L’incarcération jugée "défaillante" par les Français


lundi 10 septembre 20183 min
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Quel regard les Français portent-ils sur les conditions d’incarcération en France ? Quelles mesures envisagent-ils pour les améliorer ? Tant de questions auxquelles le barreau de Paris a tenté de répondre en réalisant, entre le 18 et le 20 juin derniers, une enquête – menée par Harris interactive – auprès de plus de 1 700 personnes. La majorité des Français juge le modèle défaillant et estime que la prison ne remplit pas aujourd’hui ses objectifs.


Lorsque l’on questionne les Français sur la vision qu’ils portent sur l’incarcération, la surpopulation et le manque de place sont les éléments cités en priorité par les personnes interrogées. Une opinion partagée par le vice-bâtonnier de Paris, qui estime que : « L’état de nos prisons est une honte pour notre société. Il existe des alternatives, il s’agit désormais de les mettre en œuvre ».


 


Les objectifs du système pénitentiaire ne sont pas atteints


Concernant les objectifs de la prison, la priorité demeure la radicalisation.
En effet, 76
% des Français estiment qu’ « éviter la radicalisation religieuse des détenus pendant leur séjour en prison » doit être la préoccupation première des prisons françaises. Neutraliser les individus dangereux pour la société (74 %) et éviter la récidive à leur sortie (62 %), sont également considérées comme primordiales. Dissuader les citoyens à commettre des délits et des crimes (49 %) et favoriser la réinsertion des détenus lorsqu’ils sortent de prison (38 %) sont des objectifs qu’ils estiment secondaires.


Outre la priorisation des missions de l’incarcération, les Français estiment-ils que ces dernières sont bien remplies par l’administration pénitentiaire ? Selon l’enquête, 62 % considèrent que tous ces objectifs sont aujourd’hui mal remplis. Les Français ne cachent pas leur faible confiance dans le système pénitentiaire tricolore. L’objectif serait jugé « mal rempli » à 91 % en ce qui concerne la radicalisation ; et à 89 % lorsqu’on évoque la récidive. Des chiffres ne permettant pas la demi-mesure, sur des sujets pourtant jugés importants par la population.


 


Des conditions insatisfaisantes


Le fonctionnement des prisons est également pointé du doigt dans cette étude. Les conditions de travail des surveillants pénitentiaires sont en effet jugées insatisfaisantes à 86 %. 78 % considérent même que ces conditions se sont dégradées avec le temps.


La moitié des interrogés déplorent également les conditions de vie des détenus (des conditions qui auraient empiré ces dernières années, pour 37 % des interrogés).


Alors que les conditions d’incarcération en France sont mieux perçues que celles que connaissent les détenus aux États-Unis, elles sont jugées bien moins bonnes qu’en Allemagne ou que dans les Pays scandinaves.


Par ailleurs, si les agressions verbales semblent être, pour les Français, le quotidien des détenus (ils sont 87 % à considérer que les prisonniers y sont confrontés régulièrement ou occasionnellement), les agressions sexuelles (viols, attouchement, etc.) sont des violences qui, pour 81 % d’entre eux, touchent aussi les prisons françaises.


 


Quel avenir pour les prisons ?


Les peines de prison « ferme » sont-elles devenues trop fréquentes ? En ce qui concerne les délits, 16 % des Français estiment que oui, et le chiffre tombe à 6 % quand il s’agit des crimes. Pourtant, lorsqu’on propose des alternatives concrètes aux Français, ceux-ci se montrent plus nuancés. 63 % sont favorables à l’idée de transformer les peines de prison de moins de cinq ans en travaux d’intérêt général pour les délinquants les plus jeunes. Autre option : le développement des « prisons ouvertes » où les détenus peuvent circuler librement pendant la journée avec des projets de réinsertion et de responsabilisation des détenus (toujours pour les peines de moins de cinq ans) trouve écho auprès de la majorité des Français (57 %).


Basile Ader, de son côté, rappelle que « plus de 30 % des personnes détenues en prison ne sont pas encore jugées. Est-ce acceptable ? », interroge-t-il.

 


Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire :


  250 000 personnes prises en charge par l’administration pénitentiaire ;


Près de 80 000 personnes sous écrou et 170 000 personnes suivies en milieu ouvert ;


188 établissements pénitentiaires ;


103 services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ;


Plus de 39 000 agents, dont près de 28 000 personnels de surveillance et 5 000 personnels des SPIP ;


2,79 milliards d’euros de budget annuel (hors pensions).




Constance Périn


 


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