La cour d’appel de Poitiers accueille sa nouvelle Première présidente


mercredi 4 novembre 20206 min
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Gwenola Joly-Coz succède à Thierry Hanouet à la tête de la juridiction, dans un Palais de Justice flambant neuf. Résolument engagée et déterminée, la nouvelle cheffe de cour devra faire face à bien des chantiers, dans un contexte lourdement marqué par la crise sanitaire. 

 


« Vous êtes une femme ouverte sur le monde, une femme de conviction. Vos compétences, votre détermination et l’attention que vous saurez porter à cette cour, à ses magistrats, à ses fonctionnaires, à ses partenaires vous seront essentielles pour réussir dans vos nouvelles fonctions. » C’est en ces termes que Dominique Nolet, doyenne des présidents de chambre de la cour d’appel de Poitiers, a chaleureusement accueilli la nouvelle cheffe de la juridiction, première femme à ce poste.

Gwenola Joly-Coz prend donc la suite de Thierry Hanouet. Parti à la retraite, ce dernier s’est « toujours défini comme un magistrat du siège ». « Fils et petit-fils d’ouvrier, étudiant boursier, M. Hanouet a souhaité devenir magistrat pour faire vivre son idéal démocratique au quotidien », a assuré Dominique Nolet. Pour la procureure générale Dominique Moyal, il s’agissait d’un « fin juriste », doté d'un « sens de l'humour très british », avec qui elle espère avoir « formé un tandem heureux et aussi efficace que possible ». « Lui succéder sera une gageure. Je prendrai notamment un soin particulier à poursuivre les excellentes relations entretenues avec Madame la procureure générale, au bénéfice de l'équilibre des missions de la cour, pénales et civiles », s’est engagée, en réponse, la Première présidente.

 


GJC, « femme d’engagement »

Dominique Nolet n’a pas manqué de saluer la richesse de la carrière de la nouvelle cheffe de cour, débutée en 1992 comme juge d’instruction à Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique. « Puis vous avez traversé l’océan pour prendre les fonctions de juge d’instruction à Cayenne et vous êtes revenue à Nantes en qualité de juge en 1999 », a rapporté la présidente de chambre. Gwenola Joly-Coz devient par la suite cheffe de juridiction à Mamoudzou (Mayotte), en 2004, puis à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie. En 2010, elle intègre l’inspection des services judiciaires, avant de devenir directrice de cabinet de la secrétaire d’État chargée des droits des femmes, Pascale Boistard. Elle « renoue avec les fonctions judiciaires » en 2016, en prenant la tête du tribunal de grande instance de Pontoise. 

Un parcours « marqué par la mobilité géographique, mais également la mobilité fonctionnelle » qui a permis à la magistrate de connaître « de l’intérieur les rouages de l’État » et d’être « au plus près du travail législatif », a souligné Dominique Nolet. 

Au-delà, cette dernière a également loué la « curiosité intellectuelle » de la nouvelle Première présidente : « Si, comme nombre d’entre nous, vous avez fait des études de droit traditionnelles, vous n’avez jamais cessé de vouloir élargir le champ de vos compétences. C’est ainsi qu’en 2002 vous avez été diplômée de l’Institut des hautes études de défense nationale, vous avec passé en 2014 le certificat du cycle interministériel en gestion publique, et, enfin, vous avez été diplômée de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice en 2018. »

La présidente de chambre a enfin rendu hommage à son combat en faveur de l’égalité femmes/hommes, rappelant que Gwenola Joly-Coz accordait à la place des femmes dans la société – et notamment dans la justice – une attention toute particulière. Membre de l’association Femmes de justice, la magistrate s’est également illustrée ces dernières années par la rédaction de chroniques sur « les femmes symboles de notre histoire judiciaire » et par sa prise de parole lors de séminaires et colloques dédiés à ce sujet. 

