Entretien avec Laurent Munerot, Président de la CRMA IDF


jeudi 5 avril 20187 min
Écouter l'article

Laurent Munerot a été réélu, en novembre 2016, Président de la Chambre Régionale de Métiers et de l’Artisanat d’Île-de-France (CRMA IDF). Représentant ainsi plus de 193 000 entreprises artisanales franciliennes, réunies autour des huit chambres de métiers et de l’artisanat départementales, il est le porte-parole de l’artisanat régional auprès des différentes instances d’Île-de-France. La CRMA IDF a renouvelé, le 18 février dernier, sa convention de partenariat avec l’Institut national des métiers d’art, lequel organise, avec le soutien de ses partenaires, les Journées européennes des métiers d’art qui se tiendront en avril prochain, et ce, dans toute la France et en Europe. « Futurs en transmission », tel est le thème choisi pour cette 12e édition. Dans le cadre de cet événement, le Journal Spécial des Sociétés a souhaité recueillir le témoignage de Monsieur Munerot, soutien de cette manifestation, concernant la place qu’occupent les métiers d’art en Île-de-France, l’intérêt de les promouvoir et l’importance, dans ce secteur, de la formation et de l’apprentissage.




Du 3 au 8 avril prochains se tiendront, sur tout le territoire national, les Journées européennes des métiers d’art. Quelle place occupent les métiers d’art en Île-de-France ? En quoi est-ce important, pour vous, de promouvoir ce secteur ? La défense de l’artisanat passe-t-elle aussi par la défense des métiers d’art ?


En tant que Chambre Régionale des Métiers et de l’Artisanat, il est de notre devoir d’accompagner tous les artisans, et ceux des métiers d’art en font partie. Participer à ces Journées européennes des métiers d’art (JEMA), c’est avant tout faire découvrir au grand public ces professions d’excellence, parfois peu connues.
À cette occasion, l’ouverture de nombreux ateliers permet de faire connaître à un public plus large un réel savoir-faire, mais aussi la grande diversité des métiers d’art. Ces journées offrent aussi une visibilité à ces artisans de proximité, qui habitent dans la même ville que les visiteurs venus découvrir leurs travaux directement chez eux, dans leur atelier, et non dans un grand salon « impersonnel ». C’est un rapport privilégié, authentique, entre le visiteur et l’artisan qui est ici défendu. Bien plus qu’un produit fini, le public y découvrira également tout le travail réalisé en amont, justifiant ainsi la différence avec les produits industriels réalisés en série.


Afin de guider les visiteurs, les chambres départementales ont conçu pour l’événement des parcours « découverte », alimentés par la grande diversité des métiers d’art. C’est la mission de la CRMA IDF de participer à ces journées.


 


Cette année, les Journées seront axées autour d’un thème commun : « Futurs en transmission ». La formation professionnelle et l’apprentissage sont des priorités pour les chambres de métiers et de l’artisanat. Quels sont les objectifs derrière cette thématique ?


Cette thématique implique inévitablement la question de l’apprentissage et de la transmission des savoir-faire. L’État a confié aux chambres de métiers et de l’artisanat ces missions. Le flux d’élèves ne permet pas toujours d’ouvrir des classes dans lesquels sont enseignés les métiers d’art. Aussi, l’apprentissage, avec un formateur qui connaît la technique, est indispensable. Il existe encore une fois une grande variété dans les métiers d’art, on en compte en effet environ deux cent cinquante, du doreur de tableau au bijoutier en passant par le céramiste. Cette grande diversité suppose la pratique de techniques diverses. Ces Journées visent à donner envie au public de découvrir ces pratiques, qui intéressent également les personnes en reconversion professionnelle. Ces métiers demandent une formation et un accompagnement, l’alternance est un excellent  moyen d’apprentissage.


Dix-neuf pays européens – dont la France – participent à cette manifestation. Pourquoi la défense de ce secteur demeure-t-elle un défi européen ?


Comme on a l’habitude de le dire, « nous sommes plus forts ensemble ». Cet élargissement sur dix-neuf pays d’Europe permet d’offrir à ces journées une plus grande visibilité, et ce, dans tous les pays. Ce regroupement européen donne plus de poids à l’action. La CRMA IDF est, par exemple, en partenariat avec l’Allemagne ; il existe un partage du savoir-faire. Les métiers d’art dépassent les frontières.


 


Le numérique investit la société, modifiant ainsi la façon de pratiquer tel ou tel métier, tous secteurs confondus. Quelle place le digital occupe-t-il au sein des métiers d’art ?


Tout comme dans de nombreux domaines, les métiers d’art sont « atteints » par le numérique. Dans la bijouterie ou la joaillerie par exemple, certains objets sont conçus grâce à une assistance par ordinateur. Les imprimantes ou encore les outils numériques (telles que les découpes laser) permettent ainsi aux artisans d’utiliser de nouveaux matériaux ou de faciliter certaines créations. Le numérique touche aujourd’hui toutes les spécialités.


