L’infernale saga des pesticides


jeudi 17 février 20223 min
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Si le sujet n’était pas si grave, il pourrait presque faire l’objet d’une saga estivale télévisée divertissante. Que de rebondissements au fil des épisodes avec ces fameux pesticides, et notamment, l’un des plus tristement célèbres, le glyphosate.

 

 

Le très controversé glyphosate

Tout commence il y a quelques années, lorsqu’éclate un scandale concernant le glyphosate, herbicide à l’origine exclusivement produit par l’entreprise Monsanto. Les « Monsanto papers », documents internes à l’entreprise, avaient alors permis d’apporter la preuve que dès le milieu des années 90, l’entreprise était en possession d’études internes gardées secrètes, prouvant le danger du glyphosate. Et depuis, la question de la commercialisation et de l’utilisation des pesticides fait couler beaucoup d’encre. Mais force est de constater qu’elle tend régulièrement à opposer monde agricole et associations de protection d’environnement, consommateurs ou riverains des épandages, alors qu’en réalité cette rivalité n’a aucun sens. Car face à la toxicité de ces produits, tout le monde est concerné.

 

 

Pesticides et conséquences sanitaires

Il est bien évident que les agriculteurs sont les premiers touchés par les effets des pesticides, et les premiers à payer les conséquences d’autorisations délivrées en dépit de la toxicité des produits qu’ils épandent, qu’ils respirent et qu’ils manipulent au quotidien. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que face à la déconcertante réalité de multiplication de maladies et de cancers chez les agriculteurs, le législateur a dû intervenir en créant un fonds d’indemnisation des victimes professionnelles des pesticides par le biais de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2020. Il était temps, car le sujet du développement de maladies particulières chez les agriculteurs n’est évidemment pas nouveau et ne tend pas à s’améliorer. À titre dillustration, dernièrement, le ministre de l’Agriculture a annoncé que le cancer de la prostate sera prochainement reconnu comme maladie professionnelle en agriculture, en lien avec l’exposition aux pesticides. Fort bien. Mais qu’en est-il des non-professionnels ? Qu’en est-il des riverains se situant à côté des épandages ou des enfants jouant à proximité des surfaces traitées et qui, eux, contrairement aux professionnels, ne sont pas protégés par des vêtements ou des équipements adaptés ? Rien n’est fait pour eux. Pourtant, ils risquent de développer les mêmes maladies, et elles sont nombreuses.

Une étude de 2021?de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), établissement public à caractère scientifique et technologique français spécialisé dans la recherche médicale, intitulée « Pesticides et effets sur la santé », fait jour sur les risques sanitaires liés aux pesticides et concernant tout particulièrement le glyphosate, l’étude indique que : « Le glyphosate et son métabolite l’AMPA sont des contaminants retrouvés dans les produits alimentaires, des produits agricoles bruts ou des produits transformés ». Le constat est posé. L’étude se poursuit en évoquant un certain nombre de risques sanitaires potentiellement associés à l’exposition professionnelle ou environnementale au glyphosate dont le le lymphome non-hodgkinien. Le rapport se réfère à plusieurs méta-analyses, l’une par le consortium AHS qui fait apparaître une élévation statistiquement significative du risque, deux autres méta-analyses de 2016 et 2019 (p. 812 du rapport). Plusieurs autres pathologies sont listées et notamment lymphome de Hodgkin, les cancers de la vessie, certaines pathologies respiratoires comme l’asthme, la maladie de parkinson, des troubles anxiodépressifs, l’hyperthyroïdie. Selon l’étude, le glyphosate a également un effet épigénétique pour des valeurs inférieures à la NOAEL (non observable adverse effect level ou dose sans effet toxique observable) sur une dose d’exposition courte. Il faut ajouter des effets neurotoxiques. Le rapport indique que « de nombreuses études mettent en évidence des dommages génotoxiques, s’ils ne sont pas réparés sans erreur par les cellules, peuvent conduire à l’apparition de mutations et déclencher ainsi un processus de cancérogenèse ». Et pour démontrer que cela touche évidement les personnes exposées autres que les professionnels, il ressort du document de l’Inserm que quelques études témoins mettent également en évidence des anomalies de la grossesse et des maladies chez les enfants nés de parents applicateurs de glyphosate. Il s’agit d’études américaines qui mettent en évidence un risque augmenté de survenue de troubles du spectre autistique chez les enfants, notamment avec une exposition prénatale à certains pesticides.



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