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Dans son rapport annuel
d’activité pour l’année 2023, la Cour de cassation note que la diminution
enregistrée atteint 15 %.
La Cour de cassation a
publié, début juillet, son rapport annuel d’activité pour l’année 2023. Long de
371 pages, il contient notamment un bilan chiffré de la juridiction la plus
élevée de l’ordre judiciaire français, dont l’année a notamment été marquée par
l’arrivée l’été dernier d’un nouveau
procureur général, en la personne de Rémy Heitz, en
remplacement de François Molins. Dans son discours prononcé en début d’année,
le nouveau venu avait salué un parquet général de la Cour de cassation qui
« a joué [en 2023] avec rigueur et vitalité le rôle qui lui est dévolu
: s’assurer du respect de la loi, appréhendée comme une matière vivante dont
l’interprétation doit être favorable au bien commun ».
Premier constat : le
nombre de demandes principales continue de chuter, étant au nombre de 21700,
contre 23 000 en 2022 et 24 920 en 2019. En cause, la baisse du
nombre de pourvois, qui représentent environ 98 % du total des demandes. C’est
en matière civile que la baisse est la plus marquée : en chute constante
depuis 2018 (hors 2021 en raison de la reprise post-covid), le nombre de
demandes principales dans cette matière est passé de 16 975 à 14 408,
soit une baisse de plus de 15 % en cinq ans.
Une baisse du nombre de
décisions prononcées par les cours d’appel
Chiffre notable, 91,9 % des
demandes principales émanent des cours d’appel. Et la Cour de cassation
remarque une baisse du nombre des décisions prononcées par ces juridictions,
avec 21 000 arrêts de moins en cinq ans. Ajoutée à une réduction du taux
de pourvoi des décisions au fond des cours d’appel ces dernières années,
passant de 9,8 % en 2018 à 8,8 % en 2022, cela explique donc la baisse du
nombre de demandes principales. Ce taux de pourvoi diffère grandement selon les
cours d’appel, variant de 5,1 % pour celle d’Angers et 13,4% pour celle de
Bastia.
Les décisions concernant des
litiges économiques et financiers font particulièrement l’objet de pourvois en
cassation, principalement des dossiers sur la responsabilité et les
quasi-contrats, ainsi que sur le droit des affaires, où le taux de pourvoi
dépasse les 15%.
Les délais de traitement au
sein de la Cour de cassation des pourvois en matière civile sont pour autant
sur une pente ascendante, avec en moyenne 15,8 mois en 2023 contre 14 mois en
2019.
Ainsi, le nombre de pourvois en
stock pour cette matière atteint le nombre de 20000, sur 22800 pourvois en
stock au total. Des chiffres relativement stables sur un an.
Au total, 11 513 pourvois ont
été transmis aux chambres civiles. 35 % d’entre eux sont arrivés à la chambre
sociale, 24 % à la deuxième chambre civile (procédure civile, sécurité sociale,
élections,…) , 15 % à la première (droit des personnes et de la famille,
protection des consommateurs, propriété mobilière,…), 14 % à la troisième (propriété
immobilière, construction, copropriété,…) et 12 % à la chambre commerciale. Près
de la moitié de ces pourvois relèvent du droit du travail et de la protection
sociale, loin devant les contentieux concernant les contrats et obligations
civils, trois fois moins nombreux.
Les relations avec la CEDH
renforcées
Le rapport fait également un
bilan des relations entretenues entre la juridiction et les institutions
européennes et internationales. Il relève notamment la tenue de plusieurs
rencontres avec la Cour suprême de cassation italienne, où a été abordée la
question de l’équipe autour du juste et des juristes assistants. « De
nouvelles thématiques ont émergé lors des échanges, notamment la question des
données de connexion et l’open data des décisions de justice », note
la Cour de cassation.
La coopération s’est
également poursuivie avec l’Union européenne dans le cadre du programme
d’échanges de magistrats mis en place par le Réseau des présidents des Cours
suprêmes judiciaires de l’UE (RPCSJUE). Plusieurs magistrats de la Cour de
cassation ont effectué des visites d’étude au sein des Cours suprêmes membres
du RPCSJUE. Par ailleurs, dans ce même programme d’échanges, la Cour de
cassation a accueilli plusieurs magistrats de la Cour suprême de cassation
d’Italie, de la Cour suprême de Norvège et de la Cour fédérale de justice
allemande.
