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Un webinaire au sommet organisé par Second Souffle
Le 8 mai dernier, l’association Second Souffle a organisé un webinar sur le thème « Entreprendre est un sport de haut niveau. Duel au sommet ! » Les témoignages de Julien Renauld, alpiniste expert et entrepreneur dans les assurances et celui de Nicolas Doucerain, autodidacte et entrepreneur ont mis en évidence les similarités entre la gestion d’une entreprise et l’ascension d’une haute montagne. Bien s’entourer, repousser ses limites, surmonter ses angoisses, prendre les bonnes décisions… Autant de qualités indispensables que l’on soit sportif expérimenté ou chef d’entreprise.
La conférence en ligne a été animée par William Prot, membre de Second Souffle, association dont la raison d’être est d’aider les entrepreneurs à rebondir. Les intervenants ont commencé par retracer leur parcours personnel.
Deux entrepreneurs dans l’âme
À 45 ans, Julien Renauld, originaire de Nancy, non loin des Vosges (« les Vosges, petites montagnes, mais montagnes quand même ! » a-t-il plaisanté), est un alpiniste expérimenté. On compte à son palmarès l’ascension de l’Aconcagua et du Kilimandjaro, l’ascension du Mont-Blanc à ski et descente de la face Nord, l’ascension de la Dent du Géant, la course ultra-trail UTMB Petite Trotte à Léon (300 kilomètres et 30 000 mètres de dénivelé positif), etc. Mais celui-ci est également entrepreneur dans les assurances et créateur de start-up. Comment a-t-il gravi les plus hauts sommets du monde tout en gardant un pied dans le monde de l’entreprise ?
Pour ce dernier, son parcours sportif est en fait totalement lié à son expérience professionnelle.
Julien Renauld est titulaire d’un DESS en droit des assurances. Pourquoi ce domaine ? Comme il l’a raconté, l’assurance s’est présentée à lui un peu par hasard. En effet, au départ, Julien Renauld voulait être avocat fiscaliste, un métier qui l’aurait passionné, « mais sans doute pas très longtemps », c’est pourquoi il s’est plutôt tourné vers l’assurance.
En outre, selon lui, l’assurance permet de « voir du monde », et d’être à son compte. « Depuis tout petit, j’avais envie d’être entrepreneur cela se manifestait par le fait que j’étais assez autonome, assez solitaire » a-t-il déclaré.
Avant de se lancer dans l’entrepreneuriat, Julien Renauld a voulu faire de l’apprentissage. Il a donc été conseiller dans des compagnies d’assurance et des gros cabinets de courtage pendant environ dix ans. Cette expérience lui a permis, selon lui, de se construire un réseau, d’adopter les bons réflexes et de se forger une vraie culture assurantielle.
Au bout de dix ans, ce dernier a décidé de racheter un cabinet d’assurance – ORT Assurances – avec deux associés.
Malheureusement, au bout d’un an, son associé fondateur est décédé. Il a donc été obligé de tout réorganiser : « J’ai réussi à m’en sortir, mais ça m’a coûté un gros burn-out » s’est-il confié.
À l’en croire, Julien Renauld s’en est sorti grâce au sport, à sa famille, à ses amis, mais également grâce à une thérapeute qui lui a appris à faire de l’autohypnose pour repousser la souffrance et la douleur.
Avec cinq collaborateurs, il a pu, par la suite, reprendre le cabinet.
L’assureur s’est ensuite lancé comme objectif de monter une start-up avec un ami, car il avait envie « de révolutionner un peu le monde de l’assurance ». Un univers, selon lui, « un peu sclérosé ». « Je voulais pouvoir développer un nouveau mode de distribution et redonner l’écoute aux clients, des valeurs qui se perdent dans le monde de l’assurance », a-t-il affirmé.
Comment lui est venue la passion pour l’alpinisme ? Julien Renauld a commencé à faire un peu de ski de fond dans les Vosges.
