendant la crise Covid.
Actuellement, cette phase est
close et toutes les entreprises cherchent à recruter. Alors, il n’est pas
normal qu’elles gardent le bénéfice de centaines de milliers d’aides financières
à l’embauche, considère Gabriel Attal. Pire, un rapport récent pointe une
surfacturation des contrats d'apprentissage autour de 1 000 € par contrat,
ou encore des CFA privés dotés de primes importantes, versant des dividendes à
leurs actionnaires. Enfin, le compte personnel de formation (CPF) est un bon outil
de formation, mais il coûte 2,5 milliards d'euros par an. Il faut assumer un
reste à charge sur ce dispositif.
Une fois considérés les
collectivités locales et l'État, demeure notre modèle social pour plus de 50 %
des dépenses. Après la réforme des retraites et celle de l'assurance chômage,
il faut continuer à rénover sa structure. Or, pour la population, toute
modification soulève une forte hostilité. La France est pourtant, par exemple,
un des pays d'Europe où le reste à charge pour un patient est le plus faible.
C’est même le seul pays membre de l’UE où le reste à charge pour le patient a
baissé ces 15 dernières années, passant de 9 % à 7 %.
Se posent donc un certain
nombre de questions, comme celle des franchises qui n'ont pas changé depuis
2004, ou bien celle des indemnités journalières et des arrêts de travail. Ces
derniers ont d’ailleurs explosé, remarque Gabriel Attal, entrainant l’an
dernier à une progression de 10 % du coût des indemnités journalières,
soit 15 milliards d'euros. Si la tendance des arrêts de travail de complaisance
persiste, le coût des indemnités journalières atteindra les 23 milliards d'euros par an en 2027, d’autant plus
facilement qu’une pratique en plein développement peut être dévoyée à cette fin :
la télémédecine. Malheureusement, cette dernière facilite l’obtention de ce
type d’arrêts à leurs adeptes chroniques. Les abus restent limités en volume,
mais augmentent de 200 % par an.
Le ministre a porté l'an
dernier au budget de la sécurité sociale une mesure pour demander que les
arrêts de travail ne soient plus remboursés lorsqu'ils ont été prescrits en
téléconsultation par un médecin qui n'est pas le référant. La mesure a été censurée
par le Conseil constitutionnel. Il faudrait pourtant trouver un texte, qui
responsabilise tous les maillons de la chaîne, pour circonscrire ce problème. Le
médecin qui surprescrit les arrêts du lundi ou du vendredi doit ouvrir les
yeux.
D’autres réformes structurelles sont nécessaires, notamment sur la fonction publique. Il n’y a pas eu d’objectif fixé de suppression de postes en 2022. Néanmoins, observons que ces dernières années, Bercy a réduit de 30 % les effectifs de la direction générale des finances publiques, passant de 150 000 agents à 100 000 grâce à la numérisation, la dématérialisation, et la simplification. Selon Gabriel Attal, cette politique qui a fait ses preuves dans un ministère fonctionnera dans d'autres administrations. Mais il faudra assumer de suivre cette ligne.
Cyrille
de Montis
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