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Alors qu’un nouvel accord
européen, qui doit encore être voté en novembre, prévoit des règles interdisant
notamment les « mentions environnementales génériques » non
prouvées, le Nice Climate Summit a récemment été bousculé par des militants épinglant
le sponsoring problématique de TotalEnergies.
C’est un pas de plus dans la
lutte contre l’écoblanchiment : les allégations environnementales infondées, en
Europe, c’est bientôt fini ! En effet, les députés européens et le Conseil sont
parvenus le 20 septembre à un accord provisoire sur « de nouvelles règles
[proposées par la Commission européenne] interdisant les publicités trompeuses
et fournissant une meilleure information sur les produits », comme le rapporte
le Parlement.
L’accord met ainsi à jour la
liste européenne des pratiques commerciales interdites en y ajoutant plusieurs
pratiques commerciales problématiques liées au greenwashing et à l’obsolescence
programmée. Objectif : « protéger les consommateurs contre les pratiques
trompeuses et les aider à faire de meilleurs choix d'achat ». Une bonne
nouvelle, alors que de plus en plus de mentions – sur les étiquettes et dans
les publicités – promettant des produits « verts », « neutres pour le
climat » ou « écologiques » sont en réalité bien souvent
mensongères.
Une interdiction des mentions
environnementales génériques
Sont notamment interdites les
mentions environnementales génériques « sans preuve d’excellente performance
environnementale reconnue qui justifie cette mention », mais aussi des
labels de durabilité « non fondés sur des systèmes de certification
approuvés ou établis par des autorités publiques », ou encore les mentions
de durabilité en termes de temps d’utilisation ou d’intensité dans des
conditions normales « si elles ne sont pas prouvées ».
A également été négociée
l’interdiction de l’obsolescence programmée, car « nous ne devrions plus
faire de publicité pour des produits conçus pour tomber en panne trop tôt
», argue la rapporteure, Biljana Borzan. Par ailleurs, un nouveau label devrait
être mis en place pour les producteurs désireux de mettre en valeur la qualité
de leurs produits en prolongeant gratuitement la période de garantie. Ce label
signalera clairement quels produits durent plus longtemps, « de sorte qu’il
sera plus facile d’acheter des produits plus durables », explique la
rapporteure, qui pointe que « 60 % des consommateurs européens ne savent
même pas qu’une garantie légale est automatique pour tous les produits ».
Le texte doit désormais
recevoir le feu vert du Parlement et du Conseil pour entrer en vigueur, avec un
vote des députés en novembre. Si la directive entre en vigueur, les États
membres disposeront de 24 mois pour se conformer aux nouvelles règles. Selon la
Commission européenne, au niveau européen, 53 % des allégations
environnementales des entreprises contiendraient des informations « vagues,
trompeuses ou infondées », et 40 % seraient « totalement dénuées de
fondement », rapporte notre-environnement.gouv.
En France, depuis le 1er
janvier 2023 et grâce à la loi Climat et résilience du 22 août 2021, il n'est
plus possible pour les sociétés de mettre en avant la neutralité carbone d'un
produit sans qu’elle ne soit étayée. En cas d'infraction, les entreprises
risquent une amende de 100 000 euros, qui peut être doublée en cas de
récidive.
Le marché bancaire et
financier dans le viseur
Un rapport récent de RepRisk,
société de données spécialisée dans l'évaluation des risques environnementaux,
sociaux et de gouvernance (ESG), révèle quant à lui l'étendue du phénomène sur
le marché bancaire et financier. En un an, le nombre de cas aurait ainsi
augmenté de 70 % à l'échelle mondiale en la matière. Les chiffres
enregistrés révèlent 148 cas de greenwashing dans ce secteur entre octobre 2022
et septembre 2023. 106 affaires concernent particulièrement des institutions
financières européennes.
En outre, plus de 50 % des
cas de greenwashing liés au climat mentionnent les combustibles fossiles ou
associent une institution financière à une société pétrolière ou gazière. Une
situation qui a incité les organismes de surveillance de l'UE à pointer du
doigt les banques, les assureurs et les sociétés d'investissement qui ont
diffusé des déclarations trompeuses sur leurs références en matière de
développement durable à l'intention des investisseurs.
L’écoblanchiment
régulièrement pointé du doigt
Les militants sont quant à
eux fréquemment vent debout contre les « greenwashers », comme en
témoigne la 3e édition, en septembre dernier, du Nice Climate Summit
au Palais de la Méditerranée, lors de laquelle des protestations d’écologistes
et de scientifiques ont éclaté pour dénoncer la présence à cet événement de
grands groupes industriels. Pour les contestataires, l’événement en lui-même
relevait du greenwashing, puisqu’il était notamment sponsorisé par
TotalEnergies, lequel avait récemment annoncé une augmentation de sa production
d'hydrocarbures. De leur côté, le collectif Citoyen 06 et la députée européenne
Caroline Roose ont également exprimé leur désaccord en boycottant l'événement,
soulignant l'incompatibilité entre l'objectif climatique et le partenariat avec
des entreprises polluantes.
« Il faut engager un
rapport de force, dénoncer le greenwashing » a pour sa part récemment
insisté, lors d’une interview accordée à Sud-Ouest, Lucie Pinson, fondatrice et
dirigeante de l’ONG écolo Reclaim Finance. Celle qui a contribué début octobre au
forum Climat à Bayonne apporte quelques pistes de réflexion. « Le législateur
peut exiger de la part des banques des ratios de financement de 1 à 6 en faveur
de la production d’électricité durable, (…) envisager l’équivalent du
Nutri-Score pour les produits financiers [ou] des normes comportementales pour
les institutions financières en leur imposant un plan de transition dans
l’objectif de 1,5 degré. Les agences de régulation des banques pourraient
obliger les acteurs à revoir les règles sur les fonds propres ».
Quant au citoyen, dit-elle,
il peut « agir avec [son] compte en banque ou [ses] produits d’épargne »
: « Chacun peut demander à sa banque des comptes sur la manière dont elle
utilise son argent et faire pression. On peut tout à fait changer de banque. De
même, on peut s’organiser entre salariés pour que notre employeur travaille
avec des gestionnaires d’épargne engagés contre le réchauffement climatique
». Il n’y a plus qu’à !
Bérengère Margaritelli
Florian Coing-Daguet
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