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Le Sénat a introduit dans le projet de loi de finances pour 2025 la hausse de la partie des droits de mutation à titre onéreux destinée aux départements. Observant l’évolution du marché, la profession notariale est attentiste.
Michel Barnier l’avait
annoncé vendredi 15 novembre lors des assises des Départements de France :
le gouvernement a proposé, durant l’examen du projet de loi de finances pour
2025 au Sénat, d’augmenter le plafond des droits de mutation à titre onéreux
(DMTO), couramment appelés frais de notaires.
La mesure semble en bonne
voie, avec l’adoption samedi 30 novembre de
quatre amendements – l’amendement originel du gouvernement ayant
été retiré quelques jours plus tôt – puis de la première partie du projet de
loi de finances pour 2025 lundi 2 décembre.
Le taux de taxe de publicité
foncière ou de droit d’enregistrement maximal au bénéfice des départements atteindra
5 %, contre 4,5 % jusqu’ici, pour les actes passés et les conventions conclues
durant les trois prochaines années, entre le 1er mars 2025 et le 29
février 2028.
La hausse se fera au bon
vouloir de chaque département. À l’issue des trois ans, un bilan sera mené pour
juger de l’efficacité de la mesure. « Il représente une ressource
potentielle d’un milliard d'euros, si les chiffres de Bercy sont justes »,
avait détaillé le Premier ministre.
Cette évolution se fait dans
le contexte de la crise immobilière qui se poursuit dans le pays. En août, le
volume de transactions annuelles de logements anciens en cumul sur les 12
derniers mois en France (hors Mayotte) a chuté de 18,1% pour atteindre
780 000, un chiffre au plus bas depuis 2015, d’après des données agrégées
et publiées par Notaires de France le 30 octobre dernier. La baisse tend
cependant à ralentir depuis le mois de juin.
Mais l’augmentation pourrait
mettre un nouveau coup d’arrêt aux transactions immobilières. « Nous
devons rester vigilants pour préserver les conditions de la reprise
immobilière, puisque ce secteur qui est majeur pour nous est à l'arrêt »,
a assuré Michel Barnier.
« On a l’impression
que la politique du logement n’a pas de capitaine dans le navire »
Une mesure qui ne ravit pas
spécialement les notaires. « Une augmentation n’est jamais une bonne nouvelle,
mais ce n’est surtout pas une bonne nouvelle dans cette période où l’on a
l’impression que la politique du logement n’a pas de capitaine dans le navire »,
analyse Lionel Perrin, notaire à Bollène (Vaucluse) et président du Syndicat
national des notaires (SNN), qui regrette l’ancien ministre du Logement
Guillaume Kasbarian, qui avait « de bonnes idées qui n’ont pas été
mises en place ».
Si le dirigeant syndical assure
« ne pas avoir d’états d’âme, en tant qu’officier public et collecteur
d’impôts », il regrette néanmoins cette potentielle future
augmentation : « L’avantage de droits relativement bas était
qu’ils généraient une assez bonne recette, car les prix de l’immobilier avaient
augmenté et les transactions étaient nombreuses. »
Pour le notaire, cette mesure
revient à « rajouter des difficultés aux difficultés actuelles »,
alors que le retour à des taux d’intérêts normaux voire bas pour les prêts
immobiliers laissait espérer une embellie prochaine. « C’est une mesure
à courte vue qui ne va pas encore arranger le marché de l’immobilier qui n’est
pas en forme. »
La mesure pourrait priver
certains aspirants à la propriété, notamment les plus à la marge
financièrement : « En étant pragmatique, si l’on augmente les
droits d’enregistrement, ces personnes auront du mal à trouver cet argent
supplémentaire. Si 1000, 2000 ou 3000 euros ne sont pas beaucoup par rapport à
un investissement, c’est ce qu’il reste dans les fonds de tiroir une fois que
les investisseurs ont demandé de l’argent aux parents, aux grands-parents, ou un
prêt patronal. »
Plus généralement, le notaire
désapprouve la politique du gouvernement, qui selon lui se contente de « petites
mesures au coup par coup », ciblant régulièrement les mêmes secteurs.