 


Dans le cadre de ces Journées européennes, quel est le rôle de la CRMA IDF ?


À l’occasion des JEMA, la Chambre régionale de métiers et de l’artisanat d’Île-de-France joue un rôle de passeur d’informations auprès du public francilien (affichage, communication digitale…), notamment auprès des petites communes. Des catalogues regroupant les événements organisés dans les départements sont réalisés par les différentes chambres des métiers. Les artisans travaillent parfois de chez eux, ou dans un atelier étroit ne permettant pas d’accueillir un public. Afin de faciliter la visibilité et les déplacements, certaines communes mettent à la disposition d’artisans – pratiquant souvent un métier d’art différent – un lieu devenant, le temps des JEMA, un espace d’exposition. Cela permet un travail en commun et entraîne une véritable cohésion des métiers d’art, que la CRMA IDF défend et veut faire connaître via ces démarches et son travail de diffusion.


 


Comment la CRMA IDF soutient-elle les métiers d’art au quotidien ? Quelle est sa stratégie pour promouvoir ce secteur, notamment auprès des scolaires ?


Cette manifestation n’est pas destinée à être particulièrement diffusée auprès des scolaires, qui ne figurent pas comme public principal. Les lieux ne s’y prêtent pas forcément. Toutefois, la CRMA IDF organise tous les deux ans, au mois de décembre le « Carrousel des Métiers d’art et de création » au Carrousel du Louvre – la 10e édition se tiendra du 6 au 9 décembre 2018. Ce grand espace de 6 000 m2 permet d’accueillir de nombreux visiteurs (31 000 en 2016), trois cents artisans d’art d’exception sont attendus en décembre prochain. À cette occasion sont invitées les scolaires, qui viendront rencontrer les vingt meilleures écoles franciliennes (École Boulle, la Bonne Graine, Olivier de Serres...).


 


L’appellation « métiers d’art » regroupe de nombreuses professions. Quelles sont celles qui sont le plus représentées en Île-de-France ?


La Chambre Régionale de Métiers et de l’Artisanat d’Île-de-France répertorie 6 000 artisans d’art, qui pratiquent leur profession dans des entreprises artisanales, et le domaine le plus représenté demeure la bijouterie. Toutefois, une même appellation peut regrouper de nombreuses pratiques différentes ; un céramiste, par exemple, peut pratiquer son métier de multiples façons.


Une nouvelle fois, la diversité est très présente dans les métiers d’art, et c’est aussi cela la richesse de ce secteur et ce qu’illustrent ces Journées européennes.


 


Au lendemain de la Journée internationale des droits des femmes (8 mars), considérez-vous que celles-ci sont suffisamment représentées dans le secteur des métiers de l’art ? Et de l’artisanat en général ?


Dans les métiers d’art, les femmes sont plutôt bien représentées. Ces métiers demandent un certain sens de l’esthétique, qui attire incontestablement les femmes. En général dans l’artisanat, 20 % des postes de chef d’entreprise sont occupés par des femmes. Toutefois, la proportion est diverse selon le secteur : les femmes sont ainsi plus présentes en coiffure ou dans les métiers de l’esthétique (à 98 %) que dans le bâtiment. Cela dit, il n’existe aucune barrière freinant leur présence dans l’artisanat. De plus, de nombreuses femmes sont investies dans les chambres de Métiers et de l’Artisanat : outre l’obligation de parité, elles sont surtout présentes pour leurs compétences et le merveilleux travail qu’elles réalisent au quotidien auprès des artisans.


Dans le cadre de votre mandature, quelles sont vos priorités pour 2018 ?


Notre priorité est la défense de l’apprentissage. Dans l’artisanat, les métiers manuels demandent un contact avec la réalité, le rapport direct avec l’entreprise est obligatoire. Aussi, dans le cadre de la réforme de l’apprentissage, nous sommes, de façon générale, satisfaits par les principales notions retenues par le gouvernement.


Nous sommes également concernés par la lourdeur administrative qui peut, parfois, devenir un frein dans la création ou le développement des entreprises. Notre rôle est d’accompagner les entreprises dans la digitalisation des formalités. Notre aide vise à faciliter la vie des entreprises. Notre priorité demeure la proximité avec les artisans. Ils ont besoin d’être soutenus et attendent de recevoir un service spécifique, offert par les agents des chambres.


Les artisans n’ont dans certains cas, ni DRH ni expert-comptable. Cela ne doit pas être un frein à la création, mais doit devenir une priorité à la qualification. L’accompagnement est primordial. Gérer une entreprise demande des qualifications, aussi, outre notre accompagnement, il est important que les artisans reçoivent en amont une formation initiale, afin de pouvoir assurer la gestion des formalités administratives, mais aussi d’éviter des erreurs qui viendraient bousculer la concurrence et les entreprises artisanales existantes. La formation est une garantie à la stabilité du marché. N’importe qui ne peut faire n’importe quoi. La formation et la qualification dans ce secteur sont primordiales.


 


Propos recueillis par Constance Périn


Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.