Fiscalité du patrimoine : des propositions pour retrouver « plus de justice fiscale »


mercredi 4 octobre 20235 min
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Au terme de leur mission d’information parlementaire, les députés Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu ont exposé leurs observations lors de la commission des finances du 26 septembre. Parmi les propositions, un prélèvement sur le patrimoine des contribuables les plus riches afin de financer la transition écologique.

À l’aube de la loi finance 2024, la commission des finances s’est tenue le mardi 26 septembre 2023 afin d’examiner les recommandations des députés Jean-Paul Mattei (Mouvement démocrate) et Nicolas Sansu (Parti communiste français) sur la fiscalité du patrimoine, à la suite de la mission d’information parlementaire qui leur a été confiée.

Afin de dresser un tableau le plus complet possible, les deux rapporteurs ont organisé des auditions pendant plusieurs mois avec des économistes, des praticiens du monde juridique, financier, immobilier, des associations ou encore des syndicats.

Des inégalités patrimoniales notables

Lors de la séance, Jean-Paul Mattei revient notamment sur les inégalités patrimoniales en France. Selon lui, « la politique monétaire non conventionnelle, certes, a permis de conserver au cours de la dernière décennie l’économie et des emplois, mais elle a aussi conduit à une inflation importante de la valeur des actifs financiers et de l’immobilier au bénéfice des plus aisés ».

Le député note également que « le vieillissement de la population conduit à une concentration du patrimoine dans les catégories les plus âgées, à rebours peut-être des besoins de notre société ».

Par ailleurs, pour le parlementaire, la mondialisation et l’émergence de l’économie numérique participent également à creuser ces inégalités. Ce phénomène étant voué à s’accentuer, Jean-Paul Mattei souhaite interroger le cadre actuel de la fiscalité du patrimoine. En effet, selon le rapport, « 92 % de la masse de patrimoine brut est détenue par la moitié la mieux dotée des ménages » et « l'héritage moyen des 0,1 % plus gros héritiers » représente « environ 180 fois l'héritage médian ».

27 recommandations pour repenser la fiscalité du patrimoine

Afin de repenser la fiscalité du patrimoine actuelle, le rapport liste 27 recommandations. Lors de la commission parlementaire du 26 septembre, Jean-Paul Mattei précise qu’elles peuvent être réparties en trois thèmes : la fiscalité et la détention des revenus du capital financier, la fiscalité des donations et des successions et la fiscalité immobilière.

L’une des recommandations consiste en une retenue à la source pour les plus-values immobilières. Actuellement, il faut compter une année de décalage en cas de cession. Le rapporteur estime que ce prélèvement à la source serait « un bon moyen d’assurer les recettes et de faire une rentrée de trésorerie plus rapide ».

Par ailleurs, conscient que certains membres présents risquent de grincer des dents à l’évocation de cette proposition lors de la commission du 26 septembre, Jean-Paul Mattei aborde tout de même la question de l’augmentation du PFU (prélèvement forfaitaire unique) qu’il qualifie de « raisonnable ».

En outre, afin de financer les investissements nécessaires à la transition écologique, le député propose d’envisager au niveau européen des prélèvements « exceptionnels et explicitement temporaires » sur le patrimoine des contribuables les plus riches.

Jean-Paul Mattei suggère aussi de lancer une réflexion sur un potentiel impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches dans le but de financer des aides aux pays pauvres.

En ce qui concerne la thématique des donations et de la succession, le rapport préconise de repenser les abattements et mutations à titre gratuit, ainsi que les transmissions aux enfants dans le cadre de familles recomposés. Selon Jean-Paul Mattei, le lien affectif des enfants ayant grandi auprès de beaux-parents devrait être pris en compte dans le cadre d’une succession. Le député propose aussi de revoir les bornes d’âge, notamment dans le cadre d’une donation puisque les mesures actuelles ne semblent aujourd’hui plus tellement pertinentes.

En matière cette fois d’assurance-vie, le député souligne une tranche marginale de 45 % en matière de donation et de transmission en ligne directe, alors qu’en matière d’assurance la tranche marginale est de 31,25 %. S’agissant du pacte Dutreil, il estime qu’il serait préférable de mieux définir ce qui est considéré comme une « activité » pour revenir à la base de ce projet : favoriser la transmission d’une entreprise familiale. Toujours dans le cadre du pacte Dutreil, la question de la plus-value est aussi abordée.

IFI : limiter l’abattement à 600 000 euros ?

Quant aux recommandations du rapport concernant les questions liées à la fiscalité immobilière, le rapporteur commence par aborder le sujet de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière). Selon lui, il serait possible de limiter l’abattement à 600 000 euros, ce qui concernerait au final les résidences à partir de 1,8 million d’euros.

Côté foncier, le rapport indique qu’il est important de mettre en concordance le foncier pour les locations meublées et le foncier longue durée. Jean-Paul Mattei propose aussi une mesure qu’il qualifie de « plus novatrice ou plus systémique » qui consisterait à réfléchir sur l’abattement en durée de détention en matière de plus-value immobilière (en excluant la résidence principale). Il questionne donc l’exonération de plus-value en cas de vente au bout d’un certain nombre d’années.

Enfin, pour faciliter le parcours de l’accès à l’immobilier, notamment pour les primo-accédants, le rapporteur propose de réfléchir à une forme de crédit qui serait lié aux premiers droits de mutation payés lors de la première acquisition et ensuite ne payer des droits d’enregistrement que sur la différence dans le cadre d’une nouvelle acquisition. Ceci dans le but de réduire le coût fiscal.

Jean-Paul Mattei conclut en rappelant qu’il s’agit ici de pistes de réflexion pour guider le débat parlementaire. Nicolas Sansu, qui a co-dirigé le projet, précise également que l’objet de ce rapport a été d’objectiver la réalité du patrimoine et sa constitution. Il rappelle une accumulation de ce dernier vers le « haut de l’échelle » et que la part de l’héritage devient prépondérante. Selon le député, si cette distorsion n’est pas propre à la France, elle peut entraver le pacte social et fiscal.

Les pistes de réflexion ont ainsi un double objectif : favoriser le consentement à l’impôt en retrouvant « plus de justice fiscale » et garantir un niveau de recette compatible avec les choix collectifs au niveau national et local.

Lucie Barguisseau

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