« Ils ont encore eu la tentation d’aller taper là où l’on se dit que
cela ne fait pas trop de mal. Mais si dans une époque normale, on pourrait se
dire qu’une augmentation n’aurait pas de conséquences, dans une activité
économique compliquée et des finances publiques dans une mauvaise passe, cela
n’est pas souhaitable. »
Le président du SNN rapporte les
propos de promoteurs et lotisseurs, « qui sont au mois par mois pour
payer leurs charges ».
Le CSN dans l’expectative
Du côté du Conseil supérieur
du notariat (CSN), on est plus mesuré : « Pour les notaires, ça
n’est ni une bonne ni une mauvaise annonce car la rémunération des notaires ne
va pas changer », rappelle Céline Deschamps, porte-parole du CSN, qui
insiste sur le fait que cette hausse ne se fera que si un département le décide.
À
lire aussi : INTERVIEW. Congrès des notaires :
« Les notaires se confrontent quotidiennement aux mutations
environnementales »
L’organe représentatif de la
profession ne se prononce pas sur l’évolution future du marché après la hausse
des DMTO, préférant attendre de voir quel sera l’impact réel de la mesure,
alors que le secteur de l’immobilier, bien qu’encore sur une mauvaise pente,
semble en voie de stabilisation. « Le marché n’a pas encore repris mais
nous donne des signes d’amélioration, avec des taux qui ont tendance à baisser,
des prix qui ont baissé, et la conjugaison de ces deux facteurs serait plutôt
de nature à relancer le passage à l’acte, puisque l’appétence immobilière est
toujours là. »
Les primoaccédants choyés
Le chef du gouvernement avait
aussi tenu devant les présidents des départements à détailler les mesures mises
en place pour relancer le marché, notamment la généralisation du prêt à taux
zéro (PTZ) pour les primoaccédants à tout le territoire – mesure
elle aussi adoptée au Sénat – pour une durée de trois ans, alors que
seuls les logements situés en zone tendue font pour l’heure partie du
dispositif. L’objectif était justement de « ne pas contrarier cette
relance » du marché de l’immobilier.
« Je ne vais pas me
plaindre, réagit Lionel Perrin. Je l’ai accueilli avec intérêt et joie.
Le PTZ est un outil essentiel. Être propriétaire est un facteur de paix
sociale. »
Même son de cloche pour le
CSN, qui estime qu’ « étendre le champ d’application des PTZ, et d’une
manière générale des prêts aidés, est toujours de nature à aider le marché
immobilier ». La porte-parole assume un « optimisme prudent »
en regardant les chiffres inscrits dans la dernière note de conjoncture
immobilière trimestrielle.
Autre mesure : un sous-amendement
du gouvernement adopté exempte les primoaccédants la hausse
temporaire de 0,5 points des DMTO pour la fraction de la valeur du bien acquis
inférieure ou égale à 250 000 euros. Il laisse également la
possibilité aux départements d’instaurer de façon pérenne un taux réduit, voire
une exonération, pour les jeunes propriétaires.
Toutefois la profession reste
attentiste. Le texte doit en effet être validé par le Parlement, à coups
de 49.3 si nécessaire. Mais une potentielle censure du gouvernement pourrait
aboutir à une copie totalement remaniée.
Alexis
Duvauchelle
D’autres annonces pour
aider les finances des départements En parallèle de cette
annonce, le Premier ministre a aussi détaillé quatre autres points pour aider
les départements : la réduction du taux de prélèvement prévu au titre du
fonds de réserve, le renoncement du caractère rétroactif de la baisse du taux
du fonds de compensation pour la TVA, le rehaussement des concours versés par
la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) à hauteur de 200
millions d’euros, et l’étalement sur quatre ans au lieu de trois de la hausse
des cotisations des employeurs territoriaux à la Caisse nationale de retraite
des agents des collectivités locales (CNRACL). Ils rejoignent dans le PLF des
mesures déjà intégrées, comme la lutte contre l’absentéisme dans la fonction
publique, la reprise par l’État de 200 millions d’euros pour le financement
des EHPAD et des USLD, et la mise en place d’une nouvelle aide de 100
millions pour soutenir la mobilité et le travail partenarial des aides à
domicile. |
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