Le père de son ex-compagne était en effet féru de montagne, et c’est lui qui, en quelque sorte, lui a transmis cette passion. « J’ai basculé dedans il y a 25 ans, quand, plus qu’un sport d’hiver, j’ai fait du ski un mode de vie, un challenge un défi, décidant d’en repousser les limites » a-t-il révélé.
Mais avant de passer à l’alpinisme, il y a eu plusieurs étapes. Julien Renauld est passé par une phase de ski à outrance, a ensuite basculé sur le ski de randonnée (« pour contempler la nature »), puis au ski de couloir, beaucoup plus violent. « Je suis allé jusqu’à 40°, ce qui est déjà pas mal. On est là dans l’extrême concentration. Il ne faut pas faire le moindre faux pas », a-t-il raconté.
En 2018, par manque d’attention, le skieur a d’ailleurs eu un grave accident : « j’ai failli y rester, je me suis cassé les deux genoux, les ligaments croisés », s’est-il remémoré.
Celui-ci a ensuite fait de l’ultra-trail, c’est-à-dire du marathon de montagne : « les sportifs partent de nombreux jours et dorment très peu ».
Plus précisément, il a fait l’ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB) qu’on appelle aussi la Petite Trotte à Léon, avec ses 300 kilomètres et 30 000 mètres de dénivelé, soit à peu près Nancy-Strasbourg.
« Cette course a complètement changé mon approche de la vie professionnelle et personnelle » a-t-il affirmé, « Je me suis dit que le corps humain pouvait aller loin. On nous parle de l’intelligence artificielle, mais quand je vois où j’ai pu pousser mon corps, je me dis que les machines ont encore à apprendre de nous », a-t-il déclaré.
Bref, en tout celui-ci a couru pendant 136 heures, passé 33 cols, et ce malgré la pluie et la grêle.
Parallèlement à tout cela, le sportif de haut niveau a commencé l’alpinisme. « Cela fait une dizaine d’années que je m’y suis mis pleinement », a-t-il raconté. Il a commencé par le Mont-Blanc, puis a poursuivi en très haute montagne, comme le Kilimandjaro en 2014.
« Je dormais dans des tentes de 3 m², donc j’ai l’habitude du confinement » a-t-il rapporté non sans humour. Il a fallu en outre gérer le mental, l’absence de ses proches et le manque d’oxygène. « On était dix dans notre cordée et finalement ça s’est divinement bien passé » a-t-il affirmé, avant de céder la parole à Nicolas Doucerain, son ami de longue date.
Nicolas Doucerain, entrepreneur, a lui aussi connu des hauts puis des bas avant de rebondir.
« Je serais totalement incapable de faire ce que fait Julien » a-t-il avoué. Nicolas Doucerain a en effet le vertige et ne pense pas avoir les capacités physiques d’un grand sportif.
Néanmoins, pour lui, il existe de nombreux points communs entre leurs deux parcours. « Gravir 8 000 mètres, cela ne se décide pas comme ça en 24 heures. Il faut monter une équipe, réunir un budget, se préparer mentalement, psychologiquement. Il faut savoir reculer, partir au bon moment, et ensuite fonctionner étape par étape. Finalement, quand on monte une entreprise, eh bien c’est exactement la même chose » a-t-il affirmé.
Pour lui, le rôle du chef d’entreprise est d’avoir la capacité de donner vie à une idée. Et pour donner vie à cette idée, il faut réunir des talents autour de soi, des compétences qui vont venir compléter les points faibles de chaque membre de l’équipe. Pour qu’une entreprise soit pérenne, se développe, génère de la richesse, et soit en capacité d’apporter le meilleur service à ses clients, il faut également trouver du budget, des moyens logistiques, des moyens humains et des moyens technologiques. « C’est d’autant plus important qu’aujourd’hui on est en pleine crise », a-t-il ajouté.
Entrepreneur depuis son plus jeune âge, Nicolas Doucerain est autodidacte. « J’ai créé ma première entreprise quand j’avais 11 ans. Je faisais des livraisons de petit-déjeuner à domicile dans la banlieue parisienne et dans les Yvelines » s’est-il remémoré.