« Vous ne manquez jamais une occasion de mettre en avant le parcours de femmes pionnières qui, à leur époque, dans leur métier, ont su se faire une place et ouvrir la voie à d'autres – nous ouvrir la voie », a renchéri, pour sa part, la procureure générale, qui a soutenu auprès de la nouvelle cheffe de cour que la cause des femmes la comptait « parmi ses meilleurs défenseurs »

Dominique Moyal a par ailleurs indiqué que l’ancienne présidente du tribunal judiciaire de Pontoise avait fait de la juridiction un site pilote pour l’expérimentation du bracelet anti-rapprochement, dispositif novateur visant à tenir à distance des victimes leurs conjoints ou ex-conjoints violents via un système de géolocalisation permettant de déclencher une d'alerte le cas échéant. Un pas important dans la lutte contre les violences faites aux femmes et la prévention des féminicides. 

« Je vous sais une femme d'engagement. Vous avez démontré en de nombreuses occasions votre détermination, votre courage et votre attachement au service public de la Justice, a énoncé la procureure générale à l’attention de sa collègue. Nos premiers contacts augurent d'une franche et loyale collaboration qui signera, j'en suis persuadée, une dyarchie aussi harmonieuse qu'efficace. » 

Dominique Moyal a ainsi souhaité la bienvenue à Gwenola Joly-Coz « à la tête de cette belle cour d'appel de Poitiers », et lui a souhaité une « pleine réussite », sans oublier d’adresser ses félicitations aux quatre nouveaux magistrats de la cour d'appel, installés en septembre. 



Une Première présidente attachée à la notion « d’équipe de justice »

« Nos figures masquées nous privent des visages et cela me pèse à l'heure des premières rencontres », a regretté Gwenola Joly-Coz. En dépit du comité anormalement réduit – Covid oblige – réuni pour célébrer son installation, la nouvelle présidente de la cour d’appel de Poitiers ne s’est toutefois pas départie de son sourire, et n’a pas manqué de remercier Dominique Nolet et Dominique Moyal pour leur accueil. Elle a également dit toute sa reconnaissance à Bernard Keime, Premier président de la cour d'appel de Versailles, pour son soutien « tout au long du parcours de sélection pour atteindre ces hautes responsabilités », et à Eric Corbaux, procureur de la République du tribunal judiciaire de Pontoise : « Ensemble, nous avons conçu une politique de juridiction pour lutter contre les violences faites aux femmes. Je suis touchée de votre présence que je regarde comme la marque notre estime réciproque », lui a-t-elle assuré. 

La Première présidente s’est ensuite adressée aux bâtonniers présents. Elle leur a certifié que les relations magistrats-avocats étaient un sujet « essentiel », replacé « au centre » de leur « actualité commune » par une « année mouvementée ». « Les deux grandes professions du droit doivent entretenir des liens constants, naturels et simples », a-t-elle estimé, avant d’appeler à « favoriser l'évidence et le dynamisme d'une vie de communauté judiciaire fondée sur le respect des rôles de chacun ». 

Gwenola Joly-Coz a également montré toute son estime pour le travail accompli par les fonctionnaires de justice, qu’elle a qualifiés de « rouages profonds des juridictions ». « Votre connaissance du réel, votre lien avec le public, votre opiniâtreté à exercer des tâches sans cesse alourdies par les textes, sont en tout point remarquables et vous l'avez encore prouvé lors de la période de confinement », a-t-elle martelé, précisant son attachement à la notion « d'équipe de justice », et invitant à la réflexion commune et à l’organisation partagée. 

Enfin, la cheffe de cour a eu quelques mots, bien sûr, pour ses pairs magistrats. « Votre rôle [est de] “transformer le droit en justice”. En effet la loi est toujours complexe, souvent changeante, parfois obscure. Il lui faut un interprète. Portalis l'exprimait ainsi : “la loi n'est rien sans le magistrat”. C'est dans ce travail de création du droit positif que réside la grandeur de notre métier, et je connais votre investissement de chaque jour dans cette mission », a garanti Gwenola Joly-Coz. « Vous pouvez être fiers d'être les garants de l'État de droit, des libertés publiques, du débat contradictoire entre les parties. D'être des juges, loin de pratiques archaïques ou de traditions surannées, qui doutent, s'interrogent, se forment, pour mériter la confiance des citoyens (...) Ce sera un honneur d'être, au sein de ce ressort, à la tête de juges tels que je viens de les décrire. »

 




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