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Face à la menace brandie par Donald Trump d’instaurer des droits de douane à hauteur de 30 % sur les produits européens, le ministre de l'Industrie a réuni, mardi 22 juillet à Bercy, un Conseil national de l’industrie qualifié d’« exceptionnel ». À l’issue de cette réunion, Marc Ferracci a évoqué la possibilité d’une « riposte ».
« Certaines filières nous
ont fait part d’un risque mortel si l’aventure des droits de douane à 30 %
devait être appliquée. Face à tout cela, la position de l’Europe doit être une
position de négociation, mais également une position de fermeté. » Lucide
sur l’épée de Damoclès que représente la taxation envisagée par le président
des États-Unis, mais déterminé à défendre les intérêts français, Marc Ferracci
s’est exprimé ce mardi 22 juillet à Bercy. Le ministre chargé de l’Industrie et
de l’Économie venait alors de réunir les acteurs industriels à l’occasion d’un Conseil national de l’industrie (CNI) qualifié
d’« exceptionnel ».
Ce jour-là, l’ancien député n’a
pas caché sa frustration : « Ce qui s’est passé depuis trois mois, ce
sont des négociations qui n’ont pas abouti au résultat escompté, c’est-à-dire
un changement de position de l’administration américaine, qui a même durci sa
position. Aujourd’hui, les Etats-Unis témoignent de la volonté d’obtenir un
accord asymétrique. »
Les conséquences d’une telle
mesure seraient, selon lui, « extrêmement lourdes pour nos territoires, pour
l’emploi industriel, pour notre économie dans son ensemble et pour notre
nation. » Le ministre a rappelé les précédents, citant l’exemple de 2019 :
« Lorsqu’on a augmenté de 25 % les droits de douane sur le vin, les
exportations ont chuté de 50 %. Donc, on voit bien que des droits de douane
d’un niveau comme celui annoncé par l’administration américaine, c’est-à-dire
de 30 %, auraient des conséquences absolument dramatiques sur l’ensemble des
chaînes de valeur. »
Toutefois, s’il espère
toujours un accord « équilibré » et une évolution de la posture de
négociation, Marc Ferracci ne se fait pas d’illusions : « Nous devons
désormais changer de méthode. C’est ça le message principal qui a été passé
lors de ce CNI. »
« 90 milliards d'euros
de produits américains » au cœur de la riposte
européenne
Bien conscient qu’un échec
des négociations restait une hypothèse plausible, Marc Ferracci a averti qu’« un
certain nombre de ripostes » pourraient être mises en œuvre si aucun accord
n’était trouvé d’ici le 1er août. À ce stade, un premier plan de
contre-mesures a déjà été validé, ciblant plus de 90 milliards d’euros de
produits américains susceptibles d’être taxés par la Commission européenne.
Ce dispositif inclurait
notamment des hausses de droits de douane sur 21 milliards d’euros de
marchandises, parmi lesquelles figurent le soja ou encore la volaille. Un
second plan, plus large encore, a été préparé en parallèle. Celui-ci porterait
sur 72 milliards d’euros de biens supplémentaires, avec un accent mis sur le
secteur aéronautique, en particulier les avions de Boeing.
Marc Ferracci a aussi évoqué
la possibilité d’activer l’« instrument anti-coercition » instauré en
2023, permettant par exemple de restreindre la publicité en ligne sur certaines
plateformes numériques ou de durcir les contrôles à l’export. Des leviers,
selon lui, indispensables pour « se mettre dans une posture de négociation
qui soit plus ferme, et qui soit plus crédible ».
Le ministre a insisté : « Nous
avons besoin, au fond, de retrouver du sérieux dans la relation commerciale
transatlantique. » Dernier message porté à l’issue de ce Conseil
national de l’industrie, celui de l’unité. « L’industrie française est unie
», a affirmé l’ancien conseiller de Jean Castex, appelant à préserver un « esprit
collectif ».
Une surenchère des États-Unis ?
Enfin, si les mesures de
rétorsion devaient entraîner une riposte américaine, et une possible surenchère
tarifaire - à l’image de ce qui s’est produit par le passé avec le Canada ou la
Chine - Marc Ferracci a estimé qu’il ne fallait pas reculer, tout en
reconnaissant l’existence d’un risque. « Nous souhaitons depuis le début éviter
une escalade, mais la lucidité oblige à constater que, d'abord, des tarifs
s’appliquent en ce moment de la part des États-Unis. »
Des droits de douane de 10 %
frappent actuellement environ 70 % des produits, avec des hausses pouvant aller
jusqu’à 50 % sur certaines productions, comme l’acier. Des chiffres que le ministre
a jugés sans appel : « C’est déjà une perte pour l’économie européenne,
c’est déjà une perte pour nos entreprises. C’est déjà un risque de voir
diminuer leur part de marché. Et c’est potentiellement un risque pour l’emploi
dans nos territoires en ce moment même. Cette situation n’est pas acceptable,
et je ne parle même pas de celle qui se concrétiserait si l’administration
américaine devait porter à 30 % les droits de douane. »
Et de conclure : « Il faut
poser les risques. Nous posons tout sur la table pour être dans une posture
d’échange, de dialogue. Mais à un moment ou un autre, il faut aussi envisager
des options concrètes pour permettre à la négociation d’aboutir. Et de ce point
de vue, des mouvements sont nécessaires. »
Romain Tardino
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