Et puis, à 19 ans, ce dernier a créé son cabinet de conseil en ressources humaines.
« J’ai démarré seul dans un bureau de 10 m². J’ai appris de mes concurrents, j’ai observé parce que je ne connaissais rien à l’informatique, ni aux ressources humaines » a-t-il révélé.
En gros, celui-ci a confectionné son propre modèle avec intelligence, en prenant les bonnes idées à droite et à gauche.
Cette petite entreprise, nommée Solic, a généré à peu près 35 % de croissance par an pendant 12 ans, de manière ininterrompue, « avec des difficultés, des problèmes financiers, des mini-crises, des baisses de moral, des phases d’euphorie… » a-t-il ajouté.
Petit à petit, Solic est passée de 20 salariés à 92 collaborateurs.
Ainsi, jusqu’en 2008, son entreprise réalisait en consolidés 10 millions d’euros de CA. Celle-ci comptait sept bureaux, en France, en Suisse et en Algérie, « où l’on accompagnait nos grands groupes français et européens dans leur déploiement au Maghreb ».
La crise de 2008 a mis un coup d’arrêt à tout cela. La faillite de Lehman Brothers (avec des pertes de près de 600 milliards de dollars), le 15 septembre 2008, lui a fait perdre en deux mois 55 % de son chiffre d’affaires. « Ça a été une chute, une descente aux enfers. Personne n’a vu venir cette crise. Elle est arrivée violemment un matin à 5h sur BFM », a-t-il raconté.
« J’étais très loin d’imaginer en me levant ce matin-là que la faillite de cette banque allait provoquer un tsunami, une vague monumentale capable de renverser toute une partie de l’économie et de frapper ma petite entreprise dont le siège social était basé à Issy-les-Moulineaux » a-t-il poursuivi.
Cette descente aux enfers a duré environ neuf mois. Des deux millions et demi d’euros de trésorerie que Nicolas Doucerain avait sur son compte bancaire, il n’en restait plus que 200 000, sept mois après. Et à cette époque-là, les aides de la BPI n’existaient pas.
Simultanément, les banques étaient asphyxiées, il n’y avait plus de trésorerie. « Il existait une tension extrême entre les entrepreneurs et les banquiers » a-t-il affirmé.
La politique de la France était de se focaliser sur les grands groupes, alors que les PME et les ETI étaient durement impactées avec des chutes vertigineuses et des faillites par dizaines de milliers.
Au total, en moins d’un an, il y avait 1,9 million de chômeurs de plus dans l’Hexagone. Et le PIB a plongé de 2 %, « du jamais vu ». « On a même cité la crise de 2008 comme la plus violente depuis 1929 » s’est rappelé Nicolas Doucerain.
Pour ce dernier, la crise que nous traversons aujourd’hui est une crise sanitaire, certes, mais c’est aussi une crise de confiance, une crise politique et économique.
Il s’agit en effet d’une crise économique majeure, car le PIB va plonger au minimum de 9 % et, pour certains experts, nous devrions tomber entre -12 % et -15 %.
« Cette crise est donc beaucoup plus grave que celle de 2008, elle va demander des entrepreneurs beaucoup plus d’agilité, et une plus grande capacité à s’adapter » a affirmé Nicolas Doucerain.
Optimiste, celui-ci est cependant certain que l’on peut s’en sortir avec de bonnes ressources, une bonne préparation, et à condition d’être bien entouré. C’est d’ailleurs ce que lui-même est parvenu à faire après la crise de 2008. Une histoire qu’il a racontée en 2012 dans un ouvrage intitulé Ma petite entreprise a connu la crise.
Après avoir attentivement écouté les récits de ses invités, William Prot s’est demandé quels étaient les points communs entre une expédition alpine et l’entrepreneuriat ? Quels conseils donner à quelqu’un qui veut monter son entreprise ? <
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