Les relations entre la Cour
de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont été
renforcées 2023, priorité pour la juridiction française « dans un
contexte européen marqué par des remises en cause de l’État de droit et de
l’institution judiciaire ».
Côté fonctionnement interne
de la Cour de cassation, le rapport note l’implantation au 1er
janvier 2023 d’une nouvelle nomenclature des affaires orientées, afin de
permettre de meilleures exploitations statistiques. Un comité de suivi a été
mis en place pour surveiller le déploiement de cette classification.
Sur le numérique, la Cour de
cassation a poursuivi plusieurs chantiers pour améliorer la diffusion des
décisions de justice sur Judilibre. Au 31 décembre 2023, un total de
827 255 décisions (de la Cour de cassation, des cours d’appel, mais aussi
quelques-unes des tribunaux judiciaires, depuis un
changement législatif intervenu en toute fin d’année 2023)
étaient disponibles en open data. Pour la seule année 2023, 12 576
décisions de la Cour de cassation ont été publiées.
Plusieurs nouvelles propositions
de modifications législatives et règlementaires
La Cour de cassation a aussi,
comme chaque année, suggéré des modifications législatives et règlementaires.
Côté droit des sociétés, la Cour propose de modifier l’article L.621-30 du Code
monétaire et financier, qui dispose que les décisions prononcées par la
commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) « peuvent
faire l'objet d'un recours par les personnes sanctionnées et par le président
de l'Autorité des marchés financiers, après accord du collège. En cas de
recours d'une personne sanctionnée, le président de l'autorité peut, dans les
mêmes conditions, former un recours », recours qui doivent être
déposés dans un délai de deux mois à compter de la notification ou de la
publication de la décision. Les deux droits de recours au président de
l’autorité lui ont été accordés en 2010.
Mais la juridiction observe
qu’un recours du président de l’AMF pourrait conduire à une aggravation de la
sanction, à la différence du recours de la personne sanctionnée. « Lorsque
le président de l’AMF exerce son recours peu de temps avant l’expiration du
délai, la personne sanctionnée peut ne plus être en mesure d’en tirer les
conséquences quant à l’opportunité de son propre recours principal, en
particulier dans l’hypothèse où la décision de la commission des sanctions n’a
retenu qu’une partie des griefs notifiés et que le recours du président de
l’AMF ne concerne que les griefs qui n’ont pas fait l’objet d’une sanction »,
déplore la Cour de cassation, soulignant un risque d’inégalité dans l’exigence
d’un procès équitable.
Elle propose donc d’intégrer la
possibilité pour la personne sanctionnée de faire un recours dans un délai
raisonnable à la suite d’un recours du président de l’AMF. Consultée par la
Cour, la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) n’est pas opposée et
a saisi la direction générale du Trésor.
Une mise en égalité du
pouvoir de dérogation du président de la chambre criminelle
La Cour de cassation demande
aussi, côté procédure pénale cette fois, d’élargir le pouvoir de dérogation
accordée par le président de la chambre criminelle. Actuellement, le CPP
dispose qu’un demandeur en cassation condamné pénalement ou le ministère public
peuvent faire parvenir un mémoire contenant ses moyens de cassation directement
au greffe de la Cour de cassation au plus tard un mois après la date du pourvoi,
sauf en cas de dérogation accordée par le président de la chambre. Les autres
parties disposent quant à eux d’un délai de dix jours.
À
lire aussi : Cour de cassation : faire progresser le
droit appliqué
Une inégalité de traitement
que souhaite faire disparaître la juridiction suprême : « Une
partie civile peut être confrontée à une difficulté sérieuse l’empêchant de
présenter utilement un mémoire devant la Cour de cassation, notamment lorsque
la décision prononcée contradictoirement n’a pas été formalisée ou ne lui est
pas remise à personne, l’empêchant ainsi de critiquer utilement les motifs de
l’arrêt attaqué. » La Cour souhaite donc « élargir le pouvoir
de dérogation du président de la chambre criminelle à tout demandeur au
pourvoi, hors hypothèses des dossiers soumis à délais légaux ».
Alexis
Duvauchelle
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