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Récemment actualisée, la LOS poursuit l'effort d’accompagnement et de clarification des obligations qui incombent aux opérateurs français. De l’avis de plusieurs juristes, l’entrée en vigueur d’une future loi européenne ne devrait pas interférer avec cette loi stricte, puisqu’il est « peu probable que les obligations européennes soient supérieures aux obligations françaises ».
Avec la présentation
prochaine de la loi européenne sur les activités spatiales – sous réserve
peut-être d’un nouveau report –, à quelle réglementation faut-il s’attendre
pour les activités spatiales en France ?
À l’occasion d’une table
ronde organisée par le cabinet De Gaulle Fleurance début mars, Hugo Lopez,
juriste au Centre national d’étude spatiales, s’est voulu rassurant : « La
loi française sur les opérations spatiales (LOS) étant très exigeante, il est
peu probable qu’un nouveau cadre juridique change quoi que ce soit pour les
entreprises qui respectent leurs obligations en droit français. »
Adoptée en 2008 face à un essor
des entreprises privées parties prenantes dans les opérations spatiales, la LOS
fait figure d’exemple auprès des pays dépourvus de loi nationale, et est même
un « modèle à l’international » s’est targué Hugo Lopez. Et
d’ajouter : « La LOS est certes la loi la plus exigeante, mais
c’est aussi l’une des plus efficaces aujourd’hui. » 
Sa force : des
discussions avec les principaux acteurs concernés et des retours d’expérience
que les opérateurs pouvaient notamment formuler auprès du CNES lors des
journées opérateurs. Elles devraient d’ailleurs faire leur retour cette année,
a annoncé Hugo Lopez.
Une loi au plus près des
opérateurs
Le juriste a souligné les
nombreuses mesures mises en place pour accompagner les opérateurs dans leurs
obligations grâce à un règlement technique strict. Le CNES, qui veille à ce que
les exigences de la loi soient bien appliquées, a par exemple mis à leur disposition
différents logiciels pour y répondre. 
Les constructeurs de systèmes
spatiaux, qui auront vocation à s’intégrer dans une opération spatiale, peuvent
pour leur part demander au CNES une analyse de conformité préliminaire « à
n’importe quel stade du développement. Cela ne vaut toutefois pas
autorisation », a-t-il alerté.
L’accompagnement du côté des
universités est également de mise. Comme l’a indiqué Muriel Bernard, directrice assurance produit et valorisation au Centre
Spatial Universitaire de Montpellier (CSUM), non seulement la LOS est
« exemplaire », mais le CNES est toujours là pour accompagner
les acteurs. 
Avec l’entrée en vigueur de
nouvelles règlementations sur la cybersécurité, un groupe de travail a été mis
en place pour éclairer sur les exigences spécifiques. « Il y a l’exigence,
et derrière l’accompagnement dans la mise en œuvre », a souligné Hugo
Lopez. 
Le Centre a par ailleurs
adopté en février dernier un guide
d’hygiène en matière de cybersécurité des systèmes orbitaux. Une façon
d’anticiper pour contrer « une menace floue et dissymétrique »,
peut-on lire en préface.
La « règle des 25
ans » actualisée
La responsable des affaires réglementaires
chez Eutelsat, Chehineze Bouafia, a pour sa part évoqué l’aspect sécurisant de
la LOS de par sa prédictibilité, une chose « dont les opérateurs ont
besoin », avant de souligner son « avant-gardisme »,
aussi bien lors de son adoption en 2008 que dans sa récente actualisation en
juin 2024.
Hugo Lopez est revenu plus en
détail sur la « règle des 25 ans » qui s’applique aux satellites en
orbite basse seulement. Au cours des discussions menées en 2019 pour actualiser
la LOS, le CNES a proposé et adopté un facteur 3. Auparavant, les satellites
concernés devaient rentrer dans l’atmosphère dans les 25 ans qui suivaient leur
fin de vie. Désormais, le retrait s’effectue selon la durée opérationnelle en
orbite. « Un objet qui a une durée de vie de trois ans ne pourra pas
rester plus de neuf ans en orbite », a illustré le juriste. Une
première mondiale !
