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Lancé mercredi matin, ce temps fort
de la profession se déroule jusqu’à vendredi au parc des expositions de
Montpellier. Un congrès axé sur la digitalisation des cabinets d’expertise
comptable, à l’approche de la généralisation de la facture électronique. L’un
de ses rapporteurs, Dominique Périer, nous en explique les enjeux.
JSS : Le congrès est
cette année dédié en grande partie à la facture électronique, qui doit être
généralisée dans les prochains mois, alors que la date initiale – le 1er
juillet 2024 – a été abandonnée et qu’une nouvelle date doit être annoncée
prochainement. Comment la profession s'est-elle préparée à cette généralisation
?
Dominique Périer : En
effet, la généralisation a finalement été
reportée. Apprendre une telle nouvelle au mois de juillet
alors nous travaillons sur ce sujet depuis un certain nombre de mois voire
d’années, c’est un peu vexant.
Pour répondre à votre
question, notre profession est en cours d’adaptation. C’est d’ailleurs tout
l’intérêt du congrès cette année : aider les confrères à prendre en main le
sujet, qui est primordial. On a travaillé dur à ce titre, et j'espère que cela
va fonctionner ! Ce qui est très rassurant, c'est que le nombre d'inscrits
montre que la profession se mobilise sur cette question, puisqu’il s’agit du plus
gros congrès qui n'ait jamais eu lieu.
Deux points seront plus particulièrement
évoqués. Tout d’abord, le volet fiscal (au sujet de la remontée des factures
directement à Bercy pour le calcul de la TVA, ndlr). L’autre axe concerne la
partie business, puisque la facturation électronique n'est que, selon moi, la
dernière marche de la digitalisation des entreprises et de l'économie. Les cabinets d’expertise-comptable se
sont approprié ce sujet depuis plusieurs années, notamment en matière de liasse
fiscale, de fiches de paye et de relevés bancaires, qui sont automatisés dans une majorité d’entre
eux. Il manquait le dernier élément que sont les factures.
Je pense que le congrès va
permettre aux confrères d’appréhender un peu plus cette partie-là, laquelle va
avoir pour conséquence un meilleur accompagnement des entreprises et un
changement dans l’organisation des cabinets.
JSS : En quoi
l’organisation au sein des cabinets sera-t-elle différente ?
D.P : La
facture électronique emporte un sujet d’accélération des flux. Cela va aussi
faciliter un certain nombre de traitements, car nous allons pouvoir récupérer
de la data auprès des factures, ce qui va faciliter un certain nombre de
choses.
Aussi, à partir du moment où
un système complet de digitalisation est en place, les cabinets vont devoir
repenser leurs processus. Hier, on ne pouvait travailler qu’une fois que l'on
avait les éléments en notre possession, ce qui arrivait une fois par mois, par trimestre ou par an, selon le client. On traitait donc les éléments
comptables avec du décalage - voire beaucoup de décalage, dans certains cas. Demain,
avec la facture électronique, on aura tout au fur et à mesure. Il n’y aura plus
de problématique de report puisque tout se fera à l'instant T. On pourra
accompagner les clients au fil de l’eau, et sans délai.
De fait, ceux-ci vont nous
demander plus d'informations, et plus rapidement, au même titre que le public
souhaite avoir une information plus rapidement depuis qu’Internet et les
réseaux sociaux sont arrivés.
Les confrères vont devoir repenser
l'organisation de leur cabinet tant sur les processus que sur la relation
client et les ressources humaines, à travers des formations pour acquérir de
nouvelles compétences. Peut-être qu'il faudra aussi créer des postes ou des profils qui
n'existent pas aujourd'hui car de nouveaux métiers vont apparaître.
JSS : Au-delà de la
profession, les entreprises sont-elles prêtes ?
D.P : Celles
avec qui on en parle, oui. Elles voient cette généralisation sous un angle
bénéfique par rapport aux principes de la digitalisation des éléments et de la facilitation
des transferts de flux. Sur le sujet fiscal, les PME-TPE attendent beaucoup des
experts-comptables pour qu'on les accompagne dans cette bascule.
Dominique Périer est l'un des deux rapporteurs du 78e congrès des experts-comptables
Pour ce qui est des grandes
entreprises, certaines ne sont pas encore prêtes mais ne sont pas contre le
modèle. Elles sont plutôt confrontées à une problématique de délai de mise en
place pour que cela fonctionne correctement. Globalement, je pense que les entreprises
sont plutôt favorables à cette mutation.
