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La France dans la roue des régimes autoritaires ? En interdisant, le 15 mai, l’accès au réseau social TikTok en Nouvelle-Calédonie, le pays des droits de l’homme rejoint la Chine, l’Iran et la Syrie sur la liste de 77 pays ayant entravé l’accès à Internet ou coupé l’accès aux réseaux sociaux depuis 2015, recensés par la société Surfshark sur la base de rapports d’ONG.
Inédite en France, mais aussi en Europe, cette mesure fait suite aux émeutes qui secouent l’île depuis le vote, lundi à l'Assemblée nationale, de la révision constitutionnelle réformant le corps électoral néocalédonien. Trois manifestants et deux gendarmes sont morts depuis le début des affrontements. La situation a poussé le gouvernement à déclencher l’état d’urgence sur le territoire, officiellement en vigueur depuis le 15 mai à 20 heures, heure de Paris.
D’après le Figaro, l’interdiction de TikTok est déjà en vigueur sur les téléphones mobiles néocalédoniens. Le blocage est assuré par l’office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie. Le réseau social chinois est soupçonné d’être une caisse de résonance d’une « désinformation […] alimenté[e] par des pays étrangers », selon le cabinet du Premier ministre. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, évoque nommément l’Azerbaïdjan, regrettant « qu’une partie des indépendantistes calédoniens aient fait un deal » avec le pays. Des accusations démenties par Bakou.
La coupure de TikTok suscite des interrogations parmi les juristes, dont certains questionnent sa conformité avec l’esprit de la loi sur l'état d'urgence. Coralie Richaud, maitre de conférences en droit public à l’université de Limoges et constitutionnaliste spécialiste du numérique, apporte son éclairage au JSS.
Journal spécial des sociétés : Sur quelle base légale se fonde l’interdiction de TikTok en Nouvelle Calédonie ?
Coralie Richaud : En 2017 le Parlement a modifié la loi du 3 avril 1955 portant sur le régime de l’état d’urgence sécuritaire et a ainsi modifié l’article 11 qui permet notamment au ministre de l'Intérieur de prendre « toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ». Ce qui pose évidemment la question de savoir si cette mesure est pertinente dans le cadre d’émeutes telles que celle qui ont lieu en Nouvelle-Calédonie.
Cette disposition, introduite par un amendement devant l’Assemblée nationale, avait été adoptée après les attentats de 2015. Autrement dit, dans un contexte terroriste identifié et pour lequel le recours au blocage d’Internet était, pour les députés, « une faculté de faire interrompre un site provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie »
Dans le cas néocalédonien, les raisons du blocage semblent être tout autre ! A en juger par la réponse du cabinet du Premier ministre, le blocage de TikTok serait justifié car « l’application est utilisée en tant que support de diffusion de désinformation sur les réseaux sociaux, alimentés par des pays étrangers et relayé par les émeutiers ». On le voit ici, l’esprit du texte est bien lointain…
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