À lire aussi : L’UE Space Law, une
règlementation retardée et crainte par certains États européens et entreprises
D’autant que comme l’a
rappelé Muriel Bernard, pour un petit objet, cette règle des 25 ans « n’avait
pas de sens », en particulier pour les nanosatellites que le CSUM peut
envoyer, ou pour des satellites tests avec une durée de vie entre six mois à un
peu plus d’un an. 
Le temps de la mission est donc
pris en compte dans cette approche un peu plus proportionnelle, « mais
toujours dans la limite absolue qui reste de 25 ans », insiste auprès
du JSS Laetitia Cesari, juriste et spécialiste de la règlementation spatiale
chez De Gaulle Fleurance, après la table ronde. Et là encore, « un travail
avec les opérateurs et les entreprises est fait pour que cette règle
s’impose » nous précise telle.
Les plus gros satellites
géostationnaires, quant à eux, ne seront pas retirés mais propulsés dans le
cimetière orbital qui accueille tous les satellites en fin de mission, de façon
à laisser la place aux futurs satellites et éviter des collisions.
Un nouveau cadre
réglementaire pour les activités spatiales
Plus globalement, la LOS a
ajouté une corde à son arc juridique avec les décret et arrêtés venus
l’actualiser en juin 2024, lesquels intègrent de nouvelles thématiques
répondant à des tendances qui s’observent dans les activités spatiales. 
« Cette actualisation
répond à un besoin de visibilité et de compréhension de ce qu’impliquent ces
nouvelles activités, notamment sur le service en orbite. D’un point de vue
juridique, il est très important d’avoir a minima les clés de comment ces
activités vont s’articuler entre opérateurs et constructeurs » a
détaillé Chehineze Bouafia.
Le décret relatif au
processus d’autorisation, le premier arrêté sur la réglementation technique et
le second sur la composition, viennent par exemple préciser et actualiser les
pièces nécessaires à fournir au dossier d’autorisation, à l’instar d’une
analyse par le ministère de la Défense pour s’assurer que les opérations ne
sont pas de nature à compromettre les intérêts de la défense nationale. Sur les
extensions de mission, « on sait maintenant ce qu’il faut ajouter. Avant,
il n’y avait pas de procédure claire. Il fallait déclarer un changement
dans les conditions d’autorisation, un processus un peu ad hoc » a
pointé Hugo Lopez.
Autant de modifications dans
la loi qui entrainent des « travaux monstre », mais renforce
davantage le cadre règlementaire de la LOS.
Flous règlementaires : attention
aux contentieux
Malgré ce cadre exigeant et sécurisant
pour les entreprises et opérateurs, des flous subsistent dans la loi sur la
responsabilité lorsqu’un dommage est causé à un tiers, ainsi que sur les actions
récursoires et de garantie. 
Hugo Lopez a rappelé que
lorsque la faute est qualifiée, l’opérateur, dont l’objet a causé un dommage,
devra indemniser le préjudice dans la limite de 60 millions. Mais si la
LOS qualifie le régime de responsabilité en fonction de la nationalité de
l’objet, Muriel Bernard a par exemple indiqué être dans l’inconnu en ce qui
concerne la responsabilité et les risques pour un satellite non manœuvrant
construit pas le CSUM en France, mais lancé par une fusée étrangère.
La directrice assurance
produit et valorisation au CSUM a également fait référence au cas récent d’un
satellite Space X lancé plus haut que ce qui était prévu et qui, de fait, n’était
plus en conformité avec l’autorisation LOS. L’opérateur français n’ayant pas la
main sur le lanceur, où placer la faute ?