JSS : Vous avez été à
l'initiative de la plateforme "jefacture.com". Quel est son but ?
D.P : Cette
plateforme, que l'on a initiée il y cinq ans, est gérée par une filiale de l'Ordre.
Son objectif est de faciliter la vie des entreprises et des cabinets. Les
entreprises déposent leurs factures dessus, puis elles sont analysées et
validées. Les informations nécessaires à la déclaration de la TVA sont ensuite
envoyées à Bercy, puisque l’avantage principal de l’administration est de
limiter la fraude à la TVA. Et les entreprises peuvent recevoir la facture en
direct par mail lorsqu’elle est validée.
La plateforme a candidaté
auprès de l’administration pour devenir une plateforme de dématérialisation
partenaire (PDP).
JSS : La data fait
partie des autres thèmes phares du congrès. Comment l'expert-comptable peut-il
tirer profit de l'explosion du nombre de données traitées en raison de la
généralisation de la facture électronique ?
D.P : Les
données récupérées leur permettront de faire des analyses statistiques, à
condition d’avoir un « data lake » (un emplacement de
stockage de données en grande quantité, ndlr), car il faut que
l'échantillon que l'on utilise soit suffisamment conséquent pour pouvoir faire
des comparatifs. Ce qui veut dire que les données obtenues sur un dossier
pourraient être comparées sur un secteur d'activité particulier ou une région. Cela
peut permettre de vérifier si son client est dans les clous ou non.
Il va falloir que nous
apprenions à traiter et analyser tous ces nouveaux éléments différemment et à être
réactifs auprès de nos clients. Les intelligences artificielles qui existent
aujourd'hui vont nous préparer des tableaux d’analyses. Mais il va manquer la
valeur ajoutée que nous, experts-comptables, apportons, c’est-à-dire
l’expérience que l’on a sur les dossiers et sur le marché, pour accompagner nos
clients au mieux.
JSS : Le Guichet unique
des entreprises a connu des difficultés depuis
son lancement au début de l'année. Quelles conséquences
pour les experts-comptables ?
D.P : Dans
notre cabinet, nous avons eu beaucoup de
difficultés et avons pris du retard dans le traitement des dossiers au niveau
du service juridique. Les clients sont tout à fait au courant de ce qui se
passe, mais cela tend forcément les relations et cela oblige à revenir sur les
dossiers, à vérifier que tout va bien fonctionner. C'était malgré tout un beau
chantier qui nous a largement occupés. Il a fallu gérer les équipes du service
juridique qui étaient sous tension.
Actuellement, ce n’est pas
terminé et il reste encore quelques sujets à traiter. Mais globalement, on est
sur la phase positive du projet.
JSS : Le Conseil a lancé
en juillet dernier le réseau des ambassadeurs du climat. Quel est son objectif
?
D.P : Vu
de ma fenêtre, le but des ambassadeurs du climat et de parler et de diffuser de
l'information auprès des cabinets des entreprises pour motiver les entreprises
à rentrer dans ce monde d'adaptation de nos pratiques, et limiter au mieux les
impacts que nos actions ont aujourd'hui sur le climat.
C’est un sujet dont la
profession s’est emparée et cela accélère très vite. Cela fait partie des
éléments qui intéressent les jeunes : si on leur montre que l’on a une
démarche RSE, on peut capter leur intérêt.
JSS : Le CNOEC a lancé
un label "L'école de la profession", dans le but d'offrir une plus
grande visibilité aux établissements enseignant les métiers de l'expertise
comptable. Selon vous, quelles sont les autres stratégies à mettre en place
pour améliorer l'attractivité de la profession ?
D.P : Le
sujet de l’attractivité de la profession fait clairement partie des
problématiques. Initier une réflexion dans les écoles est une piste
intéressante. Il faut rencontrer les jeunes, et se focaliser sur ceux qui rejoignent
la profession.
Il faudrait aussi adapter
l'enseignement, mais c’est une problématique du ministère de l'Éducation
nationale. Si on veut attirer davantage, il faut travailler sur la partie RH.
JSS : Quelles autres
actualités ayant marqué la profession ces 12 derniers mois retenez-vous ?
D.P : L'inflation
et l'accompagnement des clients sont au cœur de nos préoccupations. Avec toutes
les aides supplémentaires qui ont été accordées aux entreprises, cela rajoute
toujours plus de couches administratives, pour le bien - ou pas - des
entreprises. La demande d’accès à ces aides n’est pas d'une grande simplicité, mais
il est important d’accompagner nos clients.
Propos
recueillis par Alexis Duvauchelle
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