L’augmentation des DMTO, nouveau frein pour le marché immobilier ?


lundi 2 décembre 20246 min
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Le Sénat a introduit dans le projet de loi de finances pour 2025 la hausse de la partie des droits de mutation à titre onéreux destinée aux départements. Observant l’évolution du marché, la profession notariale est attentiste.

Michel Barnier l’avait annoncé vendredi 15 novembre lors des assises des Départements de France : le gouvernement a proposé, durant l’examen du projet de loi de finances pour 2025 au Sénat, d’augmenter le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), couramment appelés frais de notaires.

La mesure semble en bonne voie, avec l’adoption samedi 30 novembre de quatre amendements – l’amendement originel du gouvernement ayant été retiré quelques jours plus tôt – puis de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 lundi 2 décembre.

Le taux de taxe de publicité foncière ou de droit d’enregistrement maximal au bénéfice des départements atteindra 5 %, contre 4,5 % jusqu’ici, pour les actes passés et les conventions conclues durant les trois prochaines années, entre le 1er mars 2025 et le 29 février 2028.

La hausse se fera au bon vouloir de chaque département. À l’issue des trois ans, un bilan sera mené pour juger de l’efficacité de la mesure. « Il représente une ressource potentielle d’un milliard d'euros, si les chiffres de Bercy sont justes », avait détaillé le Premier ministre.

Cette évolution se fait dans le contexte de la crise immobilière qui se poursuit dans le pays. En août, le volume de transactions annuelles de logements anciens en cumul sur les 12 derniers mois en France (hors Mayotte) a chuté de 18,1% pour atteindre 780 000, un chiffre au plus bas depuis 2015, d’après des données agrégées et publiées par Notaires de France le 30 octobre dernier. La baisse tend cependant à ralentir depuis le mois de juin.

Mais l’augmentation pourrait mettre un nouveau coup d’arrêt aux transactions immobilières. « Nous devons rester vigilants pour préserver les conditions de la reprise immobilière, puisque ce secteur qui est majeur pour nous est à l'arrêt », a assuré Michel Barnier.

« On a l’impression que la politique du logement n’a pas de capitaine dans le navire »

Une mesure qui ne ravit pas spécialement les notaires. « Une augmentation n’est jamais une bonne nouvelle, mais ce n’est surtout pas une bonne nouvelle dans cette période où l’on a l’impression que la politique du logement n’a pas de capitaine dans le navire », analyse Lionel Perrin, notaire à Bollène (Vaucluse) et président du Syndicat national des notaires (SNN), qui regrette l’ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian, qui avait « de bonnes idées qui n’ont pas été mises en place ».

Si le dirigeant syndical assure « ne pas avoir d’états d’âme, en tant qu’officier public et collecteur d’impôts », il regrette néanmoins cette potentielle future augmentation : « L’avantage de droits relativement bas était qu’ils généraient une assez bonne recette, car les prix de l’immobilier avaient augmenté et les transactions étaient nombreuses. »

Pour le notaire, cette mesure revient à « rajouter des difficultés aux difficultés actuelles », alors que le retour à des taux d’intérêts normaux voire bas pour les prêts immobiliers laissait espérer une embellie prochaine. « C’est une mesure à courte vue qui ne va pas encore arranger le marché de l’immobilier qui n’est pas en forme. »

La mesure pourrait priver certains aspirants à la propriété, notamment les plus à la marge financièrement : « En étant pragmatique, si l’on augmente les droits d’enregistrement, ces personnes auront du mal à trouver cet argent supplémentaire. Si 1000, 2000 ou 3000 euros ne sont pas beaucoup par rapport à un investissement, c’est ce qu’il reste dans les fonds de tiroir une fois que les investisseurs ont demandé de l’argent aux parents, aux grands-parents, ou un prêt patronal. »

Plus généralement, le notaire désapprouve la politique du gouvernement, qui selon lui se contente de « petites mesures au coup par coup », ciblant régulièrement les mêmes secteurs. « Ils ont encore eu la tentation d’aller taper là où l’on se dit que cela ne fait pas trop de mal. Mais si dans une époque normale, on pourrait se dire qu’une augmentation n’aurait pas de conséquences, dans une activité économique compliquée et des finances publiques dans une mauvaise passe, cela n’est pas souhaitable. »

Le président du SNN rapporte les propos de promoteurs et lotisseurs, « qui sont au mois par mois pour payer leurs charges ».