Auprès du JSS,
Laetitia Cesari prend pour sa part le cas de figure d'un satellite faisant
l'objet d'une attaque cyber, entrainant une perte de contrôle et causant un
dommage à un tiers : à qui incombe la responsabilité ? « On sait que le
risque zéro n'existe pas, et il est également essentiel de veiller à ce que les
conséquences financières et opérationnelles pour l’entreprise ne soient pas
trop lourdes. Une attention particulière devra être portée à la limitation des
pertes et à la préservation des actifs stratégiques. Et une question se
pose : comment fait-on pour trouver un équilibre entre le dédommagement et
la réalité économique des start-up, qui n’ont pas toujours les moyens de
couvrir l’ensemble des dommages potentiellement causés ? »
Elle espère en tout cas que
ces flous, qui laissent une marge d’interprétation, vont être comblés, « car
à l’heure actuelle, la LOS essaie d’être au plus proche de la réalité avec des
ajouts de décrets et d’arrêtés, mais la loi a été conçue en 2008, à un moment
où il n’était pas encore question de service en orbite qui répare et
provisionne des satellites. Il faut travailler sur cette forme de
responsabilité, car il y a du contentieux probable » alerte-t-elle.
Quid de
l’articulation LOS et loi européenne ?
Face à cette loi certes
imparfaite mais très protectrice, se pose la question de l’articulation entre
la LOS et l’UE Space Act. 
Le texte n’ayant pas encore
été dévoilé, il n’est pas encore possible de savoir, mais tout dépend de la
forme que prendra ce texte européen, signale Laetitia Cesari. D’abord appelé UE
Space Law, les commissaires européens ont ensuite préféré le terme « Act »,
car « si c’est une loi, c’est forcément étatique » relate-t-elle.
En qualifiant le texte d’Act, cela permettra de déterminer s’il s’agira de
mesures contraignantes comme un règlement qui va directement s’appliquer aux
États, ou bien d’une directive.
À lire aussi : NewSpace : la
règlementation des débris au cœur des débats
Et si Laetitia Cesari rejoint
Hugo Lopez sur le fait qu’un nouveau cadre juridique ne viendra pas remplacer
la LOS puisqu’il est « peu probable que les obligations européennes
soient supérieures aux obligations françaises », elle indique
néanmoins que l’UE Space Act permettra à des pays qui n’ont pas de loi
nationale, comme l’Allemagne, d’avoir des lignes directrices pour offrir un
cadre juridique, une sécurité et une fiabilité aux entreprises. 
Dans le cas où deux
opérateurs de deux pays européens travaillent ensemble mais ne dépendent pas du
même texte, Laetitia Cesari nous précise que si le cadre juridique européen
prend la forme d’un règlement, il primera sur le droit national dont dépend
l’autre pays. S’il s’agit d’une directive, les États auront une marge de
manœuvre dans la transposition de la directive dans le droit national. « L’idée
est d’être protecteur et de maintenir une certaine compétitivité »,
ajoute-t-elle. Sans pour autant parler d’une harmonisation avec les autres
pays, la juriste évoque plutôt un alignement par le haut.
La loi européenne comme
solution à la fragmentation du marché
Chehineze Bouafia n’a
d’ailleurs pas manqué de rappeler, lors de la table ronde organisée par De
Gaulle Fleurance, que « lorsque l’on pose le cadre LOS dans un contexte
de compétition internationale accrue, les contraintes réglementaires peuvent
peser sur les opérateurs, ne serait-ce qu’en matière de coût ».
L’une des exigences de la LOS
porte en effet sur la fin de vie des opérations spatiales et de satellites. Si
les opérateurs français respectent la réorbitation de leur satellite
géostationnaire dans l’orbite cimetière pour éviter qu’il ne devienne un débris
pouvant causer des risques, d’autres pays s’affranchissent de cette contrainte.
Cette opération nécessite en effet de préserver une quantité d’ergol, ce qui a
un coût, « car c’est du fuel qui n’est pas réutilisé par l’opérateur
pour amortir son investissement principal » contrairement à d’autres
pays.
Un exemple qui illustre la
« distorsion concurrentielle et réglementaire » actuelle et la
fragmentation des États européens et non européens qui ne sont pas assujettis à
un cadre strict, a déploré la juriste. Cette dernière a réitéré sa volonté de
voir une harmonisation des règles et exigences en matière de durabilité, de
soutenabilité et de sécurité des missions spatiales, car « les efforts
de quelques opérateurs vertueux ne peuvent suffire à garantir la sécurité et la
soutenabilité des activités spatiales ».
Allison
Vaslin
Pour aller plus loin... JSS : Qualifiée de « modèle » pour d’autre pays, quelle est la place de la France dans le secteur spatial et de sa loi, semble-t-il, la plus aboutie de toutes ? Laetitia Cesari : Au niveau européen, il y a cette volonté des différents États de créer une industrie commune, mais historiquement, la France a une industrie extrêmement diversifiée avec des capacités de lancement, de construction des différents systèmes satellitaires et spatiaux, ainsi que de l’opération, c’est-à-dire le fait d’exploiter les applications satellitaires et les cas d’usages (analyser les données, récupérer de la communication…). La France n’est pas la seule, mais sa particularité réside dans le fait de posséder un service de lancement au centre spatial guyanais, mais aussi de travailler avec entreprises européennes du fait de son industrie diversifiée. Et c’est parce que l’hexagone a su se rendre compte de l’importance de son industrie que le cadre juridique est devenu essentiel, d’où la naissance de la LOS. La France fait partie des discussions diplomatiques, de certains traités essentiels. Il s’agissait pour elle de se poser en modèle. Il y a également cette politique française de dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit et de prôner une transparence. On veut rendre le marché fiable contrairement à d’autres marchés étrangers. Par ailleurs, la France a fait le choix de transposer dans la LOS les lignes directrices sur la réduction des débris, ce qui lui confère une fiabilité auprès des entreprises qui, dans un soucis d’impact environnemental, feront le choix de travailler avec la France qui essaie de lancer utile plutôt que futile. JSS : Déjà reportée à l’été 2024, la présentation de l’UE Space Act a finalement été fixée à cet été. Pourquoi ce retard ? Laetitia Cesari : La commissaire de la Commission européenne Ursula Von der Leyen et son équipe à l’époque se sont rendu compte de l’importance d’avoir une industrie européenne qui bénéficie d’une sécurité juridique au niveau sur le sujet du spatial, d’une stabilité mais aussi de mesures qui permettent la compétitivité des États. Il y a eu en parallèle beaucoup de discussions sur les prérogatives des États car le spatial est très lié à leur souveraineté, et les prérogatives de l’Union européenne. Cette dernière avait des programmes spatiaux essentiels tels que Copernicus pour l’observation de la Terre, Galileo pour tout ce qui est communication, et la Commission s’est dit que face à plusieurs pays avec une loi nationale propre, il faudrait que les États bénéficient d’un cadre commun : l’UE Space Act, d’abord intitulé EU Space Law. Des discussions ont eu lieu et ont révélé des tensions en 2022 entre certains pays, européens ou non, et ont ainsi mis en lumière l’importance de bénéficier d’une forme de coordination entre les différentes parties. Des tensions ravivées en ce moment avec le contexte géopolitique, et la Commission se rend compte qu’il faut aussi davantage travailler sur les communications sécurisées lorsque plusieurs industriels sont impliqués. Mais ce qui a primé un moment, c’est la réponse à un besoin industriel en terme d’application satellitaire. Ça ne veut pas dire que le cadre juridique est laissé à l’abandon puisque les États continuent de travailler sur l’UE Space Act, mais cela a retardé sa rédaction. En outre, son entrée en vigueur prendra un certain temps puisqu’une fois présenté, le texte devra ensuite être voté. Le Conseil de l’Union européenne devra travailler sur certaines modalités d’application et après le vote au Parlement, une date butoir avant laquelle les États devront transposer ou adapter leur législation nationale devra être fixée.  | 
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