La mer, patrimoine commun en danger


mercredi 18 mai 20226 min
Écouter l'article

« L’eau fait partie du patrimoine commun de la Nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. » C’est ce qu’affirme l’article L. 210-1 du Code de l’environnement, qui ajoute que « les écosystèmes aquatiques et les écosystèmes marins constituent des éléments essentiels du patrimoine de la Nation ».

Les océans sont donc indéniablement « des espaces contestés et des biens communs en danger ». C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lors du « One Ocean Summit », qui s’est tenu à Brest du 9 au 11 février derniers, réunissant une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement.

À cette occasion, les différents participants ont fait part de leur détermination à préserver les océans en contribuant aux « Engagements de Brest pour l’Océan », aux côtés du secrétaire général de lOrganisation des Nations unies, de la directrice générale de l’UNESCO et du secrétaire général de l’Organisation maritime internationale.

Si la question de la pollution de l’eau n’est malheureusement pas nouvelle, qu’il s’agisse de la pollution de puits, de retenues d’eau, de rivières ou de la mer, et que ces pollutions soient chimiques, du fait de métaux lourds ou du plastique, il n’en demeure pas moins qu’elle reste actuelle, et qu’elle alerte plus que jamais.

 

 

La pollution chimique de la mer : 50 ans de pollutions

Comme le souligne un rapport d’avril 2021 sur les polluants aquatiques dans les océans et les pêcheries, « les polluants chimiques ont un impact sur les chaînes alimentaires océaniques et aquatiques depuis des décennies et les conséquences s’aggravent. La littérature scientifique documente la pollution d’origine humaine dans les écosystèmes aquatiques depuis les années 1970. Selon les estimations jusqu’à 80 % de la pollution chimique marine provient de la terre ferme et la situation s’aggrave. La gestion des sources ponctuelle de polluants n’a pas réussi à protéger les écosystèmes aquatiques contre les sources diffuses partout dans le monde. L’aquaculture atteint également ses limites en raison de l’impact des polluants, l’intensification entraînant déjà une détérioration dans certaines zones et les contaminants1. »

 

 

Le mercure

A titre dillustrationle mercure, qui pollue largement mers et océans, provient essentiellement des rejets de l’industrie (exploitation minière, combustion de déchets…) et se retrouve, dans le milieu aquatique, essentiellement sous la forme de méthylmercure, contaminant certains poissons, principalement la dorade, l’espadon, le marlin, le grenadier, le bar, le requin et le thon.

Et Lars-Eric Heimbürger-Boavidachercheur CNRS à l’Institut méditerranéen d’océanologie à Aix-Marseille-Université, d’en conclure que « Nous sommes tous exposés au mercure lorsque nous consommons du poisson, qui est pourtant une bonne source de protéines et d’acides gras (…) C’est une réelle préoccupation de santé publique ! »

Sur le plan international, la Convention de Minamata sur le mercure (2013) a pour objectif « non seulement d’améliorer la santé des populations dans le monde entier, mais aussi d’accélérer le passage à une économie plus juste et plus verte. Les populations peuvent bénéficier de technologies qui offrent des solutions performantes et plus sûres leur permettant de bâtir un avenir stable et durable. » Dès lors, elle vise à « protéger la santé humaine et l’environnement contre les émissions et rejets anthropiques de mercure et de composés du mercure. »

Sur le plan européen, le règlement du 17 mai 2017 relatif au mercure rappelle bien quant à lui que « (…) le mercure est une substance très toxique qui représente une menace majeure à l’échelle mondiale pour la santé humaine, notamment sous la forme de méthylmercure présent dans le poisson et les fruits de mer, les écosystèmes et la faune et la flore sauvages. En raison de la nature transfrontière de la pollution due au mercure, 40 % à 80 % des dépôts totaux de mercure dans l’Union proviennent de l’extérieur de ses frontières. Une action est dès lors justifiée à l’échelon local, régional, national et international2. » Partant, ce règlement a notamment pour vocation de fixer les mesures et conditions applicables à lutilisation, au stockage et au commerce du mercure, des composés du mercure et des mélanges à base de mercure, ainsi qu'à la fabrication, à lutilisation et au commerce des produits contenant du mercure ajouté et à la gestion des déchets de mercure afin de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et de lenvironnement contre les émissions et rejets anthropiques de mercure et de composés du mercure.

Au-delà de la pollution au mercure, force est de constater que l’agriculture intensive et les produits ménagers détergents sont également des sources de pollution maritime à part entière, qui ne peuvent qu’inviter ardemment à repenser les modes de consommation.

 

 

L’agriculture intensive, facteur indéniable de pollution de l’eau et de la mer

L’agriculture intensive est en effet une des causes majeures de pollution de la mer, essentiellement (mais pas uniquement) du fait des nitrates ou des pesticides.

 

 

Les nitrates

Sur le plan européen, et depuis le 12 décembre 1991, la directive dite « nitrates3 » est venue organiser la protection des eaux contre la pollution par les nitrates sur les milieux naturels, fixant deux objectifs principaux qui sont la réduction de la pollution des eaux par les nitrates et la prévention de lextension des zones de pollutionSur ce fondement, les États membres doivent notamment :

• désigner des zones vulnérables ;

• établir des programmes dactions obligatoires pour ces zones et en assurer un suivi effectif  ;

• effectuer un suivi de la concentration de nitrates dans les eaux douces et les eaux de surface au sein de stations de prélèvement  ;

• établir, tous les quatre ans, un rapport circonstancié sur la mise en œuvre de la directive  ;

• accompagner les agriculteurs en leur donnant accès à des formations et à des informations, en leur proposant un guide des bonnes pratiques.

La Commission européenne fournit un rapport tous les quatre ans sur la base des informations nationales quelle reçoit ; le dernier rapport date de 2018.

Dans ce document, au titre de l’introduction, la Commission rappelait notamment que : « (…) La directive sur les nitrates contribue à remédier au phénomène des flux d’azote et de phosphore dans la biosphère et les océans, qui a été défini par la communauté scientifique comme constituant l’une des neuf limites planétaires. En outre, les flux de ces éléments nutritifs conjugués à la perte de biodiversité sont deux limites planétaires qui ont déjà été franchies. »

L’enjeu est donc majeur. Partant, les États membres doivent notamment désigner des zones vulnérables. Et sur ce point, le dernier rapport relève notamment que la France n’a pas joué le jeu et qu’une procédure d’infraction a été engagée contre la France et contre sept autres pays.

La Commission conclut notamment que « Les données sur les concentrations de nitrates montrent que la qualité des eaux douces et souterraines s’est légèrement améliorée en 2012-2015 par rapport à la période de référence précédente (2008-2011). Dans le même temps, la situation varie au sein du territoire de l’Union : pour certains États membres, les programmes d’action donnent de bons résultats et pour d’autres, des mesures supplémentaires visant à réduire et prévenir la pollution sont nécessaires. Globalement et malgré certaines avancées, la surcharge en éléments nutritifs d’origine agricole représente encore l’une des pressions les plus importantes sur le milieu aquatique.

Il convient d’y remédier afin d’atteindre le bon statut écologique des eaux, tel qu’établi par la directive-cadre sur l’eau. Tout comme pour la période de référence précédente, aucune conclusion ne peut être tirée quant à l’évolution de l’état trophique en raison du manque de données et des différences dans les méthodologies appliquées par les États membres pour évaluer l’eutrophisation. La Commission estime que l’utilisation d’une méthodologie commune pour évaluer l’eutrophisation serait nécessaire pour une application plus harmonisée de la législation sur l’eau. Il est toutefois possible de conclure que les problèmes de l’eutrophisation subsistent dans de nombreuses régions, notamment dans la mer Baltique », lieu de pêche incontournable, donnant lieu depuis plusieurs années à des réductions de pêche en vue de la reconstitution des stocks de poissons.



Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.