Le CSN dans l’expectative

Du côté du Conseil supérieur du notariat (CSN), on est plus mesuré : « Pour les notaires, ça n’est ni une bonne ni une mauvaise annonce car la rémunération des notaires ne va pas changer », rappelle Céline Deschamps, porte-parole du CSN, qui insiste sur le fait que cette hausse ne se fera que si un département le décide.

L’organe représentatif de la profession ne se prononce pas sur l’évolution future du marché après la hausse des DMTO, préférant attendre de voir quel sera l’impact réel de la mesure, alors que le secteur de l’immobilier, bien qu’encore sur une mauvaise pente, semble en voie de stabilisation. « Le marché n’a pas encore repris mais nous donne des signes d’amélioration, avec des taux qui ont tendance à baisser, des prix qui ont baissé, et la conjugaison de ces deux facteurs serait plutôt de nature à relancer le passage à l’acte, puisque l’appétence immobilière est toujours là. »

Les primoaccédants choyés

Le chef du gouvernement avait aussi tenu devant les présidents des départements à détailler les mesures mises en place pour relancer le marché, notamment la généralisation du prêt à taux zéro (PTZ) pour les primoaccédants à tout le territoire – mesure elle aussi adoptée au Sénat – pour une durée de trois ans, alors que seuls les logements situés en zone tendue font pour l’heure partie du dispositif. L’objectif était justement de « ne pas contrarier cette relance » du marché de l’immobilier.

« Je ne vais pas me plaindre, réagit Lionel Perrin. Je l’ai accueilli avec intérêt et joie. Le PTZ est un outil essentiel. Être propriétaire est un facteur de paix sociale. »

Même son de cloche pour le CSN, qui estime qu’ « étendre le champ d’application des PTZ, et d’une manière générale des prêts aidés, est toujours de nature à aider le marché immobilier ». La porte-parole assume un « optimisme prudent » en regardant les chiffres inscrits dans la dernière note de conjoncture immobilière trimestrielle.

Autre mesure : un sous-amendement du gouvernement adopté exempte les primoaccédants la hausse temporaire de 0,5 points des DMTO pour la fraction de la valeur du bien acquis inférieure ou égale à 250 000 euros. Il laisse également la possibilité aux départements d’instaurer de façon pérenne un taux réduit, voire une exonération, pour les jeunes propriétaires.

Toutefois la profession reste attentiste. Le texte doit en effet être validé par le Parlement, à coups de 49.3 si nécessaire. Mais une potentielle censure du gouvernement pourrait aboutir à une copie totalement remaniée.

Alexis Duvauchelle

D’autres annonces pour aider les finances des départements

En parallèle de cette annonce, le Premier ministre a aussi détaillé quatre autres points pour aider les départements : la réduction du taux de prélèvement prévu au titre du fonds de réserve, le renoncement du caractère rétroactif de la baisse du taux du fonds de compensation pour la TVA, le rehaussement des concours versés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) à hauteur de 200 millions d’euros, et l’étalement sur quatre ans au lieu de trois de la hausse des cotisations des employeurs territoriaux à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Ils rejoignent dans le PLF des mesures déjà intégrées, comme la lutte contre l’absentéisme dans la fonction publique, la reprise par l’État de 200 millions d’euros pour le financement des EHPAD et des USLD, et la mise en place d’une nouvelle aide de 100 millions pour soutenir la mobilité et le travail partenarial des aides à domicile.

 

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