La guerre contre le greenwashing s'intensifie


lundi 9 octobre 20234 min
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Alors qu’un nouvel accord européen, qui doit encore être voté en novembre, prévoit des règles interdisant notamment les « mentions environnementales génériques » non prouvées, le Nice Climate Summit a récemment été bousculé par des militants épinglant le sponsoring problématique de TotalEnergies.

C’est un pas de plus dans la lutte contre l’écoblanchiment : les allégations environnementales infondées, en Europe, c’est bientôt fini ! En effet, les députés européens et le Conseil sont parvenus le 20 septembre à un accord provisoire sur « de nouvelles règles [proposées par la Commission européenne] interdisant les publicités trompeuses et fournissant une meilleure information sur les produits », comme le rapporte le Parlement.

L’accord met ainsi à jour la liste européenne des pratiques commerciales interdites en y ajoutant plusieurs pratiques commerciales problématiques liées au greenwashing et à l’obsolescence programmée. Objectif : « protéger les consommateurs contre les pratiques trompeuses et les aider à faire de meilleurs choix d'achat ». Une bonne nouvelle, alors que de plus en plus de mentions – sur les étiquettes et dans les publicités – promettant des produits « verts », « neutres pour le climat » ou « écologiques » sont en réalité bien souvent mensongères.

Une interdiction des mentions environnementales génériques

Sont notamment interdites les mentions environnementales génériques « sans preuve d’excellente performance environnementale reconnue qui justifie cette mention », mais aussi des labels de durabilité « non fondés sur des systèmes de certification approuvés ou établis par des autorités publiques », ou encore les mentions de durabilité en termes de temps d’utilisation ou d’intensité dans des conditions normales « si elles ne sont pas prouvées ».

A également été négociée l’interdiction de l’obsolescence programmée, car « nous ne devrions plus faire de publicité pour des produits conçus pour tomber en panne trop tôt », argue la rapporteure, Biljana Borzan. Par ailleurs, un nouveau label devrait être mis en place pour les producteurs désireux de mettre en valeur la qualité de leurs produits en prolongeant gratuitement la période de garantie. Ce label signalera clairement quels produits durent plus longtemps, « de sorte qu’il sera plus facile d’acheter des produits plus durables », explique la rapporteure, qui pointe que « 60 % des consommateurs européens ne savent même pas qu’une garantie légale est automatique pour tous les produits ».

Le texte doit désormais recevoir le feu vert du Parlement et du Conseil pour entrer en vigueur, avec un vote des députés en novembre. Si la directive entre en vigueur, les États membres disposeront de 24 mois pour se conformer aux nouvelles règles. Selon la Commission européenne, au niveau européen, 53 % des allégations environnementales des entreprises contiendraient des informations « vagues, trompeuses ou infondées », et 40 % seraient « totalement dénuées de fondement », rapporte notre-environnement.gouv.

En France, depuis le 1er janvier 2023 et grâce à la loi Climat et résilience du 22 août 2021, il n'est plus possible pour les sociétés de mettre en avant la neutralité carbone d'un produit sans qu’elle ne soit étayée. En cas d'infraction, les entreprises risquent une amende de 100 000 euros, qui peut être doublée en cas de récidive.

Le marché bancaire et financier dans le viseur

Un rapport récent de RepRisk, société de données spécialisée dans l'évaluation des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), révèle quant à lui l'étendue du phénomène sur le marché bancaire et financier. En un an, le nombre de cas aurait ainsi augmenté de 70 % à l'échelle mondiale en la matière. Les chiffres enregistrés révèlent 148 cas de greenwashing dans ce secteur entre octobre 2022 et septembre 2023. 106 affaires concernent particulièrement des institutions financières européennes.

En outre, plus de 50 % des cas de greenwashing liés au climat mentionnent les combustibles fossiles ou associent une institution financière à une société pétrolière ou gazière. Une situation qui a incité les organismes de surveillance de l'UE à pointer du doigt les banques, les assureurs et les sociétés d'investissement qui ont diffusé des déclarations trompeuses sur leurs références en matière de développement durable à l'intention des investisseurs.

L’écoblanchiment régulièrement pointé du doigt

Les militants sont quant à eux fréquemment vent debout contre les « greenwashers », comme en témoigne la 3e édition, en septembre dernier, du Nice Climate Summit au Palais de la Méditerranée, lors de laquelle des protestations d’écologistes et de scientifiques ont éclaté pour dénoncer la présence à cet événement de grands groupes industriels. Pour les contestataires, l’événement en lui-même relevait du greenwashing, puisqu’il était notamment sponsorisé par TotalEnergies, lequel avait récemment annoncé une augmentation de sa production d'hydrocarbures. De leur côté, le collectif Citoyen 06 et la députée européenne Caroline Roose ont également exprimé leur désaccord en boycottant l'événement, soulignant l'incompatibilité entre l'objectif climatique et le partenariat avec des entreprises polluantes.

« Il faut engager un rapport de force, dénoncer le greenwashing » a pour sa part récemment insisté, lors d’une interview accordée à Sud-Ouest, Lucie Pinson, fondatrice et dirigeante de l’ONG écolo Reclaim Finance. Celle qui a contribué début octobre au forum Climat à Bayonne apporte quelques pistes de réflexion. « Le législateur peut exiger de la part des banques des ratios de financement de 1 à 6 en faveur de la production d’électricité durable, (…) envisager l’équivalent du Nutri-Score pour les produits financiers [ou] des normes comportementales pour les institutions financières en leur imposant un plan de transition dans l’objectif de 1,5 degré. Les agences de régulation des banques pourraient obliger les acteurs à revoir les règles sur les fonds propres ».

Quant au citoyen, dit-elle, il peut « agir avec [son] compte en banque ou [ses] produits d’épargne » : « Chacun peut demander à sa banque des comptes sur la manière dont elle utilise son argent et faire pression. On peut tout à fait changer de banque. De même, on peut s’organiser entre salariés pour que notre employeur travaille avec des gestionnaires d’épargne engagés contre le réchauffement climatique ». Il n’y a plus qu’à !

Bérengère Margaritelli

Florian Coing-